Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

à lui. Regulus fe prétendoit Carthaginois, comme étant devenu le bien de fes Maîtres. En fa qualité d'étranger, il refufoit de fiéger au Senat de Rome; il fallut qu'un Carthaginois le lui ordonnât. Il s'indignoit qu'on voulût lui fauver la vie. Il vainquit & s'en retourna triomphant mourir dans les fupplices. Cela n'a pas grand rapport, ce me femble, aux hommes que nous connoiffons.

Le Lacédémonien Pedarete fe préfente pour être admis au Confeil des trois cens ; il eft rejetté. Il s'en retourne joyeux de ce qu'il s'eft trouvé dans Sparte trois cens hommes valant mieux que lui. Je fuppofe cette démonftration fincère, & il y a lieu de croire qu'elle l'étoit : voilà le Citoyen.

Une femme de Sparte avoit cinq fils à l'armée, & attendoit des nouvelles de la bataille. Un Ilote arrive; elle lui en demande en tremblant. Vos cinq fils

ont été tués. Vil efclave t'ai-je demandé cela? Nous avons gagné la victoire. La mere court au Temple & rend grace aux Dieux. Voilà la Citoyenne.

PEUPLE.

ILD'y a qu'un pas du fçavoir à l'ignorance; & l'alternative de l'ún à l'autre eft fréquente chez les Nations: mais on n'a jamais vu de Peuple une fois corrompu, revenir à la vertu.

Tout Peuple qui a des mœurs, & qui parconféquent refpecte les loix, & ne veut point rafiner fur les anciens ufages, doit fe garantir avec foin des fciences, & fur-tout des fçavans, dont les maximes fententieufes & dogmatiques lui apprendroient bientôt à mépriser ses ufages & fes loix ; ce qu'une Nation ne peut jamais faire fans fe corrompre.

[ocr errors]

Le moindre changement dans les coutumes, fut-il même avantageux à certains égards, tourne toujours au préjudice des mœurs car les coutumes font la morale du Peuple ; & dès qu'il ceffe de les respecter, il n'a plus de régle que fes paffions, ni de frein que les loix, qui peuvent quelquefois contenir les méchants, mais jamais les rendre bons.

Généralement on apperçoit plus de vigueur d'ame dans les hommes, dont les jeunes ans ont été préfervés d'une corruption prématurée, que dans ceux dont le défordre a commencé avec le pouvoir de s'y livrer; & c'eft fans doute une des raifons pourquoi les Peuples qui ont des mœurs furpaffent ordinairement en bon fens & en courage les Peuples qui n'en ont pas. Ceux-ci brillent uniquement par je ne fçais quelle petites qualités déliées, qu'ils appellent efprit, fagacité, fineffe ; mais ces gran

des

des & nobles fonctions de fageffe & de raison qui diftinguent & honorent l'hom-me par de belles actions, par des vertus, par des foins véritablement utiles, ne fe trouvent guères que dans les pre

miers.

C'est le feul moyen de connoître les véritables mœurs d'un Peuple que d'étudier fa vie privée dans les états les plus nombreux; car s'arrêter aux gens qui repréfentent toujours, c'eft ne voir que des comédiens.

Toutes les Capitales fe reffemblent; tous les Peuples s'y mêlent, toutes les mœurs s'y confondent; ce n'eft pas là qu'il faut aller étudier les Nations. Paris: & Londres ne font à mes yeux que la même Ville. Leurs habitans ont quelques préjugés différens, mais ils n'en ont pas moins les uns que les autres, & toutes leurs maximes pratiques font les mêmes. On fçait quelles efpèces d'hom

K

mes doivent fe raffembler dans les Cours. On fçait quelles mœurs l'entaffement du Peuple & l'inégalité des fortunes doivent par-tout produire. Si-tôt qu'on me parle d'une Ville compofée de deux cens mille ames, je fçais d'avance comment on y vit. Ce que je fçaurois de plus fur les lieux, ne vaut pas la peine d'aller l'apprendre. C'eft dans les Provinces reculées, où il y a moins de mouvemens, de commerce, où les étrangers voyagent moins, dont les habitans fe déplacent moins, changent moins de fortune & d'état, qu'il faut aller étudier le Génie & les mœurs d'une Nation. Voyez en passant la Capitale, mais allez obférver au loin le pays. Les François ne font pas à Paris, ils font en Touraine; les Anglois font plus Anglois en Mercie, qu'à Londres, & les Espagnoles plus Efpagnols en Galice qu'à Madrid. C'eft à ces gran

[ocr errors]
« ZurückWeiter »