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pensée de mystère à la mort. Lorsqu'on porto un cadavre au Moraï, tout le monde fuit sur son passage: le maître de la pompe murmure alors, à voix basse, quelques mots à l'oreille du décédé. Arrivé au lieu de repos, on ne descend point le corps dans la terre, mais on le suspend dans un berceau qu'on recouvre d'un canot renversé, symbole du naufrage de la vie. Quelquefois une femine vient gémir auprès du Moraï; elle s'assied les pieds dans la mer, la tête baissée, et ses cheveux tombant sur le visage: les vagues accompagnent le chant de sa douleur, et sa voix monte vers le ToutPuissant, avec la voix du tombeau et celle du grand Océan pacifique.

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EN parlant du sépulcre dans notre religion le ton s'élève et la voix se fortifie on sent que c'est là le vrai tombeau de l'homme. Le monument de l'idolâtre ne vous entretient que du passé; celui du chrétien ne vous parle que de l'avenir. Le christianisme a toujours fait en tout le mieux possible; jamais il n'a eu de ces demi-conceptions si fréquentes dans les autres cultes. Ainsi, par rapport aux sépultures, négligeant les idées intermédiaires de charmes.

et de rêveries, qui tiennent aux accidens et aux lieux, il s'est distingué des autres religions par une coutume sublime, en plaçant la cendre des fidèles à l'ombre des temples du Seigneur, en déposant les morts dans le sein du Dieu vivant.

Lycurgue n'avoit pas craint d'établir les tombeaux au milieu de Lacédémone; il avoit pensé, comme notre sainte religion, que la cendre des pères, loin d'abréger les jours des fils, prolonge en effet leur existence, en leur enseignant la modération et la vertu, qui condui sent les hommes à une heureuse vieillesse. Les raisons humaines qu'on a opposées à ces raisons divines, sont bien loin d'être convaincantes. Meurt-on davantage en Angleterre, en Suisse ; en Allemagne, en Italie, en Espagne, où les cimetières sont encore dans les villes?

Lorsqu'autrefois en France on sépara les tombeaux des églises, le peuple, qui n'est pas si prudent que les beaux esprits, qui n'a pas les mêmes raisons de craindre le bout de la vie, le peuple s'opposa par-tout à l'abandon des antiques sépulcres. Et qu'avoient en effet les modernes cimetières, qui pussent le disputer aux anciens? Où étoient leurs lierres, leurs ifs caducs, leurs gazons nourris depuis tant de siècles des biens de la tombe? Pouvoient-ils montrer les os sacrés des aïeux, le temple, la maison du médecin spirituel, et tout cet appa

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reil de religion, qui promettoit, qui assuroit même, une renaissance très-prochaine? Au lieu A de ces cimetières fréquentés, on nous assigna dans un faubourg quelqu'enclos solitaire abandonné des vivans et des souvenirs où la mort privée de tout signe d'espérance, sembloit dévoir être éternelle.

Qu'on nous en croie; c'est quand on vient à toucher à ces bases fondamentales de l'édifice > que les royaumes trop remués s'écroulent (1). Encore si l'on s'étoit contenté de changer simplement le lieu des sépultures; mais non satisfait de cette première atteinte portée aux mœurs, on fouilla les cendres de nos pères, on enleva leurs restes, comme le manant enlève dans son tombereau les boues et les ordures de nos cités !

Il fut réservé à notre siècle de voir ce qu'on regardoit comme le plus grand malheur chez les anciens, ce qui étoit le dernier supplice dont on punissoit les scélérats, (nous entendons Ja dispersion des cendres) de voir, disonsnous, cette dispersion applaudie comme le

(1) Les anciens auroient cru un état renversé, si l'on avoit violé l'asyle des morts. On connoît les belles loix de l'Egypte sur les sépultures. Les loix de Solon séparoient le violateur des tombeaux de la communion du temple, et l'abandonnoient aux furies. Les Institutes de Justinien règlent jusqu'aux legs, l'héritage, la vente et le rachat d'un sépulcre, etc.

chef-d'œuvre de la philosophie. Et où étoit donc le crime de nos aïeux, pour traiter ainsi leurs restes, sinon d'avoir mis au jour des fils tels que nous ! Mais écoutez la fin de tout ceci, et voyez l'énormité de la sagesse humaine. Dans quelques villes de la France, on bâtit des cachots sur l'emplacement des cimetières, on éleva les prisons des hommes sur le champ où Dieu avoit décrété la fin de tout esclavage; on édifia des lieux de douleurs, pour remplacer les demeures où toutes les peines viennent finir; enfin, il ne resta qu'une ressemblance, à la vérité effroyable, entre ces prisons et ces cimetières ; c'est que là s'exercèrent les jugemens iniques des hommes, là où Dieu avoit prononcé les arrêts de son. inviolable justice (1).

(1) Nous passons sous silence les abominations commises pendant les jours révolutionnaires. Il n'y a point d'animal domestique, qui chez une nation étrangère un peu civilisée, ne fût inhumé avec plus de décence, que le corps d'un citoyen François. On sait comment les enterremens s'exécutoient, et comment, pour quelques deniers on faisoit jeter un père, une mère ou une épouse à la voierie. Encore ces morts sacrés n'y étoientils pas en sûreté, car il y avoit des hommes qui faisoient métier de dérober ou le linceuil, ou le cercueil ou les cheveux du cadavre. Il ne faut rapporter toutes ces. choses qu'à un conseil de Dieu; c'étoit une suite de la première violation sous la monarchie. Le Gouvernement actuel qui répare, autant qu'il le peut, les maux innom

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CHAPITRE V I.

Cimetières de Campagne,:

Les anciens n'ont peut-être point eu de lieux de sépulture plus agréables que nos cimetières de campagne. Des prairies, des champs, des eaux, des bois, toute une riante perspective marioit ses simples images avec les tombeaux des laboureurs. On aimoit à voir le gros if, qui ne végétoit plus que par son écorce, les pommiers du presbytère, le haut gazon, les peupliers, l'ormeau des morts, et les buis et les petites croix de condamnation et de grâce. Au milieu des paisibles' monumens, le temple villageois élevoit sa tour surmontée de l'emblême rustique de la vigilance. On n'en tendoit dans ces lieux que le chant du rougegorge, et le bruit des brebis qui broutoient l'herbe de la tombe de leur ancien pasteur.

Les divers sentiers qui traversoient l'enclos

brables de la France, a ordonné des funérailles décentes; mais il est à desirer qu'on rende au cercueil les signes de religion dont on l'a privé, et sur-tout qu'on ne fasse plus garder les cimetières par des chiens. Tel est l'excès de la misère où l'homme tombe, quand il perd la vue de Dieu, que n'osant plus se confier à l'homme, dont rien ne lui garantit la foi, il se voit réduit à placer ses cendres sous la protection des animaux,

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