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étranger, ainsi qu'on l'appellera; si c'est le Pape qui juge, comme il ne saurait à la fois agir d'une manière et déclarer qu'il viole le droit en agissant de cette manière, l'Etat au contraire aura toujours tort, il tombera dans la dépendance absolue du prince temporel de Rome. Telle est la vraie difficulté, et nous aurions dû l'exposer nettement. Elle se représentera tout-à-l'heure sous de plus vastes proportions, en achevant l'examen des libertés gallicanes dans leur rapport spécial avec le clergé.

La célèbre déclaration de 1682, rédigée par Bossuet, d'après les ordres de Louis XIV, résume en quatre articles que tout le monde connaît les maximes de l'épiscopat. Sans jamais censurer formellement ces maximes, Rome les a constamment repoussées. Elles ont en effet pour objet, chose irritante pour tout pouvoir, de fixer les limites qui bornent le sien. Le Pontife romain cassa, annula l'œuvre des prélats, mais il ne détermina point en termes précis les principes qu'on devait substituer à ceux qu'ils soutenaient.

En ce qui regarde la discipline, l'Eglise de France tendait à conserver des usages, des immunités, des priviléges, en un mot un certain degré d'indépendance dont elle disait avoir joui toujours. Nous ne pensons pas que le Pape eût en général la volonté, non plus qu'aucun intérêt réel, à la troubler dans cette possession, et même il est de fait que lors des démêlés qui provoquèrent la déclaration, c'était lui qui défendait contre les évêques unis au roi, les franchises de leurs propres Eglises.

Ceux-ci cependant ne laissaient pas d'avoir, dans les nombreux abus des temps antérieurs, un prétexte plausible et même un motif fondé de chercher å en prévenir le retour. Ils établirent en droit que le Pape est tenu de gouverner l'Eglise selon les canons. On ne conçoit point en effet d'ordre possible sans lois, ni de lois véritables si elles ne sont la règle obligatoire du chef même de la société. D'un autre côté, si le Pape ne peut dispenser des canons, les modifier, les abroger, en faire de nouveaux, suivant les besoins variables de la société elle-même, on ne conçoit pas davantage comment il la pourrait diriger utilement pour elle, on ne conçoit pas son autorité qui implique nécessairement une puissance de législation, à moins qu'il ne soit un pur et simple administrateur délégué de la communauté qu'il gouverne. Nous croyons être ici dans les limites d'une sévère logique. Toutefois il eût peut-être convenu de faire observer aussi, en faveur des évêques, que leurs appréhensions, sur ce qui touche leur propre pouvoir, n'étaient pas en réalité dépourvues de fondement. Car si le Pape possède dans sa plénitude la souveraine puissance dont nous venons de parler et que nous ne voyons aucun moyen de lui contester catholiquement, s'il peut en user sans aucun contrôle, ils ne sont plus euxmêmes que ses délégués révocables, les passifs exécuteurs de ses commandements. Or, que les évêques soient uniquement, dans l'ordre hiérarchique, des délégués, des préfets du Pape, personne ne le dit, ne voudrait le dire. De part et

d'autre on arrive donc à des conclusions qui s'excluent, en raisonnant également bien sur des principes différents, et ici encore, manifestement, il y a une question non résolue.

Les libertés de doctrine forment la partie la plus importante de la déclaration de 1682. Supposé qu'il soit licite, et il l'est, puisqu'en soutenant le contraire on se mettrait en contradiction avec la pratique aujourd'hui certaine de Rome, supposé, dis-je, qu'il soit licite de soutenir les maximes contenues dans cette déclaration, le nom de libertés de doctrine que nous venons de leur donner est exact, car il n'est point de liberté doctrinale plus grande que celle de tenir, sur des points catholiquement fondamentaux, des sentiments opposés à ceux de la première autorité catholique, au moins permanente, et solennellement réprouvés par elle. On répond à cela que ce sont de simples opinions d'écoles: vous le dites, mais Rome le dit-elle ? Et, selon vos principes, est-ce à Rome ou à vous qu'il appartient de prononcer sur ce qui est ou n'est pas de simple opinion.

Quoi qu'il en soit, la déclaration a pour objet de fixer les limites de la puissance pontificale, dans ses rapports avec l'Eglise, d'une part, et, de l'autre, avec la puissance temporelle.

En ce qui touche l'Eglise, elle établit la supériorité de l'épiscopat, soit réuni en concile, soit dispersé, sur le Pape, dont les décisions ne sont irréformables qu'après que le consentement de l'Eglise est intervenu, et par conséquent elle rejette l'infaillibilité de celui-ci.

Nous avons combattu sur ce point la déclaration dans plusieurs ouvrages, et chacun sait et voit que nous ne l'avons pas combattue vainement. Maintenant encore, il nous semble clair que toute l'économie du système catholique exige impérieusement que le pape soit reconnu infaillible; autrement la foi de l'Eglise ne se résumant point dans celle de son chef nécessaire, elle manquerait d'unité. Elle manquerait aussi d'un organe pour la promulguer sans interruption avec une certitude. divine; elle manquerait enfin d'un dernier juge toujours présent pour terminer, par une sentence définitive, les controverses dogmatiques qui peuvent naître. Un Pape infaillible est donc compris dans la notion même de l'Eglise catholique. A cette radicale nécessité des choses on n'oppose, ce nous semble, que des chicanes misérables.

Sous un autre point de vue, nous aurions dû faire remarquer qu'au fond cependant c'est là une question plutôt spéculative que pratique, et qu'il est au moins très-difficile de réaliser dans l'application le principe nettement conçu par l'esprit. En effet les défenseurs aussi bien que les adversaires de l'infaillibilité papale conviennent tous que le Pape peut errer comme docteur particulier. Les ultramontains le croient infaillible seulement lorsqu'il est l'organe de l'Eglise universelle; et lorsqu'il est l'organe de l'Eglise universelle, nul gallican ne doute qu'il ne soit infaillible, sans quoi l'Eglise pourrait errer. Il est donc nécessaire qu'il existe un moyen à l'aide duquel on puisse discerner cer

tainement dans les paroles du Pape celles qui lui sont personnellement propres de celles qu'il prononce comme organe de l'Eglise dont il est le chef. Or, c'est ici que se présente la vraie difficulté.

Les uns spécifient certaines formes extérieures et matérielles, qui sont comme le sceau visible et la garantie de l'infaillibilité. Mais comment s'assurer que ces formes ont été remplies? Ne peut-on pas d'ailleurs les remplir toujours? De plus, elles n'offrent au fond rien que d'arbitraire en soi; elles n'ont pas existé perpétuellement, et le moyen qu'on cherche perpétuellement nécessaire, a dû par là même, être perpétuel, et il doit l'être encore s'il est d'institution divine, c'est-à-dire s'il est certain. Aussi la dernière réponse, et la seule, se réduitelle à dire que lorsque le Pape déclare qu'il parle comme organe de l'Eglise, il parle effectivement comme organe de l'Eglise; en d'autres termes, qu'il est infaillible quand il déclare être infaillible. L'inconvénient de cette réponse est de ne pas laisser voir clairement comment un Pape qui s'obstinerait à faire prévaloir quelqu'une de ses opinions purement personnelles, ne pourrait pas affirmer qu'il parle comme organe de l'Eglise, et même en certains cas l'affirmer de bonne foi. Que si l'on ajoute que Dieu ne le permettra pas, on énonce seulement de nouveau, dans sa généralité, le grand principe de l'infaillibilité papale, mais on ne dit rien qui aide à résoudre la difficulté pratique de discerner, par un moyen indépendant du Pape même, quand il est infaillible et quand il ne l'est pas.

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