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ont une fois goûté de ce métier oifeux prennent tellement le travail en averfion qu'ils aiment mieux voler & fe faire pendre, que de reprendre l'ufage de leurs bras. Un liard eft bien-tôt demandé & refufé; mais vingt liards auroient payé le fouper d'un pauvre, que vingt refus peuvent impatienter. Qui eft-ce qui voudroit jamais refuser une fi légere aumône s'il fongeoit qu'elle pût fauver deux hommes, l'un d'un crime & l'autre de la mort? J'ai lû quelque part que les mendians font une vermine qui s'attache aux riches. Il eft naturel que les enfans s'attachent aux peres; mais ces peres opulens & durs les méconnoiffent & laiffent aux pauvres le foin de les nourrir.

SUICIDE.

Tu veu U veux ceffer de vivre; mais je voudrois bien fçavoir fi tu as commencé. Quoi! fus-tu placé fur la terre pour n'y rien faire? Le Ciel ne t'impofe-t-il point avec la vie une tâche pour la remplir? Si tu as fait ta journée avant le foir, repofe-toi le refte du jour, tu le peux; mais voyons ton ouvrage. Quelle réponse tiens-tu prête au Juge fuprême qui demandera compte de ton tems? Malheureux ! trouve-moi ce juste qui fe vante d'avoir affez vécu; que j'apprenne de lui comment il faut avoir porté la vie pour être en droit de la quitter.

Tu comptes les maux de l'humanité, & tu dis la vie eft un mal. Mais regarde, cherche dans l'ordre des choses.

fi tu y trouves quelques biens qui ne foient point mêlés de maux. Eft-ce donc à dire qu'il n'y ait aucun bien dans l'univers, & peux-tu confondre ce qui est mal par fa nature avec ce qui ne fouffre le mal que par accident? La vie paffive de l'homme n'eft rien, & ne regarde qu'un corps dont il fera bientôt délivré; mais fa vie active & morale qui doit influer fur tout fon être, confifte dans l'exercice de fa volonté. La vie eft un mal pour le méchant qui profpere, & un bien pour l'honnête homme infortuné: car ce n'eft pas une modification paffagere, mais fon rapport avec fon objet qui la rend bonne ou mauvaise.

Tu t'ennuis de vivre, & tu dis, la vie eft un mal. Tôt ou tard tu feras confolé, & tu diras, la vie eft un bien. Tu diras plus vrai, fans mieux raisonner car rien n'aura changé que toi,

Change donc dès aujourd'hui, & puifque c'eft dans la mauvaise difpofition de ton ame qu'eft tout le mal, corrige tes affections déréglées, & ne brûle pas sa maison pour n'avoir pas la peine de la ranger.

Que font dix, vingt, trente ans pour un Être immortel? La peine & le plaisir paffent comme une ombre; la vie s'écoule en un inftant; elle n'eft rien par elle-même, fon prix dépend de fon emploi. Le bien feul qu'on a fait demeure, & c'est par lui qu'elle eft quelque chofe. Ne dis donc plus que c'eft un mal pour toi de vivre, puifqu'ik dépend de toi feul que ce foit un bien, & que fi c'est un mal d'avoir vécu, c'eft une raison de plus pour vivre encore. Ne dis pas non plus, qu'il s'eft permis de mourir; car autant vaudroit dire qu'il t'eft permis de n'être pas homme, qu'il t'eft permis de te révolter contre

l'Auteur de ton être, & de tromper ta deftination.

Le Suicide eft une mort furtive & honteuse. C'eft un vol fait au genre humain. Avant de le quitter, rendslui ce qu'il a fait pour toi. Mais je ne tiens à rien. Je fuis inutile au monde. Philofophe d'un jour! ignores-tu que tu ne fçaurois faire un pas fur la terre fans trouver quelque devoir à remplir, & que tout homme eft utile à l'humanité, par cela feul qu'il exifte?

Jeune infenfé! s'il te refte au fond du cœur le moindre fentiment de vertu, viens, que je t'apprenne à aimer la vie. Chaque fois que tu feras tenté d'en fortir, dis en toi-même que je falle encore une bonne action avant que de mourir puis va chercher quelque indigent à fecourir, quelque infortuné à confoler, quelque opprimé à défendre. Si cette confidération te retient aujourd'hui

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