Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

E

LUXE.

Le luxe corrompt tout, & le riche qui en jouit, & le miférable qui le convoite.

Ce n'eft pas la force de l'or qui affervit les pauvres aux riches, mais c'est qu'ils veulent s'enchérir à leur tour, fans cela ils feroient néceffairement les maîtres.

La vanité & l'oifiveté, qui ont engendré nos fciences, ont auffi engendré le luxe. Le goût du luxe accompagne toujours celui des lettres; & le goût des lettres accompagne fouvent celui du luxe (1).

(1) A mesure que le luxe corrompt les mœurs, dit un Auteur moderne, les fciences les adoueiffent femblables aux prieres dans Homere,

:

Le luxe peut être néceffaire pour donner du pain aux pauvres; mais s'il n'y avoit point de luxe, il n'y auroit point de pauvres.

Le luxe nourrit cent pauvres dans nos villes, & en fait périr cent mille dans nos campagnes. L'argent qui circale entre les mains des riches & des artiftes pour fournir à leur fuperfluité, eft perdu pour la fubfiftance du laboureur; & celui-ci n'a point d'habit, précifément parce qu'il faut du galon aux autres. Le gafpillage des matieres qui fervent à la nourriture des hommes, fuffit feul pour rendre le luxe odieux à l'humanité. Il faut du jus dans nos cuifines; voilà pourquoi tant de malades

qui parcourent toujours la terre à la fuite de l'injuftice, pour adoucir les fureurs de cette eruelle divinité.

manquent de bouillon. Il faut des liqueurs fur nos tables; voilà pourquoi le payfan ne boit que de l'eau. Il faut de la poudre à nos perruques ; voilà pourquoi tant de pauvres n'ont pas de pain.

A ne confulter que l'impreffion la plus naturelle, il fembleroit que pour dédaigner l'éclat & le luxe on a moins befoin de modération que de goût. La fimétrie & la régularité plaifent à tous les yeux. L'image du bien être & de la félicité touche le cœur humain qui en eft avide mais un vain appareil qui ne fe rapporte ni à l'ordre ni au bonheur, & n'a pour objet que de frapper les yeux, quelle idée favorable à celui qui l'étale peut-il exciter dans l'efprit du fpectateur? L'idée du goût? Le goût ne paroît-il pas cent fois mieux dans les chofes fimples que dans celles qui font offufquées de richeffe? L'idée de

la commodité? Y a-t-il rien de plus incommode que le fafte? L'idée de la grandeur? C'eft précifément le contraire. Quand je vois qu'on a voulu faire un grand palais, je me demande auffi-tôt pourquoi ce palais n'eft pas plus grand? Pourquoi celui qui a cinquante domeftiques n'en a-t-il pas cent? Cette belle vaiffelle d'argent, pourquoi n'eft-elle pas d'or? Cet homme qui dore fon carroffe, pourquoi ne dore-t-il pas fes lambris? Si fes lambris font dorés, pourquoi fon toît ne l'eft-il pas ? Celui qui voulut bâtir une haute tour faifoit bien de la vouloir porter jufqu'au Ciel; autrement il eût eu beau l'élever, le point où il fe fût arrêté n'eût fervi qu'à donner de plus loin la preuve de fon impuiffance. O homme petit & vain, montre-moi ton pouvoir, je te montrerai ta mifere!

RICHES, RICHESSE.

Tous les Riches comptent l'or avant

le mérite. Dans la mife commune de l'argent & des fervices, ils trouvent toujours que ceux-ci n'acquittent jamais l'autre, & penfent qu'on leur en doit de refte quand on a paffé fa vie à les fervir en mangeant leur pain.

Les pauvres gémiffent fous le joug des riches, & les riches fous le joug des préjugés.

Richeffe ne fait point riche, dit le Roman de la Rofe. Les biens d'un homme ne font point dans fes coffres, mais dans l'ufage de ce qu'il en tire; car on ne s'approprie les chofes qu'on pofféde que par leur emploi, & les abus font toujours plus inépuifables que les richeffes; ce qui fait qu'on ne jouit pas

« ZurückWeiter »