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de vouloir arracher l'Égypte et la Syrie aux Sarrazins, ne gémissons donc plus quand nous voyons ces belles contrées en proie à ces Turcs, qui semblent arrêter la peste et la barbarie sur la patrie des Phidias et des Euripide. Quel mal y auroit-il si l'Égypte étoit une colonie de la France, et si les descendans des chevaliers françois régnoient à Constantinople, à Athènes, à Damas, à Tripoli, à Carthage, à Tyr, à Jérusalem ?

Au reste, quand le christianisme a marché seul aux expéditions lointaines, on a pu juger que les désordres des croisades n'étoient pas venus de lui, mais de l'emportement des hommes. Nos missionnaires nous ont ouvert des sources de commerce, pour lesquelles ils n'ont versé de sang que le leur, dont ils ont été prodigues. Nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit sur ce sujet au livre des Missions.

CHAPITRE X.

Des Loix Civiles et Criminelles.

CE seroit le fonds d'un fort bel ouvrage, que de rechercher l'influence du génie du christianisme sur les loix et sur les gouvernemens, ainsi que nous l'avons fait pour la morale et la poésie. Nous indiquerons seulement la route, et nous offrirons quelques résultats, afin d'additionner la somme des bienfaits de la religion.

Il suffit d'ouvrir au hasard les conciles, le droit canonique, les bulles et les rescrits de la cour de Rome, pour se convaincre que nos anciennes loix, (recueillies dans les capitulaires de Charlemagne, dans la formule de Malcuffe, dans les ordonnances des rois de France), ont emprunté une foule de réglemens à l'église, ou plutôt qu'elles ont été rédigées en partie par de savans prêtres ou des assemblées d'Ecclésiastiques.

De temps immémorial, les évêques et les métropolitains ont eu des droits assez considérables en matière civile. Ils étoient chargés de la promulgation des ordonnances impériales, relatives à la tranquillité publique; on les prenoit pour arbitres dans les procès : c'étoient des espèces de juges de paix naturels que la religion avoit donnés aux hommes. Les empe

reurs chrétiens, trouvant cette coutume établie, la jugèrent si salutaire (1), qu'ils la confirmèrent par des articles de leurs codes. Chaque gradué, depuis le sous-diacre jusqu'au souverain pontife, exerçoit une petite juridiction; de sorte que l'esprit religieux agissoit par mille points et de mille manières sur les loix. Mais cette influence étoit-elle favorable ou dangereuse aux citoyens? Nous croyons qu'elle étoit *favorable.

D'abord, dans tout ce qui s'appelle adminis tration, la sagesse du clergé a constamment été reconnue, même des écrivains les plus opposés au christianisme (1). Lorsqu'un état est

tranquille, les hommes ne font pas lé mal pour le seul plaisir de le faire. Quel intérêt ún concile pouvoit-il avoir à porter une loi inique, touchant l'ordre des successions, ou les conditions d'un mariage; ou pourquoi un official, ou un simple prêtre, admis à prononcer sur un point de droit, auroit-il prévariqué? S'il est vrai que l'éducation et les principes qui nous sont inculqués dans la jeunesse, influent sur notre caractère, desministres de l'évangile devoient être, en général, guidés par un conseil de douceur et d'impartialité; mettons, si l'on veut,

J

(1) Eus. de Vit. Const. lib. IV, cap. 27; Sozom. lib. I, cap. 9; Cod. Justin. lib. I, tit. IV, leg. 7. (2) Voyez Voltaire dans l'Essai sur les Mours.

restriction, et disons, dans tout ce qui ne regardoit pas, ou leur ordre, ou leurs personnes. D'ailleurs, l'esprit de corps qui peut être mau vais dans l'ensemble, est toujours bon dans la partie. Il est a présumer qu'un membre d'une grande société religieuse se distinguera plutôt par sa droiture, dans une place civile, que par, ses prévarications, ne fût-ce que pour la gloire de son ordre, et le joug que cet ordre lui im

pose.

De plus, les conciles étoient composés de prélats de tous les pays, et partant ils avoient l'immense avantage d'être comme étrangers aux peuples, pour lesquels ils faisoient des loix. Ces haines, ces amours, ces préjugés feudataires qui accompagnent ordinairement le législateur, étoient inconnus aux pères des conciles. Un évêque François avoit assez de lumières touchant sa patrie, pour combattre un canon qui en blessoit les mœurs; mais il n'avoit pas assez de pouvoir sur des prélats Italiens, Espagnols, Anglois, pour leur faire adopter un réglement injuste: libre dans le bien, sa position le bornoit dans le mal. C'est Machiavel, ce nous semble, qui propose de faire rediger la constitution d'un état par un étranger; mais cet étranger pourroit être, ou gagné par intérêt, ou ignorant du génie de la nation, dont il fixeroit le gouvernement; deux grands inconvéniens que le concile n'avoit pas

puisqu'il étoit à-la fois au dessus de la corruption par ses richesses, et instruit des inclinations particulières des royaumes, par les divers membres qui le composoient.

L'église prenant toujours la morale pour base, de préférence à la politique, (comme on le voit par les quest ons de rapt, de divorce, d'adultère), , ses ordonnances devoient avoir un fond naturel de rectitude et d'universalité. En effet, la plupart des canons ne sont point relatifs à telle ou telle contrée; ils comprennent toute la chrétienté. La charité, le pardon des offenses formant tout le christianisme, et étant spécialement recommandée dans le sacerdoce, l'action de ce caractère sacré sur les mœurs doit participer de ces vertus. L'histoire nous offre, sans cesse, le prêtre priant pour le malheureux, demandant grâce pour le coupable, ou intercédant pour l'innocent. Le droit d'asyle dans les églises, tout abusif qu'il pouvoit être, est néanmoins une grande preuve de la tolérance, que l'esprit religieux avoit introduite dans la justice criminelle. Les Dominicains furent aniinés par cette pitié évangélique, lorsqu'ils dénoncèrent avec tant de force les cruautés des Espagnols au NouveauMonde. Enfin, comme notre code a été formé dans des temps de barbarie, le prêtre étant le seul homme qui eût alors quelques lettres, il ne pouvoit porter dans les loix qu'une influence

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