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pour eux, ni nous relâcher sur rien : nous flatter d'avoir cette charité chrétienne qui est le lien de la paix, et cependant être toujours aussi entiers dans nos prétentions, aussi jaloux de nos droits, aussi déterminés à n'en rien rabattre, aussi vifs sur le point d'honneur, aussi attachés à nousmêmes; abus, mes chers auditeurs ; ce n'est pas ainsi que le Dieu de la paix nous l'a enseigné. Il ne falloit point pour cela qu'il vînt au monde, ni qu'il nous servît de modèle. Nous n'avions sans lui que trop d'exemples de cette charité intéressée. Il étoit inutile que ce Dieu fait homme nous apportât un commandement nouveau; de tout temps les hommes s'étoient aimés de la sorte les uns les autres, et cette prétendue charité étoit aussi ancienne que le monde ; mais aussi le monde, avec cette charité prétendue, n'avoit jamais été, ni ne pouvoit jamais être en paix,

C'est l'intérêt, chrétiens, qui nous divise. Otez la propre volonté, disoit saint Bernard, il n'y aura plus d'enfer; et moi je dis : Otez l'intérêt propre, ou plutôt la passion de l'intérêt propre, et il n'y aura plus parmi les hommes de dissensions, plus de querelles, plus de procès, plus de discordes dans les familles, plus de troubles dans les communautés, plus de factions dans les Etats: la paix avec la charité régnera partout. Elle régnera entre vous et ce parent, entre vous et ce frère cette soeur, entre vous et cet ami, ce voisin, ce concurrent. Dès lui vous Vous voudrez que déporter de tel et tel intérêt, qui fait contre vous

pour

son chagrin, dès-là vous aurez avec lui la paix; et souvent même, selon le monde, la paix que vous aurez avec lui vaudra mieux pour vous que l'intérêt qu'on vous disputoit et à quoi vous renoncez. Détachés de nos intérêts, nous ne contesterons avec personne, nous ne nous brouillerons avec personne, nous ne romprons avec personne; et, par une infaillible conséquence, nous goûterons les douceurs de la société, nous jouirons des avantages de la pure et sincère cha rité: semblables aux premiers chrétiens, n'ayant tous qu'un cœur et qu'une ame, nous trouverons dans cette union mutuelle une béatitude anticipée, et comme un avant-goût de l'éternelle félicité.

que

Or, à la vue de Jésus-Christ, pouvons-nous avoir d'autres sentimens que ceux-là? Si nous sommes chrétiens, je dis de vrais chrétiens, nous faut-il un autre juge que ce Dieu Sauveur, et un autre tribunal la crèche où il est né, pour vider tous les différends qui naissent entre nous et nos frères? Un chrétien rempli des idées que lui inspire un mystère si touchant, voudroit-il appeler de ce tribunal, et auroit-il peine à remettre aujourd'hui tous ses intérêts entre les mains d'un Dieu qui ne vient au monde que pour y apporter la paix? Voilà, mon cher auditeur, ce que je vous demande en son nom. Si votre frère n'a pas mérité ce sacrifice, souvent très-léger, que vous lui ferez de votre intérêt, Jésus-Christ le mérite pour lui. Si votre frère est mal fondé

dans ses prétentions, et s'il n'est pas juste que vous lui cédiez, au moins est-il juste que vous cédiez à Jésus-Christ. Ce que vous refusez à l'un, donnez-le à l'autre : ce que vous ne voulez pas accorder à votre frere, donnez-le à la charité et à Jésus-Christ: par là vous acheterez la paix, vous l'acheterez à peu de frais, et par là même vous la conserverez.

Mais peut-être s'agit-il de toute autre chose entre vous et le prochain: peut-être, indépendamment de tout intérêt, ce qui vous divise n'estce de votre part qu'une fierté qui l'a choqué, qu'un emportement qui l'a irrité, qu'une parole aigre dont il s'est senti piqué, que des manières dures dont il s'est tenu offensé, qu'un air de hauteur avec lequel vous l'avez traité: si cela est, il ne dépend, pour le satisfaire, que de vous adoucir à son égard, que de lui donner certaines marques de votre estime, que de lui rendre certains devoirs, que de le prévenir par quelques démarches qui le rameneront infailliblement et l'attacheront

à vous.

Je ne le puis, dites-vous; j'y sens une opposition invincible, et je n'en viendrai jamais là. Rentrez, encore une fois, rentrez, mon cher auditeur, dans l'étable de Bethléem, vous y verrez le Dieu de la paix incarné et humanisé; ou plutôt, vous y verrez dans sa personne la bénignité même incarnée, la grandeur même de Dieu humanisée. Je le répète, vous y verrez un Dieu qui, pour vous attirer à lui, n'a point dédaigné de vous

rechercher; qui, par une condescendance toute `divine de son amour, s'est fait même comme une gloire de vous prévenir. S'il eût attendu que vous, pécheur, vous son ennemi et son ennemi déclaré, vous eussiez fait les premiers pas pour retourner à lui, où en étiez-vous, et quelle ressource vous restoit pour le salut? Cependant, malgré l'exemple de votre Dieu, vous vous faites, et vous osez vous faire je ne sais quel point d'honneur de n'aller jamais au-devant de votre frère pour le rapprocher de vous, et pour l'engager lui-même à revenir. Malgré la loi de la charité, et d'ailleurs même après avoir été l'agresseur, vous conservez contre lui de scandaleux et d'éter nels ressentimens: n'est-ce pas renverser tous les principes du christianisme, et vous exposer à de terribles malédictions du ciel?

Vous y verrez un Dieu qui, pour vous gagner, vous comble des bénédictions de sa douceur, un Dieu qui, pour se rendre plus aimable, quitte tout l'appareil de la majesté, et qui s'humanise non-seulement jusqu'à paroître, mais jusqu'à devenir en effet homme comme vous; un Dieu qui, sous la forme d'un enfant, vient s'attendrir sur vous de compassion, et pleurer, non pas ses inisères, mais les vôtres. Car c'est ainsi, dit saint Pierre Chrysologue, qu'il a voulu naître, parce qu'il a voulu être aimé : Sic nasci voluit, qui voluit amari. (Petr. Chrysol.) Parole touchante et digne de toutes nos réflexions! c'est ainsi qu'il a voulu naître, parce qu'il a voulu être aimé.

Il auroit pu naître, et il ne tenoit qu'à lui de naître dans la pompe et dans l'éclat de la magnificence royale; mais en naissant de la sorte, il n'auroit été que respecté, que révéré, que redouté, et il vouloit être aimé. Or, pour être aimé, il devoit s'abaisser jusqu'à nous; pour être aimé, il devoit être semblable à nous; pour être aimé, il devoit souffrir comme nous; et c'est pourquoi il a voulu naître dans l'état de foiblesse et d'abaissement où ce mystère nous le représente: Sic nasci voluit, qui voluit amari. Après cela, chrétiens, affectez des airs dédaigneux et hautains envers les autres; traitez-les en esclaves, avec empire, avec dureté, et non pas en frères, avec patience, avec bonté: rendez-vous inflexibles à leurs prières et insensibles à leurs besoins. N'estce pas démentir votre religion? n'est-ce pas même violer les droits de l'humanité? Je serois infini si j'entreprenois de développer ce point de morale dans toute son étendue.

Quoi qu'il en soit, mes chers auditeurs, voilà la sainte et divine paix que nous devons capitalement désirer, et qui ne vous coûtera jamais trop, à quelque prix qu'elle vous puisse être vendue: la paix avec nos frères; et sans exception, la paix avec tous les hommes: Cum omnibus hominibus pacem habentes. Mais quel est notre aveuglement et le sujet de notre confusion? Le voici: dans les temps où Dieu nous afflige par le fléau de la guerre, nous lui demandons la paix; et dans le cours de la vie, nous ne travaillons à rien

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