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sance nationale, exalter ses triomphes, étaler ses trophées. A-t-il dit, comme l'aurait pu faire un ministre de Charles X : « Le Roi a délivré l'Europe des pirates africains en vengeant la justice et en servant l'humanité, il a doté la France d'une colonie magnifique; en un mot, il a pris Alger. » Est-ce là ce qu'a dit à la Chambre le ministère de Louis-Philippe ? non, pas tout-à-fait, il a dit : « Le Roi a pris sa nièce. »

Plusieurs causes ont favorisé le succès passager du système dont la France subit l'inexprimable honte. Partagée en divers partis, elle n'a pas opposé à l'oppression une résistance compacte. Après quelques vaines tentatives d'action, les hommes de la légitimité et du droit divin, peu d'accord entre eux, sont rentrés dans une inertie politique complète. Débarrassé de ceux-ci, qui ne forment d'ailleurs en France qu'une assez faible minorité, le Pouvoir n'a rien négligé pour diviser les autres. Il s'est rattaché la haute bourgeoisie, l'aristocratie d'argent, par le monopol industriel, la bourgeoisie moyenne par le monopole électoral, la petite bourgeoisie par la crainte de l'émeute. Après avoir ainsi morcelé la bourgeoisie, et l'avoir séparée du peuple, qu'il lui représente comme son ennemi naturel, irréconciliable, il a pu travailler, sans risque immédiat, à consommer le servage de celui-ci, détruire l'une après l'autre, avec l'appareil des formes légales, les libertés conquises en juillet, identifiant ces libertés avec la république, et la république avec l'anarchie.

Mais ces déceptions ne peuvent avoir qu'un temps.

Déjà chacun s'éclaire et sur les choses en général et sur sa position particulière. Le vieux légitimisme se dissout. Il s'en forme un nouveau qui, dominé par l'esprit du siècle, prend son point d'appui dans la liberté. Il ne lui reste plus qu'à comprendre l'incompatibilité radicale de cette liberté qu'il veut sincèrement avec les principes qu'il soutient encore. Cela viendra, et plus tôt qu'on ne pense, car la logique est irrésistible, et l'on ne dispose pas de ses propres convictions à sa fantaisie.

Les frayeurs communes qui jusqu'à présent ont fait le lien des trois classes de la bourgeoisie, se dissipent peu à peu, et ce qu'elles unissaient, l'intérêt le divise. Déja la moyenne bourgeoisie demande compte à la haute de son monopole industriel, comme la petite bourgeoisie demande compte à la moyenne de son monopole électoral, en même temps que le peuple pèse cette grande question: pourquoi un monopole quelconque? Pourquoi des priviléges? Pourquoi tous les Français, égaux par nature, égaux devant la loi, ne participeraient-ils pas tous également à l'exercice de la souveraineté nationale? Nous ne vous contestons pas votre droit, à vous qui maintenant avez part à la puissance politique, nous voulons au contraire que vous en jouissiez pleinement; mais nous voulons en jouir comme vous parce qu'il nous appartient comme à vous, et qu'il n'existerait pour personne, si quelques-uns pouvaient en dépouiller les autres à leur gré.

Le sentiment de la justice, inhérent au cœur de chaque homme, prête à ce langage une force invin

cible. Un peu plus tôt, un peu plus tard, il produira donc son effet. Ce qui trouble encore quelques esprits, ce sont les inquiétudes qu'ont fait naître certaines maximes violentes qui n'enfanteraient, au lieu de la liberté voulue de tous, qu'une tyrannie execrable. Il est possible que des têtes désordonnées, des âmes sombres, aient rêvé, dans leur délire, une semblable tyrannie. Il est possible aussi que les despotismes européens aient évoqué ce fantôme sanglant pour contenir les peuples par une terreur plus vive que le désir même de secouer l'odieux joug dont ils les écrasent. Mais l'opinion publique s'est soulevée avec une horreur si unanime contre toute théorie qui porterait atteinte soit à la sûreté personnelle, soit au droit de propriété, soit à une liberté quelconque, qu'il n'est personne en France aujourd'hui qui croie à la possibilité du régime atroce dont on a tâché de lui faire peur.

Je me trompe, ce régime est possible; qui de nous l'ignore? Il est possible, car il existe en Pologne, en Allemagne, en Italie; il est possible, mais là seulement où règne l'absolutisme, et là où il s'efforte de régner. A quoi partout aspirent les peuples, si ce n'est à s'en affranchir? Pourquoi combatent-ils, sinon pour leur vie, leurs biens, leur liberté d'homme? Ils se sont fatigués, c'est leur crine, du 93 des rois. Contemplez l'Europe qui aujourd'hui emprisonne en masse, qui torture, qui conisque, qui fusille et mitraille et tue? Ce que la Convention même ne fit pas, les souverains le font san: remords. Elle ne jetait point au fond des mines

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les Vendéens échappés au carnage; elle n'ordonnait point à la cavalerie de passer sur le corps de malheureux réfugiés couchés à terre et demandant, pour toute grâce, de n'être pas livrés à leurs bourreaux; elle n'arrachait point les enfants du sein de leurs mères pour les distribuer, comme des têtes de bétail, à des étrangers; elle ne transportait point des populations entières dans des pays lointains, pour leur ôter tout, jusqu'à l'air et au soleil de la patrie; elle ne choisissait.point arbitrairement de nouveaux juges à ceux qu'avaient acquittés ses tribunaux, pour repousser leur tête sous la hache; elle ne refusait ni des aliments, ni un lit, ni les secours de la médecine, ni des moyens de distraction aux détenus enfermés et non enchaînés dans ses prisons. L'avenir, certes, ne l'absoudra point; mais d'autres, croyez-le bien, seront condamnés avant elle, et plus sévèrement qu'elle : ils ploieront dans l'histoire sous de plus pesantes malédictions.

S'il est conforme à l'ordre éternel qu'aucune tyrannie ne subsiste, si plus une tyrannie est énorme, atroce, plus elle est près de sa fin, l'Europe touche à de grands événements, et les nations à leur délivrance. La lutte engagée sera terrible, car chacun sent que c'est la dernière, mais l'issue n'en est pas douteuse. La justice triomphera, parce que la justice, c'est Dieu. Rassurez-vous donc, vous qu'anime le saint amour de l'humanité. Elle a devant elle un but, elle y marche, et nul obstacle ne l'empêchera de l'atteindre. Que les rois s'entendent contre les peuples, les peuples s'entendront contre les

rois. Ne craignez point, ils se feront passage : quelques sceptres en travers n'arrêteront pas le genre humain.

ARTICLES

PUBLIÉS

DANS LE JOURNAL L'AVENIR.

I.

16 octobre 1830.

Après trente années de convulsions, de guerres civiles et étrangères, de gloire au dehors et de larmes au dedans, d'anarchie et de despotisme, tout à coup on vit apparaître comme l'ombre de l'ancienne royauté, et tous les yeux se fixèrent sur elle, et l'on crut que l'ordre allait renaître, et que le repos de l'avenir était assuré désormais, car elle apportait des paroles de paix et de conciliation. Une éternelle alliance, c'est ainsi qu'on parlait, fut conclue entre le passé et le présent; et des décombres énormes de je ne sais combien de gouvernements écroulés, s'éleva un édifice nouveau, espèce de temple construit à la hâte, dans lequel les partis,

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