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Rembrandt et l'individualisme dans l'art, par ATH. COQUEREL fils. Conférences faites à Amsterdam, Rotterdam, Strasbourg, Reims et Paris. Paris, Cherbuliez, 1869, in-12 de 158 pages. Prix 2 fr. 30.

Ce petit volume n'est pas, à proprement parler, un livre d'art. C'est un plaidoyer en faveur du protestantisme; Rembrandt en a été le prétexte, mais non pas l'objet unique. M. A. Coquerel fils semble avoir été attiré autant par la qualité de protestant que par le génie sublime de ce grand maître; l'art infini que Rembrandt met dans les moindres compositions rendues par son pinceau, par sa plume ou par sa pointe, a servi de texte à l'auteur pour affirmer qu'il existe bien, quoi qu'on en dise, un art protestant, et que cet art a été exercé par des maîtres hors ligne; à l'appui de cette opinion, qui n'étonnera personne sous la plume de celui qui a écrit ces pages, M. Coquerel cite, à côté du nom de Rembrandt, les noms non moins justement célèbres de Lucas de Cranach, d'Albert Durer et de Hans Holbein; il nous montre ces artistes comme des protestants zélés mettant au service de la religion qu'ils professent l'influence de leur talent; en France, toujours pour soutenir sa thèse, il nous dira que Jean Cousin, J. Goujon, Ducerceau et Bernard Palissy étaient également protestants; en Hollande sa tâche est encore plus facile, car presque tous les artistes de ce pays qui ont laissé un nom étaient des adeptes de la réforme. Est-ce à dire pour cela, comme semble vouloir l'affirmer M. A. Coquerel, que la religion protestante eut une grande influence sur l'art et préoccupa sérieusement les hommes qui pratiquaient en Allemagne, en France ou en Hollande, la peinture ou la sculpture? Les artistes allemands que nous avons nommés plus haut, adoptèrent la chose est indiscutable la réforme avec enthousiasme; ils s'efforcèrent autant qu'il fut en leur pouvoir de propager les idées nouvelles et se montrèrent partisans fanatiques de Luther. En advint-il de même des artistes français appartenant à cette confession et mettant leur talent au service de l'art, sans arrière-pensée et sans conviction religieuse bien évidente? Ces Hollandais protestants, auxquels M. Coquerel reconnaît, dans des genres identiques, une originalité bien marquée, et que, pour ce motif, il cite comme types de l'individualisme dans l'art, ont-ils à vrai dire affiché dans leurs ouvrages une marque certaine de leur religion et de leurs convictions intimes? Seul, Rembrandt, il faut le reconnaître, fournit quelques arguments sérieux a la cause que M. Coquerel entend défendre; encore l'examen attentif de l'œuvre entier de ce maître peut-il amener à conclure que le plus grand artiste qu'ait vu naître la Hollande se préoccupait assez peu de servir les idées chrétiennes, et s'évertuait assez peu aussi à venir en aide aux théologiens. Somme toute, ce petit livre, écrit à tête reposée, après que les idées qu'il renferme ont été exprimées de vive

voix à Amsterdam, à Rotterdam, à Strasbourg, à Reims et à Paris, est bien plutôt la thèse d'un zélé protestant que l'œuvre d'un historien impartial. On peut contester le fond de l'ouvrage, et bien souvent se trouver en désaccord avec les idées de l'auteur; il est impossible de nier le talent d'exposition et l'accent de conviction avec lequel ces pensées ont été exprimées.

GEORGE DUPLESSIS.

BELLES-LETTRES

The Mostellaria of Plautus, with notes critical and explanatory, prolegomena and excursus, by WILLIAM RAMSAY. Edited by GEORGE RAMSAY. London, Macmillan, in-8° de cxvi-295 p. Prix: 12 fr.

Quatre cents pages de commentaires pour élucider un texte de quatre-vingt-neuf pages!... Ce ne serait pas là un exemple bon à suivre; mais il a une excuse en ce que M. le professeur Ramsay, qui préparait depuis longtemps une édition scientifique de Plaute, a été frappé par la mort avant d'avoir terminé sa tâche. Lorsque M. George Ramsay voulut publier le travail de son oncle, il reconnut l'impossibilité de mettre en œuvre tous les matériaux qu'il avait amassés, et se vit dans la nécessité de ne donner que les prolégomènes qui s'adressaient à l'édition complète, avec la Mostellaria, la seule pièce de Plaute qui eût été définitivement revue. Cela dit, il n'y a plus que des éloges à décerner, soit au docte annotateur, soit à M. Georges Ramsay, érudit lui-même, et professeur d'humanités dans l'Université de Glascow.

