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se voir environné d'une famille dont les joues hâves et les yeux creux annoncent l'ardeur de la faim et de tous les besoins? Consentirionsnous à suivre les curés de Paris, ces anges d'humanité dans le séjour du crime et de la douleur , pour consoler le vice sous les formes les plus dégoûtantes, pour verser l'espérance dans un cœur désespéré? Qui de nous, enfin, voudroit se séquestrer du monde des heureux, pour vivre éternellement parmi les souffrances, et ne recevoir, en mourant, pour tant de bienfaits, que l'ingratitude du pauvre et la

calomnie du riche?

CHAPITRE III.

CLERGÉ RÉGULIE R.

Origines de la Vie Monastique. S'IL est vrai, comme on le pourroit croire, qu'une chose soit poétiquement belle

en

raison de l'antiquité de son origine, il faut convenir que la vie monastique a quelques droits à notre admiration; elle remonte jusqu'aux premiers âges du monde. Le prophète Elie, fuyant la corruption d'Israël, se retira le long du Jourdain, où il vivoit d'herbes et de racines, avec quelques disciples. Sans avoir besoin de fouiller plus avant dans l'histoire, cette source des ordres religieux nous semble assez merveilleuse. Que n'eussent point dit les poëtes de la Grèce, s'ils avoient trouvé pour fondateur des sacrés colléges, un homme ravi au ciel dans un char de feu, et qui doit reparoître sur la terre, au jour de la consommation des siècles ?

De là, la vie monastique, par un héritage admirable, descend à travers Elysée, les prophètes et S. Jean-Baptiste, jusqu'à Jésus-Christ, qui se déroboit souvent au monde pour aller prier sur les montagnes. Bientôt les Thérapeutes (1) embrassant les perfections, la

(2) M. de Voltaire se moque d'Eusèbe qui prend,

retraite, offrirent près du lac Mœris, en Egypte, les premiers modèles des monastères chrétiens; enfin, sous S. Antoine et S. Pacôme, paroissent ces fameux solitaires de la Thébaïde, qui remplirent le Carmel et le Liban de tous les chefs-d'œuvre de la pénitence. Une voix de gloire et de merveille s'éleva des plus affreuses solitudes; des musiques divines se mêloient au bruit des cascades et des sources; les séraphins visitoient l'hermite de la caverne, ou enlevoient son ame brillante sur les nues; les lions servoient de messagers; les corbeaux devenus intelligens, apportoient la manne céleste; les villes jalouses sentirent tomber leur réputation antique; ce fut le temps de la renommée du désert.

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Marchant ainsi d'enchantement en enchantement dans l'établissement de la vie religieuse, nous trouvons une seconde sorte d'origines, que nous appellerons locales; c'est-àdire certaines fondations particulières d'ordres et de couvens ces origines ne sont ni moins curieuses, ni moins poétiques que les premières. Voici aux portes de Jérusalem un monastère bâti sur l'emplacement de la maison de Pilate;

dit-il, les Thérapeutes pour des moines chrétiens. Eusèbe étoit plus près de ces moines que M. de Voltaire, et certainement plus versé que lui dans les antiquités. Montfaucon, Fleury, Héricourt, Heyliot, et une foule d'autres savans, se sont rangés à l'opinion de l'évêque de Césarée.

au mont Sinaï, le couvent de la Transfiguration, marque le lieu redoutable où Jéhovah dicta ses loix aux Hébreux; plus loin c'est un autre couvent élevé sur la montagne où Jésus-Christ disparut de la terre: le toit de son église est ouvert à l'endroit même où le Fils de l'Homme laissa la trace de son ascension glorieuse.

Et que de choses admirables l'Occident ne nous montre-t-il pas dans les fondations de nos propres couvens! Monumens de nos antiquités gauloises, lieux consacrés par d'intéressantes aventures, ou par des actes d'humanité; l'histoire, les passions du cœur, la bienfaisance se disputent également l'origine de nos monastères. Dans cette gorge des Pyrénées, voilà l'hôpital de Ronceveaux, que Charlemagne bâtit à l'endroit même où la fleur des chevaliers, Roland de France, termina ses hauts faits un asyle de paix et de secours marque dignement le tombeau du preux, qui défendit l'orphelin et mourut pour sa patrie. Aux plaines de Bovines, devant ce petit temple du Seigneur, j'apprends à mépriser les arcs de triomphe des Marius et des César ; je contemple avec orgueil ce couvent qui vit un roi François proposer la couronne au plus digne. Mais si vous aimez les souvenirs d'une autre sorte,une femme d'Albion, surprise par un sommeil mystérieux, croit voir en songe la lune qui se penche vers

elle; bientôt il lui naît une fille, chaste et nélancolique comme le flambeau des nuits, et qui, fondant un monastère, devient l'astre charmant de la solitude.

On nous accuseroit de chercher à surprendre l'oreille par de doux sons, si nous rappelions tous ces couvens d'Aqua-Bella, de Bel-Monte, de Vallombreuse, ou de la Colombe, ainsi nommé à cause de son fondateur, qui vivoit au fond des bois. Qu'on nous dise si la Trape n'étoit pas remplie de Comminges, et le Paraclet d'Héloïse? Demandez au paysan de l'antique Neustrie, quel est ce monastère qu'on apperçoit au sommet de la colline? Il vous répondra : « C'est le prieuré des deux Amans: » un jeune gentilhomme étant devenu amou » reux d'une jeune demoiselle, fille du châ» telain de Malmain, ce seigneur consentit à >> accorder sa fille à ce pauvre gentilhomme, » s'il la pouvoit porter jusqu'au haut du mont. » Il accepta le marché, et chargé de sa dame, » il monta tout au sommet de la colline; mais » il mourut de fatigue en y arrivant; sa pré» tendue trépassa bientôt par grand déplaisir : » les parens les enterrèrent ensemble dans ce » lieu, et ils y firent le prieuré que vous

» voyez. »

Enfin, les cœurs tendres auront dans les origines de nos couvens, de quoi se satisfaire, comme l'antiquaire et le poëte. Voyez ces

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