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de leurs mérites: Euntes' ibant, et flebant, mittentes semina sua. (Psal. 125.) Mais ils se consoloient par cette pensée, qu'ils reviendroient bientôt triomphans et comblés de joie, portant avec eux l'abondante moisson qu'ils auroient cueillie; c'est-à-dire, portant avec eux des trésors immenses de gloire, qui devoient être le prix des légers sacrifices qu'ils faisoient à Dieu : Venientes autem venient cum exultatione portantes manipulos suos. (Ibidem.) Ils possédoient leurs ames dans la patience, fondés sur l'espérance qu'ils avoient d'entendre bientôt ces délicieuses paroles': Quia super pauca fuisti fidelis, super multa te constituam; (Matth. 25.) parce que vous avez été fidèle en de petites choses, j'en ferai de grandes pour vous. Je n'épargnerai rien pour votre bonheur. Intra in gaudium Domini tui ; (Ibidem.) entrez dans la joie de votre Dieu, parce que la joie de votre Dieu est trop grande pour entrer dans vous. Car tel est, mes chers auditeurs, le fond du mystère que nous célébrons, et c'est ce que la vue des saints et de leur gloire nous doit inspirer. Je sers un Dieu, non-seulement fidèle dans ses promesses, mais magnifique dans ses récompenses; un Dieu qui récompense en Dieu, et qui et qui sans attendre cette vie éternelle qu'il me promet, m'accorde déjà le centuple de ce que je fais pour lui, par la consolation que j'ai de le faire et de l'avoir fait. Or c'est encore de la que je tire la seconde notion d'une récompense abondante.

Car j'ai dit, après saint Augustin, que c'est celle qui par elle-même suffit pour contenter l'homme; et j'ai ajouté que ce caractère ne pouvoit convenir, et ne convenoit qu'à la récompense des saints. Cette vérité a-t-elle besoin de preuve, et en fut-il jamais une plus capable de nous forcer en quelque sorte malgré nous-mêmes à chercher le royaume de Dieu ? Il est vrai; on voit dans le monde des hommes qui, selon le monde, paroissent amplement récompensés: on en voit dont les récompenses vont même bien audelà de leurs services et de leurs mérites. Mais en voit-on de contens? en voyez-vous? en avezvous vu? espérez-vous jamais d'en voir? et s'ils ne sont pas contens, à quoi leur servent leurs prétendues récompenses? Ils regorgent de biens et d'honneurs, je le veux; et il semble que le monde se soit épuisé pour les élever à une prospérité complète. Mais cependant leur cœur est-il satisfait? ne désirent-ils plus rien? se croient-ils heureux? et dans leur prospérité même, dans ce bonheur apparent, trouvent-ils en effet la félicité? N'est-ce pas au contraire, dit saint Chrysostôme, dans ces sortes d'états qu'il est plus rare, ou plutôt moins possible de la trouver? n'est-ce pas dans les grandes fortunes, que se trouvent les grands chagrins? et qui pourroit dire le nombre de ceux qui n'y sont parvenus que pour être plus malheureux, et pour le sentir plus vivement? Le monde n'avoit pourtant rien épargné pour contenter leur ambition, et pour les combler de ses

faveurs.

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faveurs. Mais en même temps le monde n'avoit pas manqué de mêler parmi ses faveurs des semences d'amertume qui en étoient inséparables, et qui devoient bientôt après produire des fruits de douleur. Le monde en les rendant puissans et opulens, leur avoit donné tout ce qui étoit de son ressort; mais il n'avoit pu leur donner ce rassasiement, cette paix du coeur sans quoi ni la puissance, ni l'opulence, n'empêchoient pas que leur état ne fût un état affligeant. Quelque heureux qu'ils parussent, combien leur manquoit-il de choses pour l'être? Vous me direz qu'ils ne devoient s'en prendre qu'à eux-mêmes, puisqu'ils - n'étoient malheureux que parce qu'ils étoient insatiables. Et moi je réponds: mais pourquoi, malgré les faveurs dont le monde les combloit, étoient-ils encore insatiables, sinon, ajoute saint Chrysostôme, parce que c'est une vérité reconnue, constante, éternelle, que jamais les faveurs du monde, quelque abondantes que nous les concevions, ne pourront rassasier le cœur humain?