Après d'intéressants détails sur les manuscrits qui servent à établir le texte de Plaute, les diverses éditions, les commentateurs les plus illustres, nous arrivons à une question assez difficile, celle de l'orthographe du poëte. Si l'on ouvre les éditions ordinaires, l'édition ad usum par exemple, on voit que le texte ne présente rien d'insolite, ni de barbare. C'est l'orthographe, ou à peu près, que l'on trouverait dans Virgile, dans Cicéron, dans Ovide. Malheureusement aucun des anciens éditeurs, y compris Gronovius, ne semble avoir eu à ce sujet de système bien arrêté. Le même mot se trouve imprimé de deux ou trois manières différentes, et souvent, pour plus de simplicité, on lui donne une forme qu'il n'avait certainement pas du temps de Plaute. Que faire ? A quel parti se ranger?

M. Ramsay commence par dire qu'il serait impossible de reconstituer l'orthographe latine telle qu'elle existait trois siècles avant l'ère chrétienne. Pour un travail de cette nature, les éléments nous manquent, et nous n'aboutirions qu'à des hypothèses insoutenables.

Le moyen le plus sûr, ajoute notre auteur, est celui que Gronovius a adopté. Nous avons depuis longtemps ce que l'on peut appeler une orthographe-type du latin, basée sur les écrits du siècle d'Auguste, et qui fut selon toute probabilité arrêtée formellement pendant le premier siècle de l'empire. N'en demandons pas davantage.

Enfin on peut se proposer, comme l'a fait M. Ramsay, un mezzo termine, le voici. Nous savons à n'en pas douter que l'orthographe latine a subi, depuis le temps d'Ennius jusqu'au siècle d'Auguste, des modifications très-considérables. Non-seulement des mots, mais des familles entières de mots, étaient écrits par Cicéron, Pompée et César d'une manière que Plaute ne connut jamais ; et pour ces expressions ou groupes d'expressions, ce serait un véritable anachronisme que d'adopter les formes en usage parmi les littérateurs du temps d'Horace ou de Virgile, « Id agamus, » dit le commentateur allemand Ritsch, « ut, qualem aliquanto politior ætas Plautum legisse videatur, quo ad ejus fieri possit, recuperemus. » M. Ramsay loue Ritsch d'avoir adopté ce point de vue, mais il le blâme en même temps de la façon arbitraire avec laquelle il traite l'orthographe de Plaute. S'il m'est permis d'exprimer mon avis sur un sujet aussi délicat, je dirai franchement qu'il me semble très-difficile d'éviter ici l'hypothèse. M. Ramsay lui-même y tombe quelquefois. Cependant on ne saurait trop louer les excellentes remarques qu'il nous donne sur les grammairiens, les manuscrits et les inscriptions; telles sont les autorités dont il invoque le témoignage, et je citerai particulièrement le chapitre relatif aux débris que la science épigraphique met en lumière.

Autre difficulté : la métrique de Plaute. Ce n'est pas que les essais pour éclaircir ce problème manquent; il n'y en a que trop, hélas ! et l'embarras consiste précisément à choisir entre les solutions les plus opposées, soutenues de part et d'autre avec une violence qui rappelle les beaux jours des Scaliger, des Juste-Lipse et des Scioppius. Suivant les uns, Térence et Plaute écrivaient avec un sans-gêne extraordinaire; ils tenaient très-peu de compte des lois de la versification, et chaque faute est tout simplement une licence poétique. Selon les autres, les comiques latins travaillaient au contraire leur poésie aussi délicatement, aussi scrupuleusement que les meilleurs modèles grecs, et lorsque nous rencontrons un exemple de lèse-métrique, c'est que le texte est corrompu et que la recension est mauvaise. A ce compte, il faudrait, dit très-bien M. Ramsay, récrire presque d'un bout à l'autre Plaute et Térence. Notre critique adopte ici encore une sorte de juste milieu, et discute de la manière la plus judicieuse les passages qui peuvent offrir prise à la controverse.

Ainsi préparé,le lecteur peut passer à l'étude de la Mostellaria; et les notes réunies abondance au bas des pages lui permettent de peser JUILLET 1869.

T. IV.

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les différentes leçons. Des dissertations plus ou moins étendues sur quelques points de grammaire et d'archéologie sont groupées, au nombre de dix-sept, dans un appendice qui termine cet excellent volume. Impression, papier, tout y est irréprochable.

GUSTAVE MASSON.

Le théâtre révolutionnaire, 1788-1799, par E. JAUFFRET. Paris, Furne, Jouvet ét Cie, 1869. in-12 de vii-431 p. - Prix : 3 fr. 50.

