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proclame l'écrivain inspiré, Jéhovah doit être son partage. M. Schoebel a-t-il tort de dire que tant d'écrivains rationalistes largement payés pour faire des cours de théologie se croiraient volés, si l'on prétendait les soumettre au même régime que ces prêtres dont ils accusent la rapacité?

Le discours de Balaam ne saurait, a-t-on prétendu, être de l'époque de Moïse. Le langage dans lequel il est rédigé diffère sensiblement de celui qu'emploie l'auteur du Pentateuque. Nous voyons ici une preuve d'authenticité. Balaam était Moabite. Le dialecte sinon la langue qu'il parlait ne devait pas être absolument identique à l'hébreu proprement dit.

Terminous par une observation curieuse de M. Schoebel. Voici le peuple en révolte contre Moïse; il regrette cette terre d'Egypte où il vivait de viandes cuites, d'oignons et d'herbes. Cette dernière expression, traduite mal à propos par poireau.c dans les Septante, signifie purement et simplement herbes. Elle s'applique au helbeh ou trigonello fænum græcum dont, sur les bords du Nil, hommes et animaux se montrent également avides.

Le résumé trop court que nous venons de consacrer au livre de M. Schoebel, fait, je l'espère, assez ressortir tout l'intérêt que présente sa lecture. Il a une place marquée d'avance dans la bibliothèque de tout homme s'occupant d'études sémitiques ou théologiques.

H. DE CHARENCEY.

De la divinité du christianisme dans ses rapports avec l'histoire. Leçons professées à la Sorbonne, par CHARLES LENORMANT, membre de l'Institut, publiées par son fils. Paris, A. Levy, 1869. In-8 de xv-30 p. Prix : 6 fr.

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Cette publication, que l'affection filiale aussi bien que le désir d'être utile au public ont suggérée au fils de l'illustre académicien, sera accueillie avec une satisfaction générale. Charles Lenormant a laissé après lui une grande renommée, et son autorité dans les études historiques fait qu'aucun ouvrage sorti de sa plume ne peut manquer d'intéresser au plus haut degré. Le livre que nous annonçons traite des questions religieuses les plus graves, et qui, dans ces derniers temps, ont le plus vivement passionné les esprits. Ceux qui, dans leurs convictions religieuses, s'arrêtent devant un doute, et se croient en droit de repousser la foi, uniquement parce qu'ils y trouvent des ombres et des mystères, verront par cet ouvrage que leurs doutes ont tourmenté aussi l'âme de l'auteur; ils y retrouveront même les traces de la lutte longue et douloureuse qu'il eut à soutenir avant d'arriver à cette

foi catholique qui fut le dernier résultat de ses études et de ses patientes investigations. Tant il est vrai que les conclusions de la science ne peuvent jamais contredire la foi !

Nous devons dire cependant que cet ouvrage de Charles Lenormant laisse quelque chose à désirer. Plus d'un argument aurait gagné à être traité avec plus d'étendue; certaines pensées ne sont qu'indiquées et d'une façon un peu obscure; çà et là on aimerait voir un peu plus de connexion entre les idées, et l'on préférerait même en plus d'un endroit un autre ordre dans l'exposition. Mais nous devons faire observer qu'il n'en pouvait guère être autrement : ces leçons vraiment remarquables n'ayant pas été sténographiées, nous ne possédons que des notes jetées à la hâte sur le papier, pour servir de guide au professeur dans ses brillantes improvisations. Du reste, on se rendra compte facilement de ce qu'elles durent être, avec les développements que leur donnait la vive parole du professeur, si l'on pense qu'on leur doit en grande partie le mouvement de renaissance catholique qui se manifesta dans les dernières années du gouvernement de juillet, et si l'on se rappelle qu'elles valurent au courageux professeur, de la part de ceux qui combattaient ses croyances, l'expulsion d'une chaire si vaillamment occupée.

Mais nous le répétons par la publication de ces leçons, même telles qu'elles sont, le fils de l'illustre écrivain a rendu un service signalé à la science et à la religion. Tout en reconnaissant les défauts et les lacunes que nous venons de signaler, le lecteur reconnaîtra aussi que l'auteur de ces leçons joignait à la plus vaste érudition une grande puissance de pensée. Il avouera donc sans difficulté que Charles Lenormant n'y dit pas tout ce qu'il savait et tout ce qu'il pouvait dire pour la défense de sa foi religieuse. Enfin, il ne pourra s'empêcher de remarquer que les écrivains qui, dans ces dernières années, ont introduit en France la façon de raisonner de l'école rationaliste allemande, n'ont rien ajouté aux arguments signalés et réfutés ici dès 1844. P. C. TONDINI, barnabite.

