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deftes, où les hommes étoient fimples & vivoient contens! O Rachel ! fille charmante & fi conftamment aimée, heureux celui qui pour t'obtenir ne regretta pas quatorze ans d'efclavage! O. douce éleve de Noëmi, heureux le bon vieillard dont tu réchauffois les pieds & le cœur ! Non, jamais la beauté ne régne avec plus d'empire qu'au milieu des foins champêtres. C'eft-là que les graces font fur leur trône, que fimplicité les pare, que la gaîté les anime, & qu'il faut les adorer malgré foi.

la

C'est une impreffion générale qu'éprouvent tous les hommes, quoiqu'ils ne l'obfervent pas tous, que fur les hautes montagnes où l'air eft pur & fubtil, on fe fent plus de facilité dans la refpiration, plus de légereté dans le corps, plus de férénité dans l'efprit, les plaifirs y font moins ardens, les

paffions plus modérées. Les méditations y prennent je ne fçais quel caractere grand & fublime, proportionné aux objets qui nous frappent, je nę fçais quelle volupté tranquille qui n'a rien d'âcre & de fenfuel. Il femble qu'en s'élevant au-deffus du féjour des hommes on y laiffe tous les fentimens bas & terreftres, qu'à mefure qu'on approche des régions étherées, l'ame contracte quelque chofe de leur inaltérable pureté. On y eft grave fans mélancolie, paifible fans indolence, content d'être & de penfer tous les défirs trop vifs s'émouffent; ils perdent cette pointe aigue qui les rend douloureux, ils ne laiffent au fond du cœur qu'une émotion légere & douce, & c'eft ainfi qu'un heureux climat fait fervir à la félicité de l'homme les paffions qui font ailleurs fon tourment. Je doute qu'aucune agitation violente, aucune mala

die de vapeurs pût tenir contre un pareil féjour prolongé, & je suis surpris que des bains de l'air salutaire & bienfaifant des montagnes ne foient pas un des grands remédes de la Médecine & de la Morale.

TABLEAU DU LEVER DU SOLEIL.

TRANSPORTO

RANSPORTONS-NOUS fur un lien élevé avant que le Soleil fe leve. On le voit s'annoncer de loin par les traits de feu qu'il lance au-devant de lui. L'incendie augmente, l'Orient paroît tout en flammes : à leur éclat on attend l'Aftre long-tems avant qu'il fe montre: à chaque inftant on croit le voir paroître, on le voit enfin. Un point brillant part comme un éclair & remplit auffi-tôt tout l'espace le voile des ténébres

nébres s'efface & tombe: l'homme reconnoît fon féjour & le trouve embelli. La verdure a pris durant la nuit une vigueur nouvelle; le jour naiffant qui l'éclaire, les premiers rayons qui la dorent, la montrent couverte d'un brillant rézeau de rofée, qui réfléchit à l'œil la lumiere & les couleurs. Les oiseaux en choeur fe réuniffent & faluent de concert le pere de la vie; en ce moment pas un feul ne fe tait. Leur gazouillement foible encore, eft plus lent & plus doux que dans le refte de la journée, il fe fent de la langueur d'un paifible réveil. Le concours de tous ces objets porte aux fens une impreffion de fraîcheur qui femble pénétrer jufqu'à l'ame. Il y a là une demi-heure d'enchantement auquel nul homme ne réfifte: un fpectacle fi grand, fi beau, fi délicieux n'en laiffe aucun de fangfroid.

UN

HISTOIRE.

N des grands vices de l'Hiftoire eft qu'elle peint beaucoup plus les hommes par leurs mauvais côtés que par les bons; comme elle n'eft intéreffante que par les révolutions, les cataftrophes, tant qu'un peuple croît & profpere dans le calme d'un paifible gouvèrnement, elle n'en dit rien; elle ne commence à en parler que quand, ne pouvant plus fe fuffire à lui-même, il prend part aux affaires de ses voifins, ou les laiffe prendre part aux fiennes; elle ne l'illustre que quand il eft déjà fur fon déclin : toutes nos Hiftoires commencent où elles devroient finir. Nous avons fort exactement celle des peuples qui fe détruifent, ce qui nous manque eft celle des peuples qui fe multiplient; ils font affez heureux & affez fages pour

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