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nèbres. M. Gladstone fait remarquer le double courant en sens contraire qui traverse le monde païen et qui aboutit à l'éclosion du christianisme. A mesure que les idées sur la divinité se perfectionnent et se dégagent, la corruption devient plus grande; en théorie, les penseurs se rapprochent insensiblement de la vérité; en pratique, la multitude est la proie des vices les plus dégradants. Il fallait que le Fils de Dieu vînt réconcilier les deux termes du problème, et ramener l'harmonie dans l'âme humaine.

Il y a deux autres points sur lesquels M. Gladstone s'arrête avec quelques détails, et qu'il est bon de mentionner ici. Le premier se rapporte à la persistance des divinités locales longtemps après que les Di majores eurent disparu. C'est là un fait qui n'est pas borné à la mythologie grecque, mais qui se retrouve partout. Chassés de l'acropole et du forum, les dieux se réfugiérent dans les villages et les hameaux, et ce ne fut qu'à la longue que les habitants des campagnes consentirent à ne voir dans un chêne qu'un arbre et non pas une dryade. En second lieu, il est intéressant de remarquer le charme qu'à toujours exercé sur les exprits cultivés le système religieux des Grecs. L'Evangile lui-même ne réussit pas à le déposséder de son ancien empire, et quand on voit un génie comme Goethe fasciné par ces rêves brillants auxquels le génie d'Homère donna tant de charmes, il faut bien reconnaître que peu de sujets sont plus dignes d'être sérieusement étudiés. GUSTAVE MASSON.

JURISPRUDENCE

Nouveau traité de la prescription en matière civile, par M. H.-A. LE ROUX DE BRETAGNE, conseiller à la Cour de cassation. Paris, Durand et Pedone Lauriel, 1869. 2 vol. in-8 de XIV-482 et 514 p. Prix : 15 fr.

La science du droit, est comme toutes les autres sciences, susceptible de progresser et de s'étendre indéfiniment. Tel sujet, qui nous paraît tout d'abord épuisé, peut être encore traité avec fruit par un jurisconsulte qui, en profitant des travaux de ses devanciers, y ajoute ce que ses propres lumières et l'étude approfondie de la jurisprudence lui ont appris. C'est ainsi que, même après le savant traité de M. Troplong et les travaux de tant d'autres auteurs sur la prescription, M. Le Roux de Bretagne, conseiller à la Cour de cassation, a pu sans témérité publier un ouvrage en deux volumes sur le même sujet.

Ce traité remarquable, où se montrent et l'expérience pratique du magistrat et la science approfondie du jurisconsulte, est sans contredit

ce qui existe de plus complet sur la matière. Tout en se renfermant dans la prescription civile, l'auteur en fait l'application aux diverses branches du droit, notamment dans les chapitres relatifs à la prescription trenténaire, à celle des hypothèques, des servitudes, des actions en nullité et en rescision des conventions et aux prescriptions particulières établies, soit par le Code de commerce, soit par des lois spéciales.

Après avoir, dans son introduction, donné un court aperçu historique sur l'origine de la prescription en droit romain et dans notre ancien droit, l'auteur aborde l'étude du Code Napoléon. Dans un premier chapitre où il examine le but, les fondements et les effets de la prescription, soit acquisitive, soit libérataire, se présente la question de savoir si l'obligation naturelle survit à l'obligation civile éteinte par la prescription. M. Le Roux de Bretagne soutient l'affirmative et combat sur ce point par d'excellents motifs la doctrine de M. Troplong. Dans le chapitre v, où il traite des choses sujettes à la prescription, l'auteur s'attaque encore à une théorie développée par l'éminent jurisconsulte relativement à la distinction à faire entre les facultés et les droits. Ainsi les facultés ne s'exercent pas seulement sur nous-mêmes ou sur les choses qui sont à notre disposition, comme le dit M. Troplong; mais elles peuvent aussi s'exercer contre les tiers, sans cesser pour cela d'être imprescriptibles.

De nombreux procès entre les particuliers et les communes ont soulevé des questions délicates sur la prescription. Les lois de 1792 et 93 avaient fixé certains délais dans lesquels les communes devaient revendiquer les terres vaines et vagues dont elles avaient été dépouillées par abus de la puissance féodale.

Le délai de cinq ans dans lequel devait s'exercer cette revendication, à peine de déchéance, s'appliquait-il au cas où la commune avait pour adversaire non pas les ci-devant seigneurs ou leurs représentants, mais un simple particulier?... L'affirmative paraît résulter du texte et de l'esprit de la loi. Le chapitre vi, qui a pour titre la possession, traite des actions possessoires et de leur prescription, matière difficile, où se présentent souvent pour les juges de paix les problèmes les plus graves à résoudre. L'interruption et la suspension de prescription qui font l'objet des chapitres vIII et Ix; la précarité dont il est question dans le chapitre VII, à propos des causes qui empêchent la prescription, remplissent la fin du premier volume.

Dans le deuxième volume, l'auteur traite de la durée de la prescription, du temps requis pour prescrire des conditions et des effets de la prescription trenténaire et de la prescription de 10 à 20 ans. Puis il fait l'application des principes aux hypothèques, aux servitudes et à l'action en nullité des conventions. La prescription appliquée aux servi

tudes, sujet si pratique et si fécond en contestations, méritait un chapitre spécial. Nous regrettons de ne pouvoir suivre l'auteur dans les problèmes qu'il étudie avec une lucidité et une méthode qui font de son livre un ouvrage précieux à plus d'un titre. Le dernier chapitre, consacré à l'examen des prescriptions particulières établies par le Code et par les lois spéciales, complète admirablement ce savant traité et peut être utile à consulter dans la pratique. On trouve en effet réunies dans ce chapitre toutes les règles éparses dans nos lois et la solution des difficultés auxquelles elles peuvent donner lieu.

L'ouvrage de M. Le Roux de Bretagne se termine par une table générale et raisonnée des matières par ordre alphabétique, qui a l'immense et rare avantage de faciliter singulièrement les recherches. L'éminent magistrat a comblé ainsi une lacune regrettable dans la plupart des ouvrages de droit, où l'ordre matériel doit-être toujours un auxiliaire indispensable de la science. F. DU BOYS.

SCIENCES ET ARTS

Nouvelles études morales sur le temps présent, par E. CARO, membre de l'Institut. Paris, Hachette, 1868. In-12 de vi-375 p. Prix: 3 fr. 50.

L'unité d'inspiration et quelque analogie dans les sujets sont les seuls liens des six études, déjà publiées dans divers journaux ou revues, que l'éminent professeur a réunies sous ce titre. « Ce sont, dit-il lui-même, des essais de psychologie morale et littéraire écrits au jour le jour, sous l'impression vive de quelques lectures ou de quelques incidents de la vie sociale.» Psychologie morale et littéraire, c'est bien, ou peu s'en faut, la définition exacte du genre de critique où M. Caro a pris un si haut rang. Qui n'a lu, de ce philosophe attentif à tous les phénomènes intellectuels de notre temps, nombre de pages, aussi agréables que solides, où l'analyse psychologique et morale, toujours alliée au meilleur jugement littéraire, lui ouvre une foule de perspectives neuves, justes, fécondes? On ne se plaindra donc pas de ce nouveau recueil d'Etudes sur le temps présent ; et loin de détourner l'auteur d'en republier la première série, dont il nous annonce une édition entièrement refondue, on le pressera d'y ajouter encore un troisième, un quatrième volume. Pourquoi laisser dans des collections a peu près inabordables à la plupart des lecteurs, tant d'essais fermes et fins? Je sais, par exemple, quelqu'un qui cherche en vain une assez longue étude sur George Sand, perdue depuis une dizaine d'années

dans une volumineuse Revue. Pourquoi M. Caro n'aurait-il pas égard à des curiosités de ce genre et n'augmenterait-il pas le nombre de ses lecteurs, au grand profit du goût et de la morale ?

Dans le présent volume j'avoue que, je me suis laissé attirer d'abord par les trois derniers morceaux: Lamennais, étudié d'après sa correspondance, révélation douloureuse de ce fier et triste génie, de cet apologiste haineux, chassé de l'Eglise par l'orgueil qu'il y avait porté ; les Misères d'un Dieu : c'est Henri Heine promu à la divinité vers 1820, en nombreuse compagnie, par la grâce de Hegel, et qui nous dévoile, dans ses lettres intimes, ses contradictions et ses douleurs; Des mœurs littéraires du temps présent, tableau remarquable de la désorganisation des écoles philosophiques et poétiques de notre époque, tracé après les funérailles de M. Cousin.

Toutefois il faut reconnaître les mêmes qualités de forme, et peutêtre une portée supérieure, dans les trois études qui ouvrent ce volume. Le suicide dans ses rapports avec la civilisation (p. 1-103) est un morceau du plus vif intérêt; ce mal terrible est étudié avec une attention grave par M. Caro, qui en a d'ailleurs emprunté l'histoire à M. Bourquelot, et la statistique contemporaine à M. Brière de Boismont. Mais l'idée morale qui préside à tout le travail est bien à notre philosophe, ainsi que certaines analyses tout-à-fait neuves; par exemple, celle de ce qu'on pourrait appeler le suicide littéraire, celui de Werther et de ses rejetons. L'hygiène morale (science des moyens propres à entretenir la santé du corps par celle de l'âme), ses principes (action de l'imagination et de la volonté sur l'organisme), et ses règles (se posséder et s'agrandir, s'entend dans ses facultés morales), sont traitées avec la même originalité, quoique M. Caro ait pris pour texte et pour guide l'excellent petit livre, sur le même sujet, du D' Feuchtersleben. - La direction des âmes au dix-septième siècle offre une étude plus littéraire qu'ascétique sur la Bibliothèque spirituelle (saint François de Sales, Nicole, Bossuet, Fénelon), publiée par M. de Sacy. Ce morceau s'écarte un peu, l'auteur en convient, du programme tracé par le titre du volume. Mais un tableau fidèle d'une littérature et de moeurs disparues forme avec la vie contemporaine un contraste fort instructif. Sur quelques points d'un sujet si délicat, on pourrait faire des objections à M. Caro; mais ces objections ne porteraient que sur des nuances; sa pensée est toujours, ici et dans tout ce volume, non-seulement honnête et généreuse, mais vraiment chrétienne.

LEONCE COUTURE.

OCTOBRE 1869,

T. IV,

13.

Résumé d'études d'ontologie générale et de linguistique générale, ou essai sur la nature et l'origine des étres, la pluralité des langues primitives et la formation de la matière première des mots, par M. F.-G. BERGMANN, professeur de la faculté des lettres de Strasbourg. Seconde édition, augmentée. Paris, Joël Cherbuliez, 1869. Gr. in-18 de 327 p. Prix: 3 fr. 50 c.

L'auteur de cet ouvrage est un darwiniste décidé, et il pousse les principes posés par le maître à leurs extrêmes conséquences. D'après lui la création serait éternelle et infinie comme Dieu lui-même. D'un autre côté, il paraît nier l'existence de la matière proprement dite, dans laquelle il ne veut voir qu'un assemblage de forces. Sur ce point, il devrait donc être rangé dans la classe des idéalistes purs, et ses théories semblent en grande partie fondées sur celles de Leibniz.

M.Bergmann pense que tous les êtres vivants, plantes ou animaux, dérivent de deux sortes seulement de germes essentiellement distincts. L'homme aurait pour ancêtre, non point le gorille, mais un autre singe plus perfectionné et dont malheureusement l'espèce s'est perdue. Nos aïeux auraient débuté par être des nègres assez semblables aux Alfourous de la Nouvelle-Guinée; on les aurait vu, par une suite de transformations plus ou moins lentes, se changer en Mongols, puis en Caucasiens. M. Bergmann ne nous paraît oublier qu'une chose, c'est de donner des raisons positives à l'appui des théories par lui exposées avec tant d'aplomb.

Il pourrait y avoir du vrai dans les hypothèses qu'émet le professeur strasbourgeois au sujet de l'emploi symbolique de certains sons, de certaines lettres, mais tout cela demanderait à être soumis à l'épreuve d'une critique sévère.

Si les opinions de M. Bergmann se trouvent en vigueur chez une partie notable du corps enseignant de l'Alsace, la jeunesse universitaire, l'on en conviendra, y doit être assez singulièrement élevée.

H. DE CHARENcey.

Histoire de Léonard de Vinci, par ARSÈNE HOUSSAYE. Paris, Didier, 1869. In-8 de 487 p. Prix 7 fr. 50 c.

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Refaire une biographie de Léonard de Vinci, après les travaux d'Amoretti, de Delécluze et de M. Rio, après les études séparées dont quelques ouvrages du maître ont été l'objet, n'est pas chose facile; il semble que la matière a été épuisée, que tout a été dit sur ce génie multiple et immense, que chaque manifestation de cette intelligence supérieure a été admirée comme elle méritait de l'être, et que chaque phase de cette existence prodigieuse a été soigneusement étudiée et révélée complétement. Tel ne paraît pas être l'avis de M. Arsène Hous

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