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envoie de si loin un traité d'anatomie, un » cours de médecine, et des questions de » physique écrites en une langue qui sans doute > vous est inconnue; mais votre surprise ces» sera, quand vous verrez que ce sont vos → propres ouvrages que je vous envoie habillés » à la Tartare (1). »

Il faut lire d'un bout à l'autre cette lettre où respire ce ton de politesse et ce style des honnêtes-gens, presque entièrement oublié de nos jours. « Le Jésuite nommé Parennin, dit >> M. de Voltaire, homme célèbre par ses » connoissances, et par la sagesse de son caractère, qui parloit très bien le chinois et le » tartare..... C'est lui qui est principale» mént connu parmi nous, par les réponses »sages et instructives sur les sciences de la >> Chine, aux difficultés savantes d'un de nos » meilleurs philosophes (2).

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En 1711, l'empereur de la Chine donna aux Jésuites trois inscriptions qu'il avoit composées lui-même, pour une , pour une église qu'ils faisoient élever à Pékin. Celle du frontispice portoit : << Au vrai principe de toute chose. » Pour l'une des deux colonnes du péristile, on lisoit :

« Il est infiniment bon et infiniment juste ;

(1) Lett. éd. tom. XIX, p. 257.

(2) Siècle de Louis XIV, chap. 39, tom. II, p. 343.

» il éclaire, il soutient, il règle tout avec une suprême autorité et avec une souveraine justice. »

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La dernière colonne étoit couverte de ces

mots :

« Il n'a point eu de commencement, il » n'aura point de fin: il a produit toutes choses » dès le commencement; c'est lui qui les gou» verne, et qui en est le véritable Seigneur. »

Quiconque s'intéresse un peu à la gloire de son pays, ne peut s'empêcher d'être vivement ému > en voyant de pauvres missionnaires François, donner de pareilles idées du Grand Etre, au chef de plusieurs millions d'hommes; quel noble usage de la religion!

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Le peuple, les mandarins, les lettres, embrassoient en foule la nouvelle doctrine > les cérémonies du culte avoient sur-tout un succès prodigieux. «< Avant la communion, dit » le père Fouquet, je prononçai tout haut les >> actes qu'on fait faire en approchant de ce » divin sacrement. Quoique la langue chinoise » ne soit pas féconde en affection du cœur, » cela eut beaucoup de succès. . . Je remar» quai, sur le visage de ces bons chrétiens, » une dévotion que je n'avois pas encore » vue (1). »

Toukang, ajoute le même missionnaire,

(1) Lett. éd.

m'avoit donné du goût pour les missions » de la campagne. Je sortis de la bourgade, » et je trouvai tous ces pauvres gens qui tra» vailloient de côté et d'autre ; j'en abordai un » d'entre eux, qui me parut avoir la physio» nomie heureuse, et je lui parlai de Dieu. » Il me parut content de ce que je disois, et » m'invita, par honneur, à aller dans la salle » des ancêtres. C'est la plus belle maison de la >> bourgade; elle est commune à tous les habi>> tans, parce que s'étant faits depuis long» temps une coutume de ne point s'allier hors » de leur pays, ils sont tous parens aujourd'hui, et ont les mêmes aïeux. Ce fut donc que plusieurs, quittant leur travail, accou>> rurent pour entendre la sainte doctrine (1). N'est-ce pas là une scène de l'Odyssée, ou plutôt de la Bible?

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Un empire dont les mœurs inaltérables usoient depuis deux mille ans le temps, les révolutions et les conquêtes; cet empire change soudain à la voix d'un moine chrétien, parti seul du fond de l'Europe. Les préjugés les plus enracinés, les usages les plus antiques, une croyance religieuse consacrée par les siècles, tout cela tombe, tout cela s'évanouit au seul nom du Dieu de l'évangile. Au moment même où nous écrivons, au moment où le

(1) Lett. édif. tom, XVII, p. 152 et seq.

christianisme est persécuté en Europe, il s'étend et se propage à la Chine. Ce feu qu'on avoit cru éteint s'est ranimé, comme il arrive toujours après les persécutions. Lorsqu'on massacroit le clergé en France, et qu'on le dépouilloit de ses biens et de ses honneurs, les ordinations secrètes étoient sans nombre : les évêques proscrits furent souvent obligés de refuser la prêtrise à des jeunes gens qui vouloient voler au martyre. Cela prouve, pour la millième fois, combien ceux qui ont cru anéantir le christianisme, en allumant les bûchers, ont méconnu son esprit. Au contraire, de toutes les choses humaines, dont la nature est de périr dans les tourmens, la véritable religion s'accroît dans l'adversité: Dieu l'a marquée du même sceau que la vertu.

CHAPITRE I V.

MISSIONS DU PARAGUAY.

Conversion du Sauvage (1).

TANDIS que le christianisme brilloit au milieu des adorateurs de Fo-hi, que d'autres missionnaires l'annonçoient aux nobles Japonois,

(1) Voyez pour les deux chapitres suivans, les huitième et neuvième volumes des Lettres édifiantes; l'histoire du

ou le portoient à la cour des sultans, on le vit se glisser, pour ainsi dire, jusques dans les nids des forêts du Paraguay, pour apprivoiser ces nations Indiennes, qui vivoient, comme des oiseaux, sur les branches des arbres. C'est pourtant un culte bien étrange que celuilà, qui réunit, quand il lui plaît, toutes les forces politiques à toutes les forces morales, et qui crée, par surabondance de moyens, des gouvernemens aussi sages que ceux des Minos et des Lycurgue. L'Europe ne possédoit encore que des constitutions barbares, formées par le temps et le hasard, et la religion chrétienne faisoit revivre au Nouveau-Monde tous les miracles des législations antiques. Les hordes errantes des Sauvages du Paraguay se fixoient, et une république évangélique sortoit, à la parole de Dieu, du plus profond des déserts.

Et quels étoient les grands génies qui repro. duisoient ces merveilles ? De simples Jésuites, souvent traversés dans leurs desseins, par l'avarice de leurs compatriotes.

C'étoit une coutume généralement adoptée dans l'Amérique Espagnole, de réduire les Indiens en commende, et de les sacrifier aux

Paraguay, par Charlevoix, 6 vol. in-8.o édit. 1744. Lozano. Historia de la compagnia de Jesus, en la provincia del Paraguay, fol. 2 vol. Mad. 1753; Muratori, Il Christianesimo felice; et Montesquieu, Esp. des Loix.

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