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ment confervés, & à fon exemple quelques Républiques, entre autre celle de Venife. Auffi le gouvernement Venitien, malgré la chûte de l'Etat, jouitil encore fous l'appareil de fon antique majefté, de toute l'affection, de toute l'adoration du peuple ; & après le Pape orné de fa tiare, il n'y a peut-être ni. roi, ni potentat, ni homme au monde auffi refpecté que le doge de Venise, fans pouvoir, fans autorité, mais rendu facrépar fa pompe, & paré fous fa corne ducale, d'une coëffure de femme. Cette cérémonie du Bucentaure, qui fait tant rire les fots, feroit verfer à la populace de Venise tout fon fang pour le maintien de fon tyranique gouvernement.

Ce que les anciens ont fait avec l'éloquence eft prodigieux, mais cette éloquence ne confiftoit pas feulement en beaux difcours bien arrangés, & jamais elle n'eût plus d'effet que quand l'ora

teur parloit le moins. Ce qu'on difoit le plus vivement ne s'exprimoit pas par des mots, mais par des Signes; on ne le difoit pas, on le montroit, L'objet qu'on expofe aux yeux ébranle l'imagination, excite la curiofité, tient l'ef prit dans l'attente de ce qu'on va dire & fouvent cet objet feul a tout dit, Trafibule & Tarquin coupant des têtes de pavots, Alexandre appliquant fon fceau fur la bouche de fon favori, Diogêne marchant devant Zénon, ne parloient pas mieux que s'ils avoient fait de longs difcours. Quel circuit de paroles eût auffi bien rendu les mêmes. idées? Darius engagé dans la Scythie avec fon armée, reçoit de la part du Roi des Scythes un oifeau, une grenouille, une fouris & cinq fléches. L'Ambaffadeur remet fon préfent, & s'en retourne fans rien dire. De nos jours cet homme eût paffé pour fou. Cette

terrible harangue fut entendue, & Darius n'eût plus grande hâte que de regagner fon pays comme il put. Subfti. tuez une lettre à ces Signes; plus elle fera menaçante & moins elle effrayera: ce ne fera qu'une fanfaronade dont Darius n'eut fait que rire.

Que d'attentions chez les Romains à la langue des Signes ! des vêtemens divers felon les âges, felon les conditions ; des toges, des fayes, des prétextes, des bulles, des laticlaves, des chaînes, des lic teurs, des faifeeaux des haches., des couronnes d'or, d'herbes, de feuilles, des ovations, des triomphes, tout chez eux étoit appareil, représentation, cérémonie & tout faifoit impreffion fur les cœurs des citoyens. Il importoit à l'Etat que le peuple s'affemblât en tel lieu plutôt qu'en tel autre ; qu'il vît ou ne vit pas le Capitole ; qu'il fût ou ne fut pas tourné du côté du Sénat;

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qu'il délibérat tel ou tel jour par préférence. Les accufés changeoient d'habit, les candidats en changeoient; les guerriers ne vantoient pas leurs exploits, ils montroient leurs bleffures. A la mort de Céfar, j'imagine un de nos orateurs voulant émouvoir le peuple, épuifer tous les lieux communs de l'art, pour faire une pathétique defcription de fes plaies, de fon fang, de fon cadavre Antoine, quoiqu'éloquent, ne dit point tout cela; il fait apporter le corps. Quelle rhétorique !

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LA

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I DÉ E S.

A maniere de former les Idées eft ce qui donne un caractere à l'esprit humain. L'efprit qui ne forme fes idées que fur des rapports réels, eft un efprit folide; celui qui fe contente de rapports apparens, eft un efprit fuperficiel celui qui voit les rapports tels qu'ils font, eft un esprit juste ; celui qui les apprécie mal, eft un esprit faux: celui qui controuve des rapports ima ginaires qui n'ont ni réalité, ni apparence, eft un fou ; celui qui ne compare point est un imbécile. L'aptitude plus ou moins grande à comparer des idées & à trouver des rapports, eft ce

qui fait dans les hommes le plus ou le moins d'efprit.

Les idées fimples ne font que des

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