Notre-Dame de Lourdes, par HENRI LASSERRE. Paris, Victor Palmė, 1869. In-12 de ví-468 p. — Prix: 3 fr. 50.

En 1862, M. Henri Lasserre fut guéri instantanément d'un mal d'yeux déjà fort avancé, à la suite de lctions d'eau naturelle, puisée à la source de la grotte de Lourdes. Cette guérison, entourée de circonstances remarquables, et dont le récit, contenu au neuvième livre de cet ouvrage, n'en est pas un des moindres attraits, engagea le jeune littérateur à en

treprendre l'histoire des événements mystérieux arrivés à Lourdes en 1858. Il y a mis le temps; mais ces retards lui ont permis d'étudier chaque fait avec une attention scrupuleuse, et de consulter à loisir les témoins vivants et les documents écrits (sauf ceux que lui ont refusés certaines rigueurs administratives bien peu concevables en pareil cas). Et d'autre part, ces sages lenteurs n'ont rien enlevé à son récit, tous ses lecteurs l'attesteront, de cette chaleur communicative qui fait de NotreDame de Lourdes un des livres les plus attachants que je connaisse.

C'est une relation fidèle, détaillée, coupée de conversations presque sténographiées et de peintures sur le vif; hommes et choses y prennent un relief saisissant, et la foi de l'auteur glisse dans les intervalles des interprétations et des rapprochements souvent hardis, toujours édifiants. Quand à la certitude des faits, les témoins sont nommés, presque tous survivent; on peut les consulter. Aussi la confiance du lecteur ne tarde pas à être gagnée, et c'est avec un intérêt sans mélange qu'il voit se succéder et se mêler les apparitions de la Vierge à Bernadette, les hésitations du clergé, l'imprudente opposition des représentants du pouvoir civil, les guérisons miraculeuses, jusqu'à ce qu'un ordre impérial fasse tomber les barrières élevées aux abords de la grotte, et qu'une ordonnance épiscopale, précédée d'une longue et minutieuse enquête, définisse le caractère miraculeux des faits controversés. Une analyse plus particulière est inutile ici. Les adversaires mêmes de tout ordre surnaturel ont reconnu la sincérité et le talent de l'auteur. Nous n'avons qu'à recommander son livre, non-seulement aux croyants, mais à tous les esprits curieux, à tous les vrais amis du libre examen, à ceux mêmes qui veulent nier, mais en sûreté de conscience.

Cependant, comme cet ouvrage restera, nous croyons utile de soumettre à l'auteur quelques remarques sur de légères imperfections que nous avons trouvées, et qui peuvent aisément s'amender dans ses prochaines éditions.

Nous n'osons condamner l'extrême franchise avec laquelle M. Lasserre peint et juge les divers personnages qui jouent un rôle dans cette histoire. Nous lui demanderons pourtant d'effacer, sinon quelques traits un peu durs (sur ce point sa conscience est juge), au moins des expressions blessantes: «cette bénévole Excellence (p. 354); un Massy, un..., un... (p. 291); le Jacomet (p. 275).»

Nous blâmerons moins encore les rapprochements établis par le pieux auteur entre les faits surnaturels racontés dans son livre et les prières liturgiques indiquées pour les jours et les heures qui leur correspondent. Il y en a de bien frappants, et aucun ne paraîtra par luimême déplacé à un lecteur catholique. Mais il aurait mieux valu, peutêtre, moins affirmer la valeur absolue de ces synchronismes, et surtout ne pas en surcharger à l'excès le récit d'une des plus importantes

apparitions (p. 194). Tout près de là nous indiquerons, comme à supprimer, une explication nullement sérieuse de l'Immaculée Conception (p. 196).

Nous aurions bien encore quelques remarques à faire sur le style. Mais la clarté, la chaleur, l'intérêt constant du récit sont des qualités trop rares et trop précieuses pour ne pas faire pardonner un peu de surabondance, et plus d'un néologisme. Toutefois il faut au moins rayer d'un trait de plume quelques fautes de langue (roc abrupte, femme perclue, enfantine bergère, a guéri pour est guéri (p. 459), etc.). LEONCE COUTURE.

Juventus mundi : The Gods and Men of the Greek heroic age. by the Rt Hon. W. E. GLADSTONE. London, Macmillan, 1869. In-8 de XXVIII-541 p., avec une carte de la Géographie d'Homère. Prix: 13 fr. 20.