Quoi qu'il en soit, chrétiens, de là je conclus l'excellence et la perfection de la récompense des élus de Dieu. Gar il est encore de la foi, que cette récompense seule remplira toute la capacité, et même toute l'immensité de notre cœur.. Il est de la foi que nous trouverons en elle l'accomplissement de tous nos désirs. Il est de la foi qu'elle sera pour nous une béatitude consommée, à laquelle il ne manquera rien, et qui nous tiendra

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lieu de tout. En un mot, il est de la foi qu'avec cette récompense, tout insatiables que nous sommes nous serons contens. Satiabor, cùm apparuerit gloria tua, (Psalm. 16.) disoit à Dieu cet homme selon le cœur de Dieu : je serai rassasié, quand vous me découvrirez votre gloire. Comme s'il eût dit jusque-là, Seigneur, quoi que le monde fasse pour moi, je serai toujours affamé et altéré; jusque-là ennuyé de ce que je suis, je voudrai toujours être ce que je ne suis pas; jusque-là mon cœur, plein de vains désirs, et vide des biens solides, sera toujours dans l'agitation et dans le trouble. Mais quand vous m'aurez fait part de votre gloire, mon cœur rassasié commencera à être tranquille. Je ne sentirai plus cette soif ardente de la cupidité qui me brûloit; je n'aurai plus cette faim avide d'une ambition secrète qui me dévoroit. Tous mes désirs cesseront, parce que je trouverai dans votre gloire la plénitude du bonheur, la plénitude du repos, la plénitude de la joie; parce que cette gloire, quand je la posséderai, sera pour moi l'affranchissement de tout mal, et la jouissance de tout bien: Satiabor, cùm apparuerit gloria tua.

C'est ainsi que parloit David. Etoit-ce par exagération, ou dans le transport d'une extase? Non, chrétiens: il parloit selon le premier sentiment qui naissoit dans son ame; et il ne faut pas s'étonner si, touché de la vérité que je vous annonce, il se servoit d'une expression aussi forte que celle-ci: Satiabor; parce qu'il savoit que

eette gloire et cette récompense des élus, après laquelle il soupiroit, n'étoit rien autre chose que Dieu même. Car la foi nous apprend encore que c'est Dieu lui-même qui doit être notre récompense: Ego merces tua magnanimis; (Genes. 15.) oui, moi-même, dit Dieu à son serviteur Abraham, moi-même qui suis ton Seigneur et ton maître, je serai ta récompense et ta béatitude. Hors de moi, rien ne pouvoit l'être; et toute ma gloire sans moi ne servit pas assez pour toi. Il me falloit moi-même pour te rendre heureux; et c'est pourquoi je ne te promets point d'autre récompense que moi-même: c'est moi que tu posséderas: Ego merces tua. Or il est aisé de concevoir comment la possession d'un Dieu peut opérer dans l'homme l'effet divin que David s'efforçoit d'exprimer par cette parole: Satiabor. Car c'est là, mes chers auditeurs, tout le secret de cette félicité incompréhensible dont jouiront les saints dans le ciel. Ils posséderont Dieu; ils seront pleins de Dieu: Inebriabuntur ab ubertate domús tuæ; (Psalm. 35.) ils seront enivrés, ô mon Dieu! de l'abondance qui remplit votre maison: Et torrente voluptatis tuæ potabis eos; (Ibidem.) ils boiront à longs traits dans le torrent de vos délices, dont ils seront inondés.. Pourquoi? il en apporte la raison, qui est convaincante: Quoniam apud te est fons vitæ ; (Ibidem.) parce que c'est en vous qu'est la source de la vie. Voilà, dis-je, chrétiens, quelle sera votre récompense; voilà au milieu des misères qui nous accablent

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