Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

LOI.

C'EST à la Loi feule que les hommes doivent la juftice & la liberté. C'eft cet organe falutaire de la volonté de tous, qui rétablit dans le droit l'égalité naturelle entre les hommes. C'est cette voix céleste qui dicte à chaque Citoyen les préceptes de la raison publique, & lui apprend à agir felon les maximes de fon propre jugement, & à n'être pas en contradiction avec lui-même. C'est elle feule auffi que les chefs doivent faire parler quand ils commandent ; car fitôt qu'indépendamment des Loix, un homme en prétend foumettre un autre à fa volonté privée, il fort à l'inftant de l'état civil, & fe met vis-à vis de lui dans le pur état de nature où l'obéiffance n'est jamais prefcrite que par la néceffité.

La Loi dont on abuse sert à la fois au

puiffant d'arme offenfive & de bouclier contre le foible; & le prétexte du bien public eft toujours le plus dangereux fléau du Peuple. Ce qu'il y a de plus néceffaire, & peut-être de plus difficile dans le gouvernement, c'eft une intégrité févère à rendre juftice à tous, & fur-tout à protéger le pauvre contre la tyrannie du riche. Le plus grand mal eft déjà fait, quand on a des pauvres à défendre & des riches à contenir. C'eft fur la médiocrité feule que s'exerce toute la force des Loix; elles font également impuiffantes contre les tréfors du riche & contre la mifere du pauvre; le premier les élude, le fecond leur échappe; l'un brife la toile, & l'autre paffe au

travers.

[ocr errors]

LIBERTÉ.

IL en eft de la Liberté comme de l'innocence & de la vertu, dont on ne fent le prix qu'autant qu'on en jouit foi-même & dont le goût fe perd fi-tôt qu'on les a perdues. Je connois les délices de ton pays, difoit Brafidas à un Satrape, qui comparoit la vie de Sparte à celle de Perfepolis; mais tu ne peux connoître les plaisirs du mien.

Les efclaves perdent tout dans leurs fers jufqu'au défir d'en fortir: ils aiment leur fervitude comme les compagnons d'Uliffe aimoit leur abrutiffe

ment.

Il eft incontestable, & c'eft la maxime fondamentale de tout le droit politique que les peuples fe font donné des chefs pour défendre leur liberté, & non pour les affervir, Si nous avons un Prin

ce, difoit Pline à Trajan, c'eft afin qu'il nous préserve d'avoir un maître. Il n'y a que la force de l'état qui faffe

la liberté de fes membres.

L

DÉPENDANCE.

Il y a deux fortes de dépendances. Celle des chofes, qui eft de la nature; celle des hommes, qui eft de la fociété. La dépendance des chofes n'ayant aucune moralité, ne nuit point à la liberté, & n'engendre point de vices: la dépendance des hommes étant défordonnée

que

les engendre tous, & c'eft par elle le maître & l'efclave fe dépravent mutuellement. S'il y a quelque moyen de remédier à ce mal dans la fociété, c'eft de fubftituer la loi à l'homme, & d'armer les volontés générales d'une force réelle fupérieure à l'action de toute

volonté particuliere. i les loix des Nations pouvoient avoir comme celles de la Nature une inflexibilité que jamais aucune force humaine ne pût vaincre, la dépendance des hommes redeviendroit alors celle des choses; on réuniroit dans la République tous les avantages de l'Etat naturel à ceux de l'Etat civil; on joindroit à la liberté qui maintient l'homme exempt de vices, la moralité qui l'éleve à la vertu.

« ZurückWeiter »