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tâche excédât la mesure de ses forces, le fait est qu'il s'est exclusivement renfermé dans la partie technique de son travail; et le style ne rachėte pas toujours, il faut l'avouer, la sécheresse historique des détails. Il y a plus: malgré leur fatigante prolixité, ces Éclaircissements né sont ni complets, ni même toujours exacts', quoique donnés par l'auteur lui-même, que sa mémoire a pú tromper, et laborieusement accrus par les recherches multipliées de l'éditeur.

Il en est de même des Imitations: Brossette est loin d'avoir rassemblé tous les passages des classiques anciens, si souvent, et presque toujours si habilement reproduits par l'écrivain qu'une longue et savante pratique, et sur-tout la conformité du génie, avoient pour ainsi dire identifié avec ses modéles. Animé de l'esprit d'Horace, de Perse, et de Juvénal, il ne cherche ni à les traduire ni à les imiter: il écrit sous leur dictée, et ce sont eux qui se placent sous sa plume. Mais ces sources ne sont pas les seules où il ait puisé; et la lecture réfléchie de ses ouvrages prouve que les orateurs, les philosophes, et les grands historiens de l'antiquité grecque et latine, lui étoient aussi familiers que les poëtes, dont il avoit fait une étude particulière.

«

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« Brossette n'ayant pas vécu familièrement avec Boileau, n'a

‹ pas été instruit de tout ; et son Commentaire, où il y a de bonnes

choses, est fort imparfait. » (L. RACINE, Mém.)

a.

Il ne suffisoit donc pas, comme l'ont fait, à l'exemple de Brossette, tous les commentateurs qui l'ont suivi, de renvoyer simplement au bas des pages les textes qui avoient, ou paroissoient avoir fourni au poëte une pensée, une image, une expression heureuse : il falloit d'abord rendre ces textes intelligibles pour ceux des lecteurs de Boileau qui peuvent n'être que médiocrement versés dans la connoissance des langues anciennes. Ce n'est point assez de leur annoncer, par exemple, qu'avant Boileau,

Juvénal avoit dit en latin

Qu'on est assis à l'aise aux sermons de, Cotin.

Il faut leur apprendre comment Juvénal l'avoit dit; il faut leur faire connoître ces Pelletiers romains, aux dépens desquels se jouoit Horace; et, pour cela, il faut analyser, discuter les textes, en présence de l'imitation; mettre aux prises les poëtes et les idiomes, et proclamer le vainqueur à l'issue de la lutte. Heureux imitateur des anciens, et devenu classique à son tour, Boileau a mérité l'honneur de servir de modéle, non seulement aux François, qui ne l'ont peut-être point encore assez étudié; mais il a donné le ton et presque la loi aux littératures étrangères : c'est à lui que le plus pur, le plus harmonieux versificateur de l'Angleterre, le célébre Pope, fut redevable de cette sagesse de composition et de style qui l'a fait surnom

mer le Boileau d'Albion. C'est la pensée généreuse de lutter contre le poëte françois par excellence, qui inspira l'Essai sur la Critique, le joli badinage de la Boucle de cheveux, et l'Essai sur l'Homme; trois chefs-d'œuvre, en leur genre, que l'Angleterre oppose, avec un orgueil motivé jusqu'à un certain point, à l'Art poétique, au Lutrin, et aux belles Épitres de Boileau. Il suffit de lire Pope avec quelque attention, pour se convaincre de la sincérité de son admiration pour Despréaux; il l'imite souvent, et lui prend quelquefois des vers tout faits. Ce genre d'hommage n'étoit point à dédaigner pour l'honneur de notre littérature, et sur-tout pour le grand poëte qui en fut l'objet1. Nous aurons occasion de parler ailleurs de la traduction en vers anglois de l'Art poétique, que le grand Dryden ne dédaigna ni de revoir ni d'admettre dans le recueil de ses œu

vres.

Nous avons également réuni toutes les variantes que présentent les différentes éditions d'un auteur si souvent réimprimé; et nous n'avons point négligé de faire remarquer, en les comparant entre elles et avec · le texte définitivement adopté, l'attention sévère qui

Voyez, dans les Dialogues des Morts, traduits de l'anglois de LYTTLETON (I vol. in-8°, Amsterdam, 1764), celui où Pope avoue à Boileau les nombreuses obligations dont il lui est redevable. Hommage d'autant plus flatteur, d'autant plus désintéressé, qu'il est rendu par un poëte distingué lui-même, et par un disciple et un admirateur de Pope.

ramenoit sans cesse Boileau à la correction de ses onvrages : il étoit bien l'homme dont il avoit dit, dans sa seconde satire:

Il plait à tout le monde, et ne sauroit se plaire.

Et tout le monde a confirmé le premier hémistiche, parceque le poëte s'est montré fidele à la loi que lui imposoit le dernier.

Ainsi, nous avons tâché qu'il résultât de l'instruction ou de l'agrément de chacune des parties dont se devoit composer un commentaire sur les œuvres de Boileau; et que le titre de nouveau, sous lequel s'annonce notre travail, ne fût point une de ces promesses fastueusement trompeuses, qui ont à juste titre décrédité d'avance la foi des Prospectus. Le nôtre se réduit à des termes bien simples: Nous avons fait autrement que nos prédécesseurs; avons-nous fait mieux ? voilà toute la question : c'est au public de la résoudre. C'est aux appréciateurs éclairés de ces sortes de travaux qu'il appartient de prononcer entre nous et Brossette, augmenté par Dumonteil, beaucoup trop abrégé par Souchay, et enfin écrasé sous le vain fatras dont l'a surchargé Saint-Marc. Si du moins ce dernier éditeur s'étoit borné à corriger Brossette, dont il trouve avec raison le style lourd et diffus; s'il s'étoit contenté de rectifier les faits quand il les juge altérés, et d'éclaircir par des remarques nouvelles ce qu'il

ne croit pas suffisamment expliqué par les notes de son devancier, on pourroit lui savoir quelque gré d'un travail qui n'eût été ni sans honneur pour lui, ni sans utilité pour le lecteur. Mais qui ne riroit de le voir s'ériger en censeur de Boileau lui-même, renouveler, à son égard, les critiques des Pradons et des Desmarets, qui pouvoient du moins trouver leur excuse dans leur motif; de l'entendre s'excuser en quelque sorte auprès du lecteur, après avoir employé deux cents mortelles pages à l'examen philologique des satires seulement et des épîtres, de n'avoir mis dans ce volume qu'une partie des remarques dont ces ouvrages auroient été susceptibles? Mais heureusement pour Boileau et pour nous, qu'arrivé à la douzième épître, l'infatigable Saint-Marc commence à se douter qu'il pourroit bien fatiguer le lecteur. Cette considération le détermine à supprimer tout ce qui lui restoit à dire ; passe à l'examen du récit de Théramène, qui n'occupe guère moins d'une centaine de pages, où Racine est traité à peu près comme Boileau, dans les Essais philologiques'. Les Réflexions critiques sur quelques passages de Longin ont, comme l'on sait, pour objet de réfuter les doctrines hétérodoxes exposées par Charles Perrault dans son fameux Parallèle des an

et il passe

'Tout ce fatras a disparu dans l'édition de Hollande, 1772, d'ailleurs encombrée d'assez d'autres inutilités.

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