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On s'étonnera qu'un personnage tel que M. Gladstone, au milieu de toutes les préoccupations de la politique, ayant à régler le sort de l'Irlande et à défendre sa position contre les attaques acharnées d'adversaires implacables, puisse trouver assez de loisirs pour s'occuper d'Homère, de l'Iliade et de l'Odyssée. Mais les hommes d'Etat de l'Angleterre ont toujours tenu à conserver leur réputation de Scholars; le souci des affaires leur rend plus sensibles, s'il est possible, les jouissances de l'esprit; et c'est avec un plaisir indicible qu'ils se plongent au sortir des débats parlementaires, par manière de récréation, dans les trésors de la littérature classique. Heyne et Wolf, Pindare et Iasite leur font oublier le suffrage universel.

M. Gladstone avait publié sur Homère, il y a quelques années, un ouvrage qui fut très-remarqué à l'époque où il parut; le volume intitulé Juventus mundi est un retour aux discussions contenues dans les Studies of Homer and the Homeric age, et l'auteur reproduit d'une manière plus succincte et plus populaire les conclusions auxquelles il était précédemment arrivé. Que n'a-t-on pas dit sur le texte des épopées homériques? Je n'y reviendrai certes pas, et la question me semble si insoluble qu'il serait oiseux de s'y arrêter. M. Gladstone évite, lui aussi, de se prononcer, et il conseille au lecteur de ne pas décider, de ne pas accepter les hypothèses de certains critiques sur ce qui, dans ces poêmes. est la part d'Homère, ou ce qui ne lui appartient réellement en aucune façon. La chronologie d'Homère est encore une de ces vexatæ questiones qui ne seront jamais tranchées à la satisfaction générale. Quelle que soit l'époque à laquelle le poète a vécu, ce qu'il y a de certain, c'est qu'il était foncièrement Grec. Ses chants sont des chants historiques, ce sont des documents qui ont une valeur positive comme foits, et on peut

dire de lui qu'il a été le dos de la Grèce, strictement parlant; il a fait la Grèce ce qu'elle était aux temps anciens. M. Gladstone suppose que les poèmes d'Homère jouèrent le rôle de Livres sacrés pour une nation qui n'avait pas de littérature religieuse proprement dite; il entre ensuite dans diverses considérations très-intéressantes sur les noms substantifs et qualificatifs appartenant à la langue homérique, et il en déduit d'ingénieuses remarques sur l'état de la société et la position relative des différentes classes. Le comparatif sλtepos par exemple, dérivé du substantif ßixos, javelot, et le superlatif pistos formé de d'sp fer, montrent que pour les Grecs la force constituait le critérium du vrai mérite, de même que chez les Latins le mot opes (richesses) produisit l'adjectif optimus, et associa l'idée de distinction avec celle de la fortune.

M. Gladstone est un véritable enthousiaste d'Homère; selon lui, Homère a créé non-seulement une nationalité, mais encore une langue et une religion; c'est sous ce dernier point de vue qu'il l'étudie principalement, et en discutant cette question importante, il tire presque tous ces exemples de l'Iliade. Si l'on adopte ce point de vue, il est difficile de surfaire l'importance du poète comme éducateur religieux. En effet, la théologie grecque n'avait ni autorité, ni prétention à l'autorité; sans hiérarchie, sans unité, isolée au milieu des croyances et des superstitions des peuplades environnantes, elle dérivait toute sa force de la ravissante beauté dont elle était revêtue et qui en formait l'expression lumineuse; elle s'adressait à l'imagination, et au moyen de l'imagination elle réussit à obtenir les hommages d'un peuple chez qui l'élément artistique jouait un rôle capital. Mais quel est l'âme privilégiée qui eut à sa disposition ce moyen d'influence et qui sut faire de l'imagination et de la poésie un usage aussi heureux? Homère, le chantre d'Achille et d'Ulysse, le véritable législateur de la Grèce.

Telle est la théorie de M. Gladstone; elle est sujette à discussion, mais on ne peut lui refuser une certaine plausibilité, et lorsqu'on lit le volume intitulé Juventus mundi, on est presque convaincu par l'éloquence de l'auteur. Le système religieux d'Homère, comparé à ceux qui lui succédèrent semble excellent. On y trouvait une idée de rétribution facilement intelligible, et qui ne laissait pas que d'excrcer une certaine influence morale. Les divinités de l'Olympe ne se conduisaient pas d'une manière irréprochable, sans doute, mais en somme leur administration était passablement équitable; enfin si l'on compare,— et il faut nécessairement faire la part du peu de documents historiques qui nous sont parvenus sur l'histoire des premiers temps de la civilisation grecque, si l'on compare l'état de la société au temps d'Homère et d'Hérodote avec ce que nous savons de l'époque de Thucydide, par exemple, c'est absolument comme si l'on passait de la lumière aux té

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