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ODES ET POEMES.

LA FORÊT DE NAVARRE'.

Forêt qui, triomphant et du fer et de l'âge,
Dans les eaux de l'Iton rafraîchis ton feuillage,
Navarre, cache moi sous ta sombre épaisseur !
Souvent, le fer en main, un barbare chasseur,
Dès l'aurore appelé sous tes voûtes riantes,
Au son du cor, au bruit des meutes aboyantes,
Immola dans ses jeux le cerf infortuné,

D'un panache royal tous les ans couronné,
Hôte innocent des bois qui, sans inquiétude,
Loin de l'homme, habitait leur vaste solitude.
Moi, pour des jeux plus doux, dans ton sein retiré,
Satisfait d'être seul, par ton calme inspiré,
Sans effrayer ces daims que mon regard voit paître,
Je veux t'offrir les sons de ma lyre champêtre.
Le poète aime l'ombre, il ressemble au berger.
Forêt de la Neustrie, un poète étranger

'La Forêt de Navarre est la première pièce de poésie un peu considérable qui ait fait connaître le nom de Fontanes; elle fut d'abord publiée dans l'Almanach des Muses de 1780. On la donne ici telle que l'auteur l'avait revue et préparée pour l'édition définitive.

Vient te chanter; écoute, et frémis d'allégresse!
Oui: des chênes fameux qu'a fait parler la Grèce,
Les tiens, grâce à mes vers, obtiendront les honneurs.
Déjà, pour respirer, les ardents moissonneurs,
Rejetant autour d'eux leurs faucilles lassées,
S'endorment sur un lit de gerbes entassées.

L'étincelant midi rayonne dans les airs;

La plaine est sans fraîcheur et les bois sans concerts;
L'oiseau se tait perché sur la branche immobile.
C'est l'heure où Corydon, dans les bois de Sicile,
D'amoureuses fureurs agité vainement,

Sous des hêtres touffus exhalait son tourment;
Et seule, autour de lui, sifflait l'aigre cigale.

Heureux qui maintenant suit la route inégale
De ces profonds taillis, de ces vastes berceaux
Partout entrecoupés de limpides ruisseaux,
Où le faon, reproduit au cristal d'une eau pure,
Admire de son front la naissante parure.
Tranquille, environné d'une épaisse fraîcheur,
Foulant de hauts gazons respectés du faucheur,
Du soleil irrité je brave l'inclémence.

Quel calme universel! Je marche; l'ombre immense,
L'ombre de ces grands bois sur mon front suspendus,
Vaste et noir labyrinthe où mes yeux sont perdus,
S'entasse à chaque pas, s'agrandit, se prolonge,
Et, dans la sainte horreur où mon âme se plonge,
Au palais d'Herminsul je me crois transporté.
Sous ce tronc gigantesque aurait-il habité?
Ce long chêne aux cent bras, verdoyante colonne,
Peut-être a soutenu le temple de Dodone.

L'arbre qui fut jadis adoré des Gaulois,
M'en raconte les mœurs et le culte et les lois,
Et des bardes cachés sous ces sombres yeuses
J'entends de loin gémir les voix mystérieuses..
Ces troncs, les vieux enfants de cés vieilles forêts,
Où le savant Druide enferma ses secrets,
Ont vu trois cents printemps rajeunir leur verdure,
Et leur vieillesse même augmenta leur parure.
Tout passe, ils sont debout; dix races ont été ;
Et moi qui, jeune encor, sous leur ombre ai chanté,
Moi-même dans la tombe ils me verront descendre;
Leurs rameaux élargis s'étendront sur ma cendre,
Et, touchés de ces vers, quelques amants en deuil
Les rediront peut-être, assis sur mon cercueil.

Ici, l'âme conçoit de plus graves pensées ;
La méditation aux paupières baissées,
L'enthousiasme ardent, le silence, la paix,
Errent de tous côtés sous ces dômes épais.
Ces dômes en tout temps furent chers au poète.
Je ne m'étonne plus que leur sombre retraite
Inspirât ces mortels qui, pontifes et rois,
Jadis au genre humain apportèrent des lois;
Les vers nous l'ont appris : ô chênes du Riphée,
Vous conservez les noms de Linus et d'Orphée!
Horeb et Sinaï, vos berceaux ténébreux
Répétaient l'hymne saint des prophètes hébreux!
J'avance vers l'Indus: ses bois aromatiques,
Du paisible éléphant retraites domestiques,
Entendirent Bélus, Zoroastre et Brama;
Les bois du Latium entendirent Numa :

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