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béni, aboutissoient à l'église ou à la maison du curé ; ils étoient tous tracés par le pauvre et le pélerin, qui alloient prier le Dieu des miracles, ou demander le pain de l'aumône à l'homme de l'évangile : l'indifférent riche, ne passoit point sur ces tombeaux.

ou le

On y lisoit pour toute épitaphe : Guillaume ou Paul, né en telle année, mort en telle autre. Sur quelques-uns il n'y avoit pas même de nom. Le laboureur chrétien repose oublié dans la mort, comme ces végétaux utiles au milieu desquels il a vécu; la nature ne grave pas le nom des chênes sur leurs troncs. abattus dans les forêts.

Cependant, en errant un jour dans un cimetière de campagne, nous apperçûmes. une épitaphe latine sur une petite pierre, qui annonçoit le tombeau d'un enfant. Surpris de cette magnificence, nous nous en approchâmes, pour admirer l'érudition du curé du village; nous lûmes ces mots de l'évangile : « Sinite parvulos venire ad me. » Laissez les petits enfans venir à moi. Les cimetières de la Suisse sont quelquefois placés sur des rochers, d'où ils commandent les. lacs, les précipices et les vallées. Le chamois et l'aigle y fixent leur demeure, et la mort croît sur ces sites escarpés, comme ces plantes. alpines, dont la racine est plongée dans des glaces éternelles. Après son trépas, le paysan

de Glaris ou de Saint-Gall, est transporté sur ces hauts lieux par son pasteur. Le convoi a pour pompe funèbre la pompe de la nature et pour musique, sur les croupes des Alpes, ces airs bucoliques qui rappellent au Suisse exilé, son père, sa mère, ses sœurs, bêlemens des troupeaux de sa montagne.

et les

L'Italie présente ses catacombes, ou l'humble monument d'un martyr dans les jardins de Mécènes ou de Lucullus; l'Angleterre a ses morts vêtus de laine, et ses tombeaux semés de réseda: dans ces cimetières d'Albion, nos yeux attendris ont quelquefois rencontré un nom François, au milieu des épitaphes étrangères; revenons aux tombeaux de la patrie.

CHAPITRE VI I.

Tombeaux dans les Eglises.

RAPPELEZ-VOUS un moment ces vieux monastères, ou ces cathédrales gothiques, telles qu'elles existoient autrefois; parcourez ces ailes du chœur, ces chapelles, ces nefs obscures, ces cloîtres pavés par la mort, ces doubles sanctuaires remplis de sépulcres. Dans ce labyrinthe de tombeaux, quels sont ceux qui vous frappent davantage? Sont-ce ces monumens modernes, chargés de figures allégori

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ques, qui écrasent de leurs marbres glacés des cendres moins glacées qu'elles? Vains simulacres qui semblent partager la double léthargie du cercueil où ils sont assis, et des cœurs mondains qui les ont fait élever! A peine y jette-t-on un coup-d'œil. Mais on s'arrête devant ce tombeau poudreux, sur lequel est couchée la figure gothique de quelque évêque, revêtu de ses habits pontificaux, les mains jointes, les yeux fermés; on s'arrête devant ce monument, où un abbé soulevé sur le coude, et la tête appuyée sur la main, semble rêver à la mort : le sommeil du prélat et l'attitude du prêtre ont quelque chose de mystérieux; le premier paroît profondément occupé de ce qu'il voit dans ses rêves de la tombe; le second, comme un homme en voyage, n'a pas même voulu se coucher entièrement; tant le moment où il se doit relever est proche.

Et, quelle est cette grande dame qui repose ici près de son époux? L'un et l'autre sont habillés dans toute la pompe gothique; un coussin supporte leurs têtes, et leurs têtes semblent si appesanties par les pavots de la mort, qu'elles ont fait fléchir cet oreiller de pierre; heureux si ces deux époux n'ont point eu de confidences pénibles à se faire sur le lit de leur hymen funèbre Au fond de cette chapelle retirée, voici quatre écuyers de marbre, bardés de fer, armés de toutes pièces, les mains jointes, et à

genoux aux quatre coins de l'entablement d'un tombeau. Est-ce toi, Bayard, qui rendois la rançon aux vierges pour les marier à leurs amans? Est-ce toi, Beaumanoir, qui buvois ton sang dans le combat des Trente? Est-ce quelqu'autre chevalier qui sommeille ici? Ces écuyers semblent prier avec ferveur, car ces vaillans hommes, antique honneur du nom françois, tout guerriers qu'ils étoient, n'en craignoient pas moins Dieu, du fond du cœur ; et c'étoit en criant: Montjoie et SaintDenys, qu'ils arrachoient la France aux Anglois, et faisoient des miracles de vaillance l'église, leur dame et leur patrie. N'y a-t-il donc rien de merveilleux dans ces temps des Roland, des Godefroy, des sires de Coucy et de Joinville; dans ces temps des Maures, des Sarrazins, des royaumes de Jérusalem et de Cypre; dans ces temps où l'Orient et l'Asie échangeoient d'armes et de mœurs avec l'Europè et l'Occident; dans ces temps où Thibaud chantoit, où les troubadours se mêloient aux armes, les danses à la religion, et les carrousels et les tournois aux sièges et aux batailles (1)?

pour

(1) On a sans doute de grandes obligations à l'artiste courageux qui, au péril de sa vie, a rassemblé les débris de nos anciens sépulcres; mais quant aux effets de ces monumens > on sent trop qu'ils sont détruits. Rese

Sans doute, ils étoient merveilleux ces temps, mais ils sont passés ; et la religion avoit averti les chevaliers de cette vanité des choses humaines lorsqu'à la suite d'une longue énumération de titres pompeux Haut et puissant seigneur, messire Anne de Montmorency, connétable de France, etc. etc., elle avoit ajouté, priez pour son ame, pauvres pécheurs. C'est tout le néant (i).

:

serrés dans un petit espace, divisés par siècles, privés de leurs harmonies avec l'antiquité des temples et du culte chrétien, ne servant plus qu'à l'histoire de l'art, et non à celle des mœurs et de la religion; n'ayant pas même gardé leur poussière, ils ne disent plus rien ni à l'imagination ni au cœur. Quand des hommes abominables eurent l'idée de violer l'asyle des morts, et de disperser leurs cendres pour effacer le souvenir du passé, la chose toute horrible qu'elle est, pouvoit avoir aux yeux de la folie humaine, une certaine mauvaise grandeur; mais c'étoit prendre l'engagement de bouleverser le monde, de ne pas laisser en France pierre sur pierre, et de parvenir, au travers des ruines, à des institutions inconnues. Se plonger dans ces excès pour rester dans des routes communes, et pour ne montrer qu'ineptie et absurdité, c'est avoir toutes les fureurs du crime, sans en avoir la puissance. Qu'est-il arrivé à ces spoliateurs des tombeaux? qu'ils sont tombés dans les gouffres qu'ils avoient ouverts, et leurs cadavres sont restés comme en gage à la mort, pour ceux qu'ils lui avoient dérobés.

que

(1) Johnson, dans son Traité des Epitaphes, cite ca simple mot de la religion comme sublime,

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