Le Pinde a changé de face, Et le Vandale insolent Au Louvre usurpe la place
Des vrais juges du talent;
Tels, quand, sous l'herbe et le sable,
Croule un temple vénérable
Que sa vieillesse a détruit, Ses murs sont l'affreux repaire De la rampante vipère
Et des oiseaux de la nuit.
Si quelque Muse nouvelle Vient encor charmer Paris, Combien je tremble pour elle ! L'Envie accourt à grands cris. Par le monstre repoussée, L'aimable Cymodocée
S'enfuit les larmes aux yeux; Et sur sa lyre touchante,
Seule au désert, elle chante L'amour, l'honneur et les cieux.
Des neuf vierges de Thespies, La fable a dit autrefois Que neuf rivales impies Vinrent défier la voix;
La lutte aussitôt s'engage,
Les dieux du prochain bocage
A ce bruit sont accourus;
Par eux l'arrêt va se rendre,...
Et d'abord se font entendre
Les filles de Piérus.
Elles célèbrent la Terre, Qui naquit avant les Dieux, L'antique Nuit, et la guerre Des Titans audacieux; Elles disent Polyphème Épouvantant le ciel même De ses orgueilleux défis, Et, sous une forme immonde, Cachent le maître du monde Dans les plaines de Memphis,
Leur voix, organe du crime, Semble attrister l'univers, Et l'écho du noir abîme Applaudit à leurs concerts. Calliope prend sa lyre, Se lève, et de leur délire Vengeant son père offensé, Sous le poids d'un roc énorme Presse la tête difforme
D'Encelade renversé,
Elle chante l'harmonie,
Les arts donnés par ses sœurs,
Et Cérès dont le génie
Fonda les lois et les mœurs;
Aux accents qu'elle profère, Divins accents que son frère Dans le ciel même a notés, L'ordre, l'amour et la vie, Et la paix, des jeux suivie, Renaissaient de tous côtés.
Proserpine impatiente Du Styx au jour revenait ; Érigone plus riante
De pampres se couronnait; Minerve non moins active
Ornait de branches d'olive
Des tissus ingénieux;
Et Pan menait sur ses traces
Les Mois, les Jours et les Grâces
Dans un cercle harmonieux.
Les Muses sont couronnées, Pan leur adjuge le prix ;
Leurs rivales obstinées
Le réclament à grands cris. C'en est trop, disent les Muses!
Les Piérides confuses
Soudain ont changé de traits, Et, sous un double plumage, Font, de leur aigre ramage, Frémir encor les forêts.
Aujourd'hui les Piérides
Ont de nombreux successeurs, Et, pour ces âmes arides, Calliope est sans douceurs; Le goût faux qui les égare Préfère un accord barbare A des concerts immortels; Et les Muses ingénues, Errant partout méconnues,
N'ont plus d'ombrage et d'autels.
Venez, nobles fugitives,
Mes berceaux vous sont ouverts; Ici, sur d'aimables rives, Naissent les fleurs et les vers. Chantez: mon oreille écoute. Je suis peu digne, sans doute, De répéter vos chansons; Mais, sous ces ombres secrètes, De vos dignes interprètes On respecte les leçons,
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