Si le théâtre est rarement une école pour les mœurs, il est presque toujours du moins le miroir d'une société ; c'est là qu'elle se reflète avec ses passions et ses vertus, ses aspirations et ses désenchantements. Jamais cette maxime n'a été plus vraie que pour l'époque que M. Jauffret a entrepris de retracer. Les partis se combattent au théâtre, comme ils se combattent à l'Assemblée, dans les journaux et dans la rue; le mouvement des esprits s'y manifeste avec toute son intensité et aussi avec toutes ses gradations. C'est au théâtre que le Charles IX de Chénier devient le drapeau du parti anti-religieux et anti-monarchique; c'est au théâtre que l'infortunée Marie-Antoinette, si injuriée, si calomniée, a son dernier triomphe : beau jour qui hélas! n'eut pas de lendemain. Seulement nous croyons que M. Jauffret se trompe en plaçant cette scène après le 20 juin 1792; elle est du 20 février; les lettres de Me Elisabeth en font foi. C'est du théâtre encore qu'au milieu du procès du Roi, un cri courageux s'élève contre les régicides. La Convention, peu soucieuse de la liberté, interdit l'Ami des lois, et décréta son auteur d'accusation; quelques jours après, une autre pièce, sans couleur politique cependant, la Chaste Suzanne, disparaissait de la scène, parce qu'elle contenait cette phrase, mal sonnante pour les puissants du jour : « Vous êtes ses accusateurs, vous ne pouvez être ses juges. » Il faut bien le dire d'ailleurs, dans les nombreuses pièces jouées ou imprimées car beaucoup ne furent pas représentées pendant cette période de douze ans, il n'y a guère d'œuvres remarquables; c'est ce qui ressort, à n'en pas douter, du travail de M. Jauffret. Le théâtre révolutionnaire est curieux à étudier au point de vue politique au point de vue littéraire, il est nul ou peu s'en faut. M. Jauffret l'a compris : il est surtout historien dans ce livre, où nous avons trouvé des détails intéressants, et la plupart du temps des appréciations justes. Il a des paroles de chaleureuse sympathie pour les victimes de la Révolution, pour ce Roi si bon, pour cette Reine si grande; il aime la liberté, mais il hait la licence. Nous regrettons seulement qu'il ait montré des préventions regrettables contre le clergé et les ordres religieux.

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MAXIME DE LA ROCHETERIE.

Lettres et souvenirs d'enseignement d'Eugène Gandař, publiés par sa famille, et précédés d'une étude biographique et littéraire par M. SAINTE-BEUVE, de l'Académie française. Paris, Didier, 1869. 2 vol. in-8 de Liv-582 et vi-384 p. Prix: 14 fr.

M. Eugène Gandar, professeur de l'Université, a été enlevé presque subitement l'année dernière à l'âge de quarante-deux ans, au moment où son nom et ses travaux commençaient à acquérir une juste célébrité. On se rappelle le succès obtenu par son bel ouvrage sur Bossuet orateur. M. Gandar, qui depuis cinq ans suppléait M. Nisard dans la chaire d'éloquence française à la Sorbonne, venait d'être nommé professeur titulaire à la veille de sa mort; et « cette chaire qu'il avait tout fait pour mériter et pour conquérir, il ne lui fut point donné d'y monter et d'en prendre possession en son propre nom. » Ce sont les souvenirs de cette carrière laborieuse, si tristement interrompue, que la famille de M. Gandar a recueillis et publiés. Une longue et intéressante introduction de M. Sainte-Beuve donne sur l'écrivain et sur sa vie toutes les indications désirables. On ne saurait se reporter avec trop d'attention á ce morceau que nous ne pouvons analyser ici.

Le premier volume est tout entier consacré à la correspondance de M. Gandar. Ces lettres, adressées par le jeune professeur à son père, à sa femme, à quelques amis, commencent en 1847, au moment où M. de Salvandy, alors ministre de l'instruction publique, venait de l'envoyer à l'école d'Athènes, avec « une liberté sans limites, » pour compléter chemin faisant son éducation. Il donne sur ses études et ses excursions en Grèce pendant deux années, les plus particuliers et les plus intéressants détails. Ce sont des impressions de voyages d'autant plus charmantes qu'elles n'ont ni apprêt ni convenu, qu'elles restent strictement dans le cercle de l'intimité. A partir de 1850, les lettres sont moinsfréquentes, et elles ne font plus que révéler les qualités aimables et simples de l'homme privé.

Le second volume renferme les fragments littéraires composés par M. Gandar, soit pour la faculté des lettres de Caen, soit pour célle de Paris. Ces morceaux ont une vraie valeur; ils sont fort travaillés, de fond comme de forme, et méritent d'être mentionnés brièvement. La littérature étrangère est représentée par Gæthe et Dante, deux études d'ensemble dans lesquelles l'auteur a su rajeunir de bien vieux sujets. Les discours d'ouverture des trois premières années de cours à la Sorbonne forment une suite naturelle. M. Gandar les avait réunis lui-même pour en faire comme un tableau général de la plus grande époque de notre littérature nationale, et, autour de Pascal, de Bossuet et de Fénelon, qui marquent le début, l'apogée et le déclin du règne de Louis XIV, il avait groupé les noms et les talents divers qui ont illustré

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