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ROI, ROYAUM E..

ARCHIMEDE RCHIMEDE affis tranquillement fur le rivage & tirant fans peine à flot un grand vaiffeau, nous représente un Monarque habile gouvernant de fon cabinet fes Vaftes Etats, & faisant tout mouvoir en paroiffant immobile. Les plus grands Rois qu'ait célébré l'hiftoire, n'ont point été élevés pour régner; c'est une science qu'on ne pofféde jamais moins qu'après l'avoir trop apprife, & qu'on acquiert mieux en obéiffant qu'en commandant.

Pour qu'un Etat Monarchique pût être bien gouverné, il faudroit que fa grandeur ou fon étendue fût mefurée aux facultés de celui qui gouverne. Il eft plus aifé de conquérir que de régir. Avec un levier fuffifant, d'un doigt on

peut

peut ébranler le monde, mais pour le foutenir il faut les épaules d'Hercule,

Le feul éloge digne d'un Roi, eft celui qui fe fait entendre, non par la bouche mercenaire d'un Orateur, mais par la voix d'un Peuple libre.

Que les Rois ne dédaignent point d'admettre dans leurs Confeils les gens les plus capables de les bien confeiller; qu'ils renoncent à ce vieux préjugé inventé par l'orgueil des Grands, que l'art de conduire les Peuples eft plus difficile que celui de les éclairer ; comme s'il étoit plus aifé d'engager les hommes à bien faire de leur bon gré, que de les y contraindre par la force. Que les fçavans du premier ordre trouvent dans leurs Cours d'honorables afyles; qu'ils y obtiennent la feule récompenfe digne d'eux, celle de contribuer par leur crédit au bonheur des Peuples à qui ils auront enfeigné la fageffe; c'eft alors L

la

feulement qu'on verra ce que peuvent vertu, la science & l'autorité animées d'une noble émulation, & travaillant de eoncert à la félicité du genre humain. Mais tant que la Puiffance fera feule d'un côté, les lumières & la fageffe feules d'un autre, les fçavans penseront rarement de grandes chofes, les Princes en feront plus rarement de belles, & les Peuples continueront d'être vils, corrompus & malheureux.

LEGISLATEUR.

CELUI qui ofe entreprendre d'insti

tuer un Peuple doit fe fentir en état de changer, pour ainfi dire, la Nature humaine; de transformer chaque individu, qui par lui-même eft un tout parfait & folitaire, en partie d'un plus grand tout dont cet individu reçoive

en quelque forte sa vie & fon être ; d'altérer la conftitution de l'homme pour la renforcer; de fubftituer une existence partielle & morale à l'exiftence phyfique & indépendante que nous avons tous reçue de la Nature. Il faut, en un mot, qu'il ôte à l'homme fes forces propres pour lui en donner qui lui foient étrangères, & dont il ne puiffe faire usage fans le fecours d'autrui. Plus ces forces naturelles font mortes & anéanties, plus les acquifes font grandes & durables, plus auffi l'institution eft folide & parfaite: enforte que fi chaque Citoyen n'eft rien, ne peut rien, que par tous les autres, & que la force acquife par tout foit égale ou fupérieure à la fomme des forces naturelles de tous les individus, on peut dire que la Législation eft au plus haut point de perfection qu'elle puiffe atteindre.

S'il eft vrai qu'un grand Prince eft un

homme rare, que fera-ce d'un grand Législateur? Le premier n'a qu'à fuivre le modèle que l'autre doit propofer. Celui-ci eft le méchanicien qui invente la machine, celui-là n'est que l'ouvrier qui la monte & la fait marcher.

Un Peuple ne devient célèbre que quand fa Législation commence à décliner. On ignore durant combien de fiècles l'inftitution de Lycurgue fit le bonheur des Spartiates avant qu'il fût question d'eux dans le refte de la Gréce.

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