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O moment solemnel ! ce peuple prosterné,

» Ce temple dont la mousse a couvert les portiques,

» Ses vieux murs, son jour sombre et ses vitraux gothiques, » Cette lampe d'airain, qui dans l'antiquité,

» Symbole du soleil et de l'éternité,

» Luit devant le Très-Haut, jour et nuit suspendue;

» La majesté d'un Dieu parmi nous descendue,

» Les pleurs, les vœux, l'encens qui montent vers l'autel, » Et de jeunes beautés, qui sous l'œil maternel

» Adoucissent encor par

» De la religion la pompe

leur voix innocente

attendrissante ;

» Cet orgue qui se tait, ce silence pieux 9

» L'invisible union de la terre et des cieux, » Tout enflamme, agrandit, émeut l'homme sensible: Il croit avoir franchi ce monde inaccessible, » Où sur des harpes d'or l'immortel Séraphin, » Au pied de Jéhovah, chante l'hymne sans fin. » Alors de toutes parts un Dieu se fait entendre ; » Il se cache au savant, se révèle au cœur tendre: » Il doit moins se prouver qu'il ne doit se sentir » (1).

CHAPITRE VII.

La Fête-Dieu.

Il n'en est pas des fêtes chrétiennes comme des cérémonies débordées du paganisme; on n'y traîne pas en triomphe un bœuf-dieu, un bouc sacré; on n'est pas obligé, sous peine

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(1) M. de la Harpe a dit que ce sont-là vingt des plus beaux vers de la langue française; nous ajouterons seulement qu'ils peignent avec la dernière exactitude le sacrifice chrétien.

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d'être mis en pièces, d'adorer un chat ou un crocodile, ou dé se rouler ivre dans les rues en poussant des hurlemens et en commettant toutes sortes d'abominations, pour Vénus Flore et Bacchus : dans nos solemnités, tout est essentiellement moral. Si l'église en a seulement banni les danses (1), c'est qu'elle sait combien de passions se cachent sous ce plaisir, en apparence innocent: le Dieu des chrétiens ne demande que les élans du cœur, et les mouvemens égaux d'une ame que règle le paisible concert des vertus. Et quel est, par exemple, la solemnité payenne qu'on peut opposer à la fête où l'église célèbre le nom du Seigneur ?

Aussitôt que la nouvelle aurore a annoncé la fête du Roi du monde, les maisons se couvrent de tentures, les rues se jonchent de fleurs, et les joyeuses clameurs des cloches appellent au temple la troupe innombrable des fidèles. Le signal est donné, tout s'ébranle, et la pompe religieuse commence à défiler dans un ordre solemnel.

On voit paroître d'abord les corps qui composent la société des peuples. Leurs épaules sont chargées des images des protecteurs de leurs tribus, et quelquefois des reliques

(1) Elles sont cependant en usage dans quelques pays, comme dans l'Amérique méridionale, parce que parmi les Sauvages chrétiens, il règne encore une grande innocence.

de ces hommes qui, nés dans une classe infé,

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rieure, ont mérité d'être adorés des rois pour leurs, vertus sublime leçon que la religion, chrétienne a seule donnée à la terre.

Après ces grouppes populaires, on voit s'é lever le saint étendart de J. C., qui n'est plus, un signe de douleur, mais une marque de joie : à pas lents, s'avance sur deux files une longue suite de ces époux de la solitude, de ces cnfans du torrent et du rocher, dont l'antique vêtement retrace à la mémoire d'autres mœurs et d'autres siècles. Le clergé séculier vient après ces solitaires ; quelquefois des prélats revêtus de la pourpre romaine, prolongent encore la chaîne religieuse. Enfin, le pontife de la fête apparoît seul dans le lointain. Ses mains soutiennent en tremblant l'image de la radieuse Eucharistie, qui se montre sous un dais, à l'extrémité de la pompe, comme on voit quelquefois le soleil briller sous un nuage d'or, au bout d'une avenue toute illuminée de ses feux.

Cependant des grouppes d'adolescens marchent entre les rangs de la procession; les uns présentent les corbeilles des fleurs, les autres les vases des parfums. Au signal répété par le maître des pompes, ces ames pures se retour nent vers l'image du soleil éternel, et font voler les roses effeuillées sur son passage. Des lévites, en tuniques blanches balancent

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devant le Très-Haut, les urnes flottantes des feux. Alors des chants pieux s'élèvent le long des lignes saintes le bruit des cloches et le roulement des canons annoncent aux nations de la terre, que le Tout-Puissant a franchi le seuil de son temple. Par intervalles, les voix et les instrumens se taisent, et un silence aussi majestueux que celui des grandes mers, dans un jour de calme, règne parmi cette multitude sacrée ; on n'entend plus que ses pas mesurés sur les pavés retentissans.

Mais où va-t-il ce Dieu redoutable, dont les puissances de la terre proclament ainsi la majesté? Il va se reposer sous des tentes, sous des arches de feuillages, qui lui présentent, comme au jour de l'ancienne alliance, des temples innocens et des retraites champêtres. Les humbles de cœur, les pauvres, les enfans le précèdent; les juges, les guerriers, les potentats le suivent. Il marche ainsi entre la simplicité et la grandeur, comme en ce beau mois qu'il a choisi pour sa fête, il se montre aux hommes entre la saison des fleurs et la saison des for ires.

Or, les fenêtres et les murs de la cité sont bordés d'habitans, dont le cœur s'épanouit à cette fête du Dieu de la patrie: le nouveau-né tend ses bras au Jésus de la montagne, et le vieillard, penché vers la tombe, se sent tout-à-coup délivré de ses craintes; il ne sait quelle assu

rance de vie le remplit d'une joie immense à la vue du Dieu vivant.

Toutes ces solemnités du christianisme sont coordonnées d'une manière admirable aux grandes scènes de la nature, La fête du Créateur arrive, au moment où la terre et le ciel déclarent toute sa puissance, où les bois et les champs fourmillent des générations nouvelles: tout est uni par les plus doux liens; il n'y a pas une seule plante veuve dans les campagnes.

La chûte des feuilles, au contraire, amène la fête des Morts pour l'homme qui tombe comme la feuille des bois.

Si la Nativité du Sauveur est placée au milieu de l'hiver et de la nuit, c'est que la création de l'univers moral devoit ressembler à la création de l'univers physique, et sortir du sein du chaos et des ombres.

Au printemps, l'église déploie dans nos hameaux une pompe charmante. La Fête-Dieu convient davantage aux splendeurs des cours, et les Rogations aux naïvetés du village. L'homme rustique sent avec joie son ame s'ouvrir aux bénignes influences de la religion, et sa glèbe aux rosées du ciel; heureux celui qui portera des moissons utiles, et dont le cœur humble ş'inclinera sous ses propres vertus, comme le chaume sous le grain dont il est chargé!

C..

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