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CHAPITRE II.

Du Vêtement des Prêtres et des Ornemens de l'Eglise.

On ne cesse de se récrier sur les institutions de l'antiquité, et l'on ne veut pas s'appercevoir que le culte des chrétiens est le seul débri de cette antiquité, qui soit parvenu jusqu'à nous. Tout, dans l'église, retrace ces âges éloignés, dont les hommes ont depuis long-temps quitté les rivages, et où ils aiment encore à égarer leurs pensées. Si l'on fixe les yeux sur le prêtre chrétien à l'instant on est transporté dans la patrie des Numa, des Lycurgue, ou des Zoroastre. La thiare montre le Mède errant sur les débris de Suze et d'Ecbatanne; l'aube, dont le nom latin rappelle et le lever du jour et la blancheur virginale, offre de douces consonnances avec les idées religieuses; toujours un majestueux souvenir ou une agréable harmonie, s'attache aux tissus de nos autels.

Pourquoi l'autel chrétien, modelé comme un tombeau antique, pourquoi l'image orientale du soleil vivant renfermée dans nos tabernacles, blesseroient-ils si fort le goût? Nos calices avoient cherché leurs noms parmi les plantes, et le lis leur avoit prêté sa forme;

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gracieuse concordance entre l'Agneau et les fleurs.

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Comme la marque la plus directe de la foi, la croix est aussi l'objet le plus ridicule à de certains yeux. Les Romains s'en étoient moqué, ainsi que les nouveaux ennemis du christianisme, et Tertullien leur avoit montré qu'ils employoient eux-mêmes ce signe dans leurs faisceaux d'armes. L'attitude que la croix fait prendre au Fils de l'Homme, est sublime l'affaissement du corps et la tête penchée, font un contraste divin avec les bras étendus vers le ciel. Au reste, la nature n'a pas été aussi délicate que les incrédules; elle n'a pas craint de mouler la croix dans une multitude de ses ouvrages: il y a une famille entière de fleurs qui appartient à cette forme, et cette famille se distingue par une inclination à la solitude; la main du Tout-Puissant a aussi gravé le signe de notre salut parmi les soleils.

L'urne qui renfermoit les parfums, imitoit la forme d'une navette; des feux et d'odorantes vapeurs flottoient dans un vase à l'extrémité d'une longue chaîne: là se voyoient les candélabres de bronze doré, ouvrage d'un Cafiéri ou d'un Vassé, et images des chandeliers mystiques du Roi-poëte; ici les Vertus: cardinales assises soutenoient le lutrin triangulaire; des lyres accompagnoient ses faces.

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un globe terrestre le couronnoit, et un aigle d'airain, surmontant ces belles allégories, sembloit, sur ses ailes déployées, emporter nos prières vers les cieux. Par-tout se présentoient et des chaires légèrement suspendues, et des vases surmontés de flammes, et des balcons, et de hautes torchères, et des balustres en marbre, et des stalles sculptés par les Charpentier et les Dugoulon, et des lampadaires arrondis par les Ballin, et des Saints-Sacremens de vermeil, dessinés par les Bertrand et les Cotte. Quelquefois les débris des temples des dieux du mensonge servoient à décorer le temple du vrai Dieu; les bénitiers de Saint-Sulpice étoient deux urnes sépulcrales apportées d'Alexandrie les bassins, les patènes, les eaux lustrales rappeloient à tous momens les sacrifices antiques; et toujours venoient se mêler, sans se confondre, les souvenirs de ce que la Grèce eut de plus beau aux sublimes réminiscences d'Israël.

Enfin, les lampes et les fleurs qui décoroient nos églises, servoient à perpétuer la mémoire de ces temps de persécutions, où les fidèles se rassembloient pour prier dans les tombeaux, On croyoit voir ces premiers chrétiens, allumant furtivement leur flambeau sous des arches funèbres, et les jeunes filles apportant des fleurs, pour parer l'autel des catacombes: un pasteur tout éclatant d'indigence et de

bonnes œuvres, consacroit ces dons chétifs au Seigneur. C'étoit alors le véritable règne de J. C., le Dieu des petits et des misérables; son autel étoit pauvre comme ses serviteurs. Mais si les calices étoient de bois, les prêtres étoient d'or, comme parle S. Boniface, et jamais on n'a vu tant de vertus parmi les chrétiens, que dans ces âges où, pour bénir le Dieu de la lumière et de la vie, il falloit se cacher dans la nuit et dans la mort.

CHAPITRE

I I I.

Des Chants et des Prières.

Ox reproche au culte catholique d'employer dans ses chants et ses prières une langue étrangère au peuple : comme si l'on prêchoit en latin, et que l'office ne fût pas traduit dans tous les livres d'église. D'ailleur, si la religion, aussi mobile que les hommes, eût changé d'idiôme avec eux, comment aurions-nous connu les ouvrages de l'antiquité? Telle est l'inconséquence de notre humeur, que nous allons blâmant ces mêmes coutumes, auxquelles nous sommes redevables d'une partie de nos sciences et de nos plaisirs.

Mais, à ne considérer l'usage de l'église Romaine, que sous ses rapports immédiats, nous ne voyons pas ce que la langue de

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Virgile (et même en certains temps et en certains lieux la langue d'Homère) peut avoir de si déplaisant? Nous croyions qu'une langue antique et mystérieuse, une langue qui ne varie plus avec les siècles, convenoit assez bien au culte de l'Etre éternel, incompréhensible, immuable; et puisque le sentiment de nos maux nous force d'élever, vers le Roi des Rois, une voix suppliante, n'étoit-il pas tout simple qu'on lui parlât dans le plus bel idiôme de la terre, et dans celui-là même où les nations prosternées adressoient leurs humbles prières aux Césars?

De plus, il y a une chose assez remarquable des oraisons en langue latine paroissent redoubler le sentiment religieux de la foule. Ne seroit-ce point un effet naturel de notre penchant au secret? Dans le tumulte de ses pensées et le fond de misère qui compose sa vie, l'homme, en prononçant des mots peu familiers ou même inconnus, croit demander toutes les choses qui lui manquent et qu'il ignore; le vague de sa prière en fait le charme, et son ame inquiète, qui sait peu ce qu'elle desire, aime à former des vœux aussi mystérieux que ses besoins.

Il reste donc à examiner ce qu'on appelle la niaiserie et la barbarie des cantiques saints. On convient assez généralement que dans le genre lyrique, les Hébreux sont supérieurs aux

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