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ont civilifé les Hommes, & perdu le genre humain.

Les hommes ne font point faits pour être entaffés en fourmilleres, mais épars fur la terre qu'ils doivent cultiver. Plus ils fe raffemblent, plus ils fe corrompent. Les infirmités du corps, ainfi que les vices de l'ame, font l'infaillible effet de ce concours trop nombreux. L'homme eft de tous les animaux, celui qui peut le moins vivre en troupeaux. Des Hommes entaffés comme des moutons périroient tous en très-peu de tems. L'haleine de l'homme eft mortelle à fes femblables: cela n'eft pas moins vrai aų propre, qu'au figuré.

S'il ne s'agiffoit que de montrer aux jeunes gens l'Homme par fon mafque, on n'auroit pas befoin de le leur montrer, ils le verroient toujours de refte; mais puifque le mafque n'eft pas l'Homme, & qu'il ne faut pas que fon verniş

les féduife, leur peignant les Hommes, peignez-les leur tels qu'ils font, non pas afin qu'ils les haïffent, mais afin qu'ils les plaignent, & ne leur veuillent pas reffembler. C'eft, à mon gré, le fentiment le mieux entendu, que l'Homme puiffe avoir fur fon espéce.

L'Etre fuprême a voulu faire en tout honneur à l'espéce humaine; en donnant à l'Homme des penchans fans mefure, il lui donne en même tems la lai qui les régle, afin qu'il foit libre & fe commande à lui-même; en le livrant à des paffions immodérées, il joint à ces paffions la raifon pour les gouverner : en livrant la femme à des défirs illimités, il joint à ces défirs la pudeur pour les contenir. Pour fureroit, il ajoute encore une récompenfe actuelle au bon ufage de fes facultés, fçavoir le goût qu'on prend aux chofes honnêtes lorf qu'on en fait la régle de ses actions,

Les

Les Hommes difent que la vie eft courte, & je vois qu'ils s'efforcent de la rendre telle. Ne fçachant pas l'employer, ils fe plaignent de la rapidité du tems; & je vois qu'il coule trop lentement à leur gré. Toujours pleins de l'objet auquel ils tendent, ils voyent à regret l'intervalle qui les en fépare; l'un voudroit être à demain, l'autre au mois prochain; l'autre à dix ans de-là; nul ne veut vivre aujourd'hui; nul n'est content de l'heure préfente, tous la trouvent trop lente à paffer.

Mortels, ne cefferez-vous jamais de calomnier la nature? Pourquoi vous plaindre que la vie eft courte, puisqu'elle ne l'eft pas encore affez à votre gré? S'il eft un feul entre vous qui sçache mettre affez de tempérance à fes défirs pour ne jamais fouhaiter que le tems s'écoule, celui-là ne l'eftimera pas trop courte: vivre & jouir feront pour

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lui la même chofe; & dût - il mourir jeune, il ne mourra que raffafié de jours.

ÉTUDE DE L'HOMME.

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UN cœur droit eft le premier organe de la vérité; celui qui n'a rien fenti ne fçait rien apprendre ; il ne fait que flotter d'erreurs en erreurs il n'acquiert qu'un vain fçavoir & de ftériles connoiffances, parce que le vrai rapport des chofes à l'homme, qui eft fa principale fcience, lui demeure toujours caché. Mais c'eft fe borner à la premiere moitié de cette fcience que de ne pas étudier encore les rapports qu'ont les chofes entre elles, pour mieux juger de ceux qu'elles ont avec nous. C'eft de