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le fimulacre public, qui eft toujours une belle chofe. Elles introduisent à fa place la politeffe & les bienféances ; à la crainte de paroître méchant, elles fubftituent celle de paroître ridicule.

TALENT.

LA Nature femble avoir partagé des Talens divers aux hommes pour leur donner à chacun leur emploi, fans égard à la condition dans laquelle ils font nés.

Il y a deux chofes à confidérer avant le Talent; fçavoir, les mœurs & la félicité. L'homme eft un être trop noble pour devoir fervir fimplement d'inftru ment à d'autres ; & l'on ne doit point l'employer à ce qui leur convient fans confulter auffi ce qui lui convient à luimême; car les hommes ne font pas faits pour les pláces, mais les places

font faites pour eux; & pour diftribuer convenablement les chofes, il ne faut pas tant chercher dans leur partage l'emploi auquel chaque homme eft le plus propre, que celui qui eft le plus propre à chaque homme, pour le rendre bon & heureux autant qu'il eft poffible. Il n'eft jamais permis de détériorer une ame humaine pour l'avantage des autres, ni de faire un fcélérat le fervice des honnêtes gens.

pour

"Pour fuivre fon Talent il faut le connoître. Eft-ce une chofe aifée de difcerner toujours les Talens des hommes & à l'âge où l'on prend un parti fi l'on a tant de peine à bien connoître ceux des enfans qu'on a le mieux obfervés comment celui dont l'éducation aura été négligée, fçaura-t-il de lui-même diftinguer les fiens? Rien n'eft plus équi voque que les fignes d'inclination qu'on donne dès l'enfance; l'efprit imitateur

y a fouvent plus de part que le Talent; ils dépendent plutôt d'une rencontre fortuite que d'un penchant décidé, & le penchant même n'annonce pas tou jours la difpofition.

Le vrai Talent, le vrai génie a une certaine fimplicité qui le rend moins inquiet, moins remuant, moins prompt à fe montrer qu'un apparent & faux Talent qu'on prend pour véritable, & qui n'est qu'une vaine ardeur de briller, fans moyens pour y réuffir. Tel entend un tambour & veut être un général; un autre voit bâtir & fe croit Architecte.

On n'a des Talens que pour s'élever, perfonne n'en a pour defcendre; eft-ce bien-là l'ordre de la Nature?

Quand chacun connoîtroit fon Talent, & voudroit le fuivre, combien le pourroient? Combien furmonteroient d'injuftes obftacles? Combien vain

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croient d'indignes concurrens ? Celui qui fent fa foibleffe appelle à fon fecours le manége & la brigue, que l'autre plus fûr de lui dédaigne.

Tant d'établiffemens en faveur des arts ne font que leur nuire. En multipliant indiscrettement les fujets, on les confond; le vrai mérite refte étouffé dans la foule, & les honneurs dûs au plus habile font tous pour le plus intriguant,

S'il exiftoit une fociété où les emplois & les rangs fuffent exactement mefurés fur les Talens & le mérite perfonnel, chacun pourroit afpirer à la place qu'il fçauroit le mieux remplir; mais il faut fe conduire par des régles plus fûres & renoncer au prix des Talens, quand le plus vil de tous eft le feul qui méne à la fortune.

Il eft difficile de croire que tous les Talens divers doivent être développés;

car il faudroit pour cela que le nombre de ceux qui les poffédent fût exactement proportionné aux befoins de la fociété ; & fi l'on ne laiffoit au travail de la terre que ceux qui ont éminemment le Talent de l'Agriculture, ou qu'on enlevât à ce travail tous ceux qui font plus propres à un autre, il ne refteroit pas affez de laboureurs pour la cultiver & nous faire vivre.

Les Talens des hommes font comme les vertus des drogues que la nature nous donne pour guérir nos maux, quoique fon intention foit que nous n'en ayons pas befoin. Il y a des plantes qui nous empoisonnent, des animaux qui nous dévorent, des Talens qui nous font pernicieux. S'il falloit toujours employer chaque chofe felon fes principales propriétés, peut-être feroit-on moins de bien que de mal aux hommes. Les peuples bons & fimples n'ont pas befoin

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