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СНАРІTRE

Des Rogations.

VIII.

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LES cloches du hameau s'étant fait entendre, les villageois quittent à l'instant leurs travaux. 'Le vigneron descend de la colline, le laboureur accourt de la plaine, le bûcheron sort de la 'forêt les mères, fermant leurs cabanes, ar rivent avec leurs enfans, et les jeunes filles laissent leurs fuseaux, leurs brebis et les fon*taines pour se rendre à la pompe rustique.

On s'assemble dans le cimetière de la paroisse, sur les tombes verdoyantes des aïeux. Bientôt s'avance du lieu voisin tout le clergé destiné à la cérémonie ; c'est quelque vieux 'pasteur qui n'est connu que par le nom de curé, et ce nom vénérable dans lequel est venu se perdre le sien, indique moins le ministre 'du temple, que le père laborieux du troupeau. Il sort de son presbytère, bâti tout auprès de la demeure des morts, dont il surveille la cendre. Il est établi dans sa demeure comme une garde avancée aux frontières de la vie, pour rece'voir ceux qui entrent, et ceux qui sortent de * ce royaume des douleurs. Un puits, des peu"pliers, une vigne autour de sa fenêtre, quelques colombes, composent tout l'héritage de ce Roi des sacrifices.

Cependant l'apôtre de l'évangile, couvert

d'un simple surplis, assemble ses ouailles devant la grande porte de l'église; il leur fait un discours, fort beau sans doute, à en juger par les larmes de l'assistance. On y entend souvent répéter: Mes enfans, mes chers enfans; et c'est-là tout le secret de l'éloquence du Chrysostôme champêtre.

Après l'exhortation, l'assemblée commence à défiler en chantant : « Vous sortirez avec plaisir, et vous serez reçu avec joie; les » collines bondiront, et vous entendront avec » joie.» L'étendart des saints, l'antique bannière des temps chevaleresques ouvre la carrière au troupeau qui suit pêle-mêle avec son pasteur. On entre dans des chemins ombragés, et coupés profondément par la roue des chars rustiques; on franchit de hautes barrières, formées. d'un seul tronc d'arbre; on voyage le long d'une haie d'aubépine, où bourdonne l'abeille, et sifflent les bouvreuils et les merles. Tous les arbres, au défaut de leurs feuilles, étalent l'espérance de leurs fruits; la nature entière est un bouquet de fleurs. Les bois, les vallons, les rivières, les rochers entendent tour-à-tour les hymnes des laboureurs, qui suivent les replis de l'écharpe diaprée, que la main du Créateur a jetée sur les campagnes. Etonnés de ces cantiques, les hôtes des champs sortent des bleds nouveaux, et s'arrêtent à quelque dis tance, pour voir passer la pompe villageoise.

Dans cette fête, on n'invoque point les saints; mais les anges, parce que ces bienfaisans génies sont apparemment chargés de présider aux moissons, aux fontaines, aux rosées, aux fleurs et aux fruits de la terre.

La procession rentre enfin au hameau. Chacun retourne à son ouvrage : la religion n'a pas voulu que le jour où l'on demande à Dieu les biens de la terre, fût un jour d'oisiveté. Avec quelle espérance on enfonce le soc dans le sillon, après avoir imploré celui qui dirige les soleils, et qui garde dans ses trésors, les vents du midi et les tièdes ondées! Pour bien achever un jour si saintement commencé, les vieillards de la paroisse viennent, à l'entrée de la nuit, converser avec le curé, qui prend son repas du soir sous les peupliers de sa cour. La lune répand alors les dernières harmonies sur cette fête que l'église a calculée avec le retour du mois le plus doux, et le cours de l'astre le plus mystérieux. On croit entendre de toutes parts les germes sourdre dans la terre, et les plantes croître et se développer des voix inconnues s'élèvent dans le silence des bois, comme le choeur de ces anges champêtres dont on a imploré le secours, et les soupirs du rossignol parviennent jusqu'à l'oreille des vieillards, assis non loin des tombeaux.

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CEUX qui n'ont jamais reporté leurs cœurs vers ces temps de foi, où un acte de religion étoit une fête de famille, et qui méprisent des plaisirs qui n'ont pour eux que leur innocence; ceux-là, sans mentir , sont bien à plaindre. Du moins, en nous privant de ces simples amusemens, nous donneront-ils quelque chose. Hélas! ils l'ont essayé. La convention eut ses jours sacrés; alors la famine étoit appelée sainte, et l'hozannah étoit changé dans le cri de vive la mort! Chose étrange! des hommes puissans, parlant au nom de l'égalité, et de toutes les passions, n'ont jamais pu fonder une fête; et le saint le plus obscur, qui n'avoit jamais prêché que pauvreté, obéissance, renoncement aux biens de la terre avoit sa solemnité, au moment même où son culte exposoit la vie. Apprenons par là, que toute fête qui se rallie à la religion, aux carac tères des mœurs et à la mémoire des bienfaits, est la seule qui soit durable. Il ne suffit pas de dire aux hommes, réjouissez-vous, pour qu'ils se réjouissent. On nę crée pas des jours de plaisir, comme des jours de deuil, et l'on

ne commande pas les ris aussi facilement qu'on peut faire couler les larines.

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Tandis que la statue de Marat remplaçoit celle de S. Vincent de Paul, tandis qu'on célébroit toutes ces pompes, dont les anniversaires sont marqués dans nos fastes comme des jours d'éternelle douleur, quelque pieuse famille chômoit en secret une bonne fête chrétienne, et la religion mêloit encore un peu de joie à tant de tristesse. Les cœurs simples ne se rappellent point sans attendrissement ces heures d'épanchement et de société où toutes les familles se rassembloient autour des gâteaux, qui retraçoient les présens des mages. L'aïeul, retiré pendant le reste de l'année, au fond de son appartement, reparoissoit dans ce grand jour, comme la divinité du foyer paternel. Ses petits enfans, qui depuis long-temps ne rêvoient que la fête attendue, entouroient ses genoux, et le rajeunissoient de leur jeunesse. Tous les fronts. respiroient la gaîté. Tous les cœurs étoient épanouis; la salle du festin étoit merveilleusement décorée; chacun mettoit un vêtement nouveau. Au choc des verres, aux bruyans éclats de la joie, on tiroit au sort ces royautés, qui ne coûtoient ni soupirs, ni larmes; on se passoit ces sceptres, qui ne pesoient point dans la main de celui qui les portoit. Sou vent une fraude, qui redoubloit l'allégresse

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