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même cas une femme entre deux hommes, (& furement l'exemple ne fera pas plus rare,) vous ferez émerveillé de l'adreffe avec laquelle elle donne le change à tous deux, & fera que chacun fe rira de l'autre. Or, fi cette femme leur témoignoit la même confiance & prenoit avec eux la même familiarité, comment feroient-ils un inftant fes dupes? En les traitant également ne montreroit-elle pas qu'ils ont le même droit fur elle? Oh! qu'elle s'y prend bien mieux que cela ! loin de les traiter de la même manière, elle affecte de mettre entr'eux de l'inégalité; elle fait fi bien que celui qu'elle flatte, croit que c'eft par tendreffe, & que celui qu'elle maltraite croit que c'eft par dépit. Ainfi chacun content de fon partage, la voit toujours s'occuper de lui, tandis qu'elle ne s'occupe en effet que d'elle feule.

Une certaine Coquetterie maligne

& railleuse déforiente encore plus les foupirans que le filence ou le mépris. Quel plaifir de voir un beau Céladon tout déconcerté, fe confondre, fe troubler, fe perdre à chaque repartie; de s'environner contre lui de traits moins brulans, mais plus aigus que ceux de l'amour; de le cribler de pointes de glace, qui piquent à l'aide du froid!

COUPS DU SORT.

TOUT ce qu'ont fait les hommes les hommes peuvent le détruire : il n'y a de caractères ineffaçables que ceux qu'imprime la Nature, & la Nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands feigneurs. Que fera donc dans la baffeffe, ce fatrape que vous n'avez élevé que pour la grandeur? Que fera dans la pauvreté ce Publicain qui ne fçait vivre que

d'or? Que fera, dépourvu de tout, ce faftueux imbécile qui ne fçait point user de lui-même, & ne met fon être que dans ce qui eft étranger à lui? Heureux celui qui fait quitter alors l'état qui le quitte, & refter homme en dépit du fort! qu'on loue tant qu'on voudra ce Roi vaincu, quiveut s'enterrer en furieux fous les débris de fon trône; moi je le mépri fe; je vois qu'il n'exifte que par fa couronne, & qu'il n'eft rien du tout, s'il n'eft roi mais celui qui la perd & s'en paffe, eft alors au-deffus d'elle. Durang de Roi, qu'un lâche, un méchant, un fou péut remplir comme un autre, il monte à l'état d'homme que fi peu d'hommes fçavent remplir. Alors il triomphe de la fortune, il la brave, il ne doit rien qu'à lui feul; & quand il ne lui refte à montrer que lãi, il n'eft point nul; il eft quelque chofe. Oui, j'aime mieux cent fois le Roi de Syracuse, maître d'Ecole

:

à Corinthé, & le Roi de Macédoine, Greffier à Rome, qu'un malheureux Tarquin, ne fçachant que devenir, s'il ne régne pas; que l'héritier & le fils d'un Roi des Rois*, jouet de quiconque ofe infulter à fa mifere, errant de Cour en Cour, cherchant par-tout des fecours, & trouvant par-tout des affrons, faute de fçavoir faire autre chofe qu'un métier qui n'est plus en fon pouvoir.

Pour vous foumettre la fortune & les chofes, commencez par vous en rendre indépendant. Pour régner par l'opinion, commencez par régner fur elle.

* Vonone, fils de Phraates, Roi des Parthes.

INSTITUTIONS SOCIALES.

L'HOMME naturel est tout pour lui: il est l'unité numérique, l'entier abfolu, qui n'a de rapport qu'à lui-même ou à fon femblable. L'homme civil n'est qu'une unité fractionnaire qui tient au dénominateur, & dont la valeur eft dans fon rapport avec l'entier, qui eft le corps focial. Les bonnes Inftitutions fociales font celles qui fçavent le mieux dénaturer l'homme, lui ôter fon existence abfolue pour lui en donner une rélative, & tranfporter le moi dans l'unité cómmune; enforte que chaque particulier ne fe croye plus un, mais partie de l'unité, & ne foit plus fenfible que dans le tout. Un Citoyen de Rome n'étoit ni Caïus ni Lucius, c'étoit un Romain: même il aimoit la Patrie exclufivement

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