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toient les airs comme des oiseaux privés chantent pour attirer dans les rets de l'oiseleur les oiseaux sauvages. Les Indiens ne manquèrent point de se venir prendre au doux piége. Ils descendoient de leurs montagnes, et accouroient au bord des fleuves, pour écouter ces accens; plusieurs même se jetoient dans les ondes, et suivoient à la nage la nacelle enchantée.

La lune, en répandant sa lumière mystérieuse sur ces scènes extraordinaires, achevoit d'attendrir les cours. L'arc et la flèche échappoient à la main du Sauvage; l'avant-goût des vertus sociales, et les premières douceurs de l'humanité, entroient dans son ame confuse. Il voyoit sa femme et son enfant pleurer d'une joie inconnue; bientôt subjugué par un attrait irrésistible, il tomboit au pied de la croix, et mêloit des torrens de larmes aux eaux régénératrices, qui couloient sur sa tête.

Ainsi la religion chrétienne réalisoit dans les forêts de l'Amérique, ce que la fable raconte des Amphion et des Orphée; réflexion si naturelle, qu'elle s'est présentée même aux missionnaires (1); tant il est certain qu'on ne dit ici que la vérité, en ayant l'air de raconter une fiction.

(1) Charlevoix.

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République chrétienne. Bonheur des Indiens.

Les premiers Sauvages qui se rassemblèrent à la voix des Jésuites, furent les Guarinis, peuples répandus sur les bords du Paranapané, du Pirapé et de l'Uraguay. Ils composèrent une grosse bourgade, sous la direction des pères Maceta et Cataldino, dont il est juste de conserver les noms parmi ceux des bienfaiteurs des hommes. Cette bourgade fut appelée Lorette, et dans la suite, à mesure que les églises Indiennes s'élevèrent, elles furent toutes comprises sous le nom général de Réductions. On en compta jusqu'à trente en peu d'années, et elles formèrent entre elles cette célèbre république chrétienne, qui sembloit un reste de l'antiquité, découvert au NouveauMonde. Elles ont confirmé sous nos yeux cette grande vérité connue de Rome et de la Grèce, que c'est avec la religion, et non avec des principes abstraits de philosophie qu'on civilise les hommes, et qu'on fonde les empires

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Chaque bourgade étoit gouvernée par deux missionnaires, qui dirigeoient toutes les affaires

spirituelles et temporelles des petites républiques. Aucun étranger ne pouvoit y demeurer plus de trois jours, et pour éviter toute intimité qui eût pu corrompre les mœurs des nouveaux chrétiens, il étoit défendu d'apprendre à parler la langue espagnole; mais tous les néophytes savoient la lire et l'écrire cor

rectement.

Dans chaque réduction, il y avoit deux écoles ; l'une pour les premiers élémens des lettres, l'autre pour la danse et la musique. Ce dernier art, qui servoit aussi de fondement aux loix des anciennes républiques, étoit particulièrement cultivé par les Guarinis: ils savoient faire eux-mêmes des orgues, des harpes, des flûtes, des guitarres, et tous nos instrumens guerriers.

Dès qu'un enfant avoit atteint l'âge de sept ans, les deux Religieux étudioient son caractère. S'il paroissoit propre aux emplois mécaniques, on le fixoit dans un des atteliers de la Réduction, et dans celui-là même où son inclination le portoit. Il devenoit orfèvre, doreur, horloger, serrurier, charpentier, menuisier, tisserand, fondeur. Ces atteliers avoient eu pour premiers instituteurs les Jésuites même ; ces pères avoient appris exprès tous les arts utiles, pour les enseigner à leurs Indiens, sans être obligés de recourir à des étrangers.

Les jeunes gens qui préféroient l'agricul

ture, étoient enrôlés dans la tribu des laboureurs, et ceux qui retenoient quelque humeur vagabonde de leur première vie, erroient avec les troupeaux..

Les femmes travailloient séparées des hommes, dans l'intérieur de leurs ménages. Au commencement de chaque semaine, on leur distribuoit une certaine quantité de laine et de coton, qu'elles devoient rendre le samedi au soir, toute prête à être mise en œuvre ; elles s'employoient aussi à des soins champêtres, qui occupoient leurs loisirs, sans surpasser leurs forces.

Il n'y avoit point de marchés publics dans les bourgades: à certains jours fixes, on donnoit à chaque famille les choses nécessaires à la vie. Un des deux missionnaires voiloit à ce les que parts fussent proportionnées au nombre d'individus, qui se trouvoient dans une cabane.

Les travaux commençoient et cessoient au son de la cloche. Elle se faisoit entendre au premier rayon de l'aurore. Aussitôt les enfans s'assembloient à l'église, où leur concert matinal duroit, comme celui des petits oiseaux, jusqu'au lever du soleil. Les homines et les femmes assistoient ensuite à la messe, d'où ils se rendoient à leurs travaux. Au baisser du jour la cloche rappeloit les nouveaux citoyens à l'autel, et l'on chantoit la prière du soir, deux parties, et en grande musique.

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La térre étoit divisée en plusieurs lots, et chaque famille cultivoit un de ces lots pour ses besoins. Il y avoit en outre un champ public, appelé la Possession de Dieu (1). Les fruits de ces terres communales étoient destinés à suppléer aux mauvaises récoltes, et à entretenir les veuves, les orphelins et les infirmes : ils servoient encore de fonds pour la guerre. S'il restoit quelque chose du trésor public, au bout de l'année, on appliquoit ce superflu aux dépenses du culte, et à la décharge du tribut de l'écu d'or, que chaque famille payoit au roi d'Espagne (2).

Un cacique ou chef de guerre, un corregidor pour l'administration de la justice, des regidor et des alcades pour la police et la direction des travaux publics, formoient le corps militaire civil et politique des réductions. Ces magistrats étoient nommés par l'assemblée générale des citoyens; mais il paroît qu'on ne pouvoit choisir qu'entre les sujets proposés par les missionnaires; c'étoit une loi empruntée du sénat et du peuple Romain. Il y avoit en outre un chef nommé fiscal, espèce de cen

(1) M. de Montesquieu s'est trompé quand il a cru qu'il y avoit communauté de biens au Paraguay; on voit ici ce qui l'a jeté dans l'erreur.

(2) Charlevoix. Hist. du Parag. M. de Montesquieu a évalué ce tribut à un cinquième des biens.

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