"

périté & les honneurs; plus grande encore dans l'adverfité & l'humiliation; ,, grande dans cette vie, mais incomparablement plus grande dans l'autre. Que de grandeurs! Que d'élévations! N'en foyez pas furpris, la Société eft l'ouvrage de Dieu (1) & non pas des ,, hommes. Plufieurs fiécles avant fa ,, naiffance, l'Abbé Joachim l'avoit vûe ,, en efprit, & avoit déclaré pour la confolation des fidèles, que vers la fin des fiècles, il paroitroit un Ordre d'hommes Apoftoliques qu'il décrit avec des ,, traits pompeux, magnifiques, & qui conviennent admirablement à la Socié té ". Ce début a tout l'air de la divifion d'un Panégyrique. En y coufant un Ave Maria, on en fera fans peine l'Exor de d'un beau fermon pour le jour de St. Ignace de Loyola.

39

C'eft de ce Héros Fondateur de l'Ordre, qu'il s'agit dans le CHAPITRE II. où l'Auteur parle de l'Origine de la Société. L'Hif toire, ou pour mieux dire, le Roman de fes avantures eft à côté de Don-Quichot te, dans la plupart des Bibliothéques, fous le titre d'Hiftoire de Don Inigo de Guipufcoa

*

&

(1) Dei unius opus eft Societas, nox bominumz Dei opus, Imago primi fæculi, pag. 688.

(*) Imprimée à la Haye, chez la Veuve de Charles Levier en 2 vol. in 12. 1738% Tome V. Part. II.

D

وو

& cette hiftoire eft un extrait fidèle d'une multitude d'Ouvrages publiés à la gloire du Patriarche des Loyoliftes par ceux qui l'ont le mieux connu. De bonne heure, Ignace se dévoua à JESUS & à Marie comme leur Chevalier (2). Des-lors il négligea fon extérieur.,,Il avoit le visage pâle; défait, tout couvert de crafse, les cheveux fales & jamais peignés, la ,, barbe & les ongles qu'il laiffoit croitre, " la figure affreuse & horrible jufqu'à fai,, re peur (3)". La terre lui fervoit de lit,, une pierre lui fervoit de couffin; il ne prenoit qu'un peu d'eau & de pain pour fa nourriture; il ajoutoit encore à ces macerations trois rudes flagellations par jour. On le prit pour un fou; mais Marie le foutenoit, & dans des extafes fréquentes il recevoit d'elle des confolations indicibles.,, Il en eut une entr'autres qui du„ ra huit jours ... Si un petit souffle n'eût fait connoitre qu'il n'étoit pas mort on alloit l'enterrer tout vivant. Dans ce raviffement merveilleux, JESUSCHRIST lui fit voir tout le plan de la Société & de quelle manière il devoit la former. Ignace ne tarda pas de fuivre ce que le Ciel demandoit de lui.

39

Mont

(2) Baillet vie des Saints Tom. VII. Edit. de Paris 1704. in-8. pag. 813. (3) Id. ibid. pag. 814.

,, Montmartre, illuftre Abbaye proche Paris, fut le berceau de la nouvelle famille (4).

Dans le CHAPITRE III. nôtre Historien parle des Graces fingulières que reçut la Société naiffante. JESUS infpira à Ignace de l'appeller de fon nom. Sa modeftie en fouffroit, mais il n'étoit pas moins docile qu'humble. Dieu parloit, il obéit (5). A ce don, Jefus-Chrift en ajouta un autre non moins précieux. Il donna des Régles à Ignace. Envain des envieux ont préten du que ces Régles n'étoient qu'une compilation de celles des autres Communautés. Eh le moyen! Ignace étoit pour lors fans lettres, fans érudition, fans bibliothéque, fans livres. On démontre dailleurs par cinquante argumens au moins, que le St. Efprit l'affifta dans cette composi tion (6).

,

Nouvelle grace bien diftinguée; ce fut à François de Borgia, un des plus célébres enfans d'Ignace, que Dieu la révéla. Un jour qu'il étoit en Oraifon, il lui déclara ,, que pendant les trois premiers fiécles de la Société, aucun de ceux qui y per

(4) Engelgrave Lux Evangelica &c. Antuerp. 1638. pag. 71. 97.

(5) Orlandini Hift. Societ. Jesu. Alterpa 1620. Lib. 2. n. 2 p. 41.

(6) Engelgrave pag. 92.

99

,, perfévéréroient jusqu'à la fin, ne feroit damné (7) ". Enfin prefque tous les premiers difciples d'Ignace reçurent du Ciel des graces miraculeufes. Il y en eut qui virent la Trinité; d'autres qui en donnant la communion, appercevoient JESUS-CHRIST fous la forme d'un enfant, qui entroit dans la bouche des Communians. Et ce qu'il y avoit de plus étonnant, c'eft que ces dons qui paroiffoient particuliers à quelques uns, étoient communs & familiers à tous les autres (8).

CHAPITRE V. Miffion de la Société. L'Eglife avoit befoin de ces guerriers fpirituels pour arrêter les progrès de l'hérésiè & tertaffer fes défenfeurs. Elle trouve tout dans les Jefuites.,, Eft-il befoin de rufes & de ,, ftratagèmes? C'eft leur fort. . . . Fautil fe battre à forces ouvertes? Avec ,, quelle ardeur ne donne point cette ar ,, mée, dirai-je d'hommes, ou d'Anges? ,, Quel carnage ne fera-t-elle pas"? Le nouvel Hiftorien de la Société, la réprésente ici comme victorieufe de tous les ennemis de l'Eglife.,, Le Calvinisme confondu, le Lutheranifme arrêté, le Socinianifme attaqué & combattu dans fes

(7) Engelgrave.

>> pre

(8) Table par Jean Jerome pag. 343. & ailleurs. Engelgrave pag. 73. Imago primi Sæculi pag.

402.

premiers principes, font, dit-il, les ,, premiers progrès de la Société ". Après cela l'erreur, le fchifme & l'hérefie ne tiendront nulle part contre elle. Partout où les Jéfuites paroitront, ils feront tôt ou tard vainqueurs. Un monde entier ne fera pas affez vafte pour contenter leur zèle. Pour remplir leur cœur il faudra qu'ils en cherchent un nouveau & notre Auteur empruntant le langage des Ecrivains de la Société, leur promet les fuccès les plus brillans.

Ces fuccès néanmoins n'ont pas été fans défagrémens. L'Hiftorien ne le diffimule pas. Au contraire, dès le CHAPITRE VI. il parle des premières traverses que la Société a effuyées. Agitée de troubles & de feditions domeftiques, pendant que quelques uns de fes enfans inquiets & brouillons lui déchirent les entrailles, on s'élève de tous côtés contre elle. Sous prétexte que c'est une religion nouvelle, d'une ambition démefurée, dont la conduite n'eft qu'une politique réglée fur les maximes de Machiavel, elle eft honteusement chaffée des Royaumes de Bohème & de Hongrie: de la Moravie, de la Siléfie, de la Tranfylvanie, de Vénife, du Mont-Politien en Italie; jufques en Espagne & à Rome même on la charge des accufations les plus atroces & les plus infamantes.

En France furtout, que d'oppofitions à

Pé