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montra toujours fort paresseux, peu attentif, et n'apprenan que le moins possible, comme il n'eut pas honte de s'en vanter jusqu'à la fin de sa vie. C'est pour cela qu'il rapporta de l'école une fort chétive provision de connaissances classiques et son goût, qui ne fut jamais correct, se forma entièrement sur les poètes et sur les amateurs dramatiques anglais, ou sur quelques prosateurs de la même langue; car il s'en fallait bien qu'il put lire avec facilité les orateurs d'aucune autre langue.

Ce fut avec un ample partage de réputation dramatique, qui n'était pas de meilleure augure dans un homme d'Etat; avec la faible provision de connaissances qui pussent lui servir dans les affaires politiques; avec une naissance et une profession peu propre à commander le respect de la nation la plus aristocratique de l'Europe (car il était fils d'un acteur, et était luimême directeur d'un théâtre), que Shéridan entra au parlement, qui resplendissait alors de la gloire et des lumières de Burke, et qui renfermait des orateurs aussi consommés que Fox et Pitt. Son premier effort fut sans ambition et sans succès. Un juge plein d'expérience lui dit qu'il ne réussirait pas, et lui conseilla de rentrer dans la carrière du théâtre. Mais le nouvel élu au parlement voulut persister; il avait pris son parti; et comme il sentait qu'il avait des éléments en lui-même, il résolut de les développer. A ce qui lui manquait en connaissances acquises et en promptitude naturelle, il suppléa par une industrie infatigable.

Il s'éleva peu à peu au rang d'orateur du premier ordre et de grand maître dans les débats, autant que le permettent le manque de promptitude et le besoin de préparation. Il avait des qualités qui l'élevèrent à ce rang, et qui ne demandaient que l'habitude de la parole pour se mûrir : une imagination ardente et vive, quoique plus avide de combiner les créations des autres que de créer elle-même; un esprit d'attaque aussi acre qu'intrépide; une grande familiarité acquise dans ses études dramatiques avec les sentiments du cœur humain et la manière de toucher les passions; une grande facilité pour l'épigranime et les pointes, fruit encore plus direct de l'école du théâtre; une ecxellente manière qui n'était pas dépourvue de variété et d'expérience; enfin, une profondeur dans le ton de la voix, qui était parfaitement propre à la déclamation, à l'invective et aux mouvements pathétiques. Son sei attique, puisé à la même source, était éminemment piquant. Il ressem

blait à son éloquence, c'est-à-dire qu'il était toujours travaillé et heureusement appliqué : il se mêlait assez bien à la satire, et ne descendait que rarement à la plaisanterie triviale et de mauvais goût.

Le goût de Sheridan n'était rien moins que chaste et correct; il se complaisait dans les figures affectées et dans l'éclat, et se souciait fort peu que ce fût l'éclat d'un fragment de verre ou d'un diamant. Il affectait le style épigrammatique, jouait sur les mots, et visait à faire jaillir de leur choc une succession d'étincelles. Ses plus mauvais passages étaient évidemment ceux qu'il préférait, c'est-à-dire ceux qui étaient hérissés de pointes et de faux brillants. Ses meilleurs étaient ceux qu'il déclamait avec l'accent du défi, ou d'une aversion implacable, ceux enfin où il exposait une simple matière de fait ou faisait sonner le creux à quelques sophismes spécieux.

Sa harangue la plus fameuse fut sans contredit celle qu'il prononça à propos des Bégums, dans le procès de WarrenHastings; et rien n'approche de ce qu'on raconte de l'elet prodigieux qu'elle produisit. Non-seulement commença alors la pratique, qui s'est depuis changée en coutume, d'applaudir l'orateur reprenant son siége, mais le ministre supplia la chambre d'ajourner la question, comme étant incapable de juger sainement sous l'influence d'une éloquence aussi irrésistible; tout le monde, à l'envi, exalta le triomphe de l'orateur. Cependant l'opinion commence à prévaloir qu'une grande partie de cet effet fut due à l'étonnante supériorité de ce discours sur tout ce que l'orateur avait produit jusqu'alors, à l'extrême intérêt des matières auxquelles le sujet touchait naturellement, à la perfection et à la déclamation superbe de certains passages, plutôt qu'au mérite de l'assemblée. (Brougham.)

Shéridan, dit Burke, en parlant de son plaidoyer contre Warren-Hastings, a pétrifié d'admiration les milliers d'auditeurs qui étaient présents à la chambre. C'est là un effort unique dans l'histoire de l'éloquence, un effort qui réfléchit le plus grand honneur sur l'orateur, le plus grand lustre sur les lettres, le plus grand éclat sur le parlement, et la plus grande gloire sur sa patrie. Jamais l'éloquence antique et moderne, jamais la profondeur du barreau, ni la dignité du sénat, la passion du forum, ni la morale de la chaire chrétienne n'ont rien produit de comparable à ce que nous avons entendu dans la salle de Westminster. Quel orateur sacré ou profane, quel his

torien ou quel philosophe nous a jamais rien offert qui approche du torrent d'images sublinies, de métaphores hardies, de pensées fortes et de maximes étincelantes de lumière, que nous avons admirées aujourd'hui avec un transport extatique? Depuis la plus haute poésie jusqu'à la plus haute éloquence, il n'y a point de genre de composition dont on ne puisse trouver des modèles accomplis dans l'immortel discours contre Warren-Hastings.

Pendant sept heures, Shéridan commanda l'admiration universelle d'une assemblée immense que l'attente de ce jour avait réunie de tous les rangs de la nation.

Fox avoua que tout ce qu'il avait jamais lu ou entendu, disparaissait devant cette harangue, comme la vapeur devant le soleil. Pitt reconnut aussi qu'elle surpassait tous les chefsd'œuvre de l'éloquence ancienne et moderne, et qu'elle possédait tout ce que le génie et l'art peuvent combiner pour toucher l'âme et convaincre l'esprit.

Il est impossible de citer ce discours parce qu'il est trop étendu; et le morceler ce serait l'affaiblir.

TRIBUNE ANGLAISE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

De nos jours les orateurs de la Grande-Bretagne ont souvent eu l'occasion de sortir du cercle des intérêts matériels, pour s'élever à des questions d'humanité et de haute politique. Les souffrances des classes pauvres qui semblent s'accroître à mesure que l'industrie fait des progrès, le besoin d'innovation et de réforme qui travaille les esprits, les dangers que l'Etat éprouve au-dedans pendant qu'il cherche à maintenir son influence dans les pays étrangers, les graves abus et les richesses exorbitantes du clergé anglican, les dimes odieuses qu'il levait sur les catholiques d'Irlande, la position fausse de ce malheureux pays, la corruption de la magistrature qui lui est imposée, les lois martiales qui le régissent, les brutalités auxquelles la police s'abandonne à son égard, enfin les misères et le désespoir qui sont la conséquence d'un pareil état d'oppression; toutes ces choses, et d'autres semblables, sont trèspropres à inspirer les hommes d'Etat qui siégent au parlement. Le flegme et l'apathie des chambres, qui ne voient dans ces graves objets que des questions d'industrie et de commerce, présentent de grands obstacles; mais plusieurs orateurs en

ont su triompher. On a vanté les ministres Canning, lord Grey, lord Brougham, lord John Russell et sir Robert Peel lord Byron, dans deux ou trois discours, a montré que le génie de la poésie est aussi celui de l'éloquence. Cobbett et O'Connell se sont surtout signalés. Nous ferons connaître ce dernier dans une section à part, lorsque nous rendrons compte du mouvement catholique en Irlande et en Angleterre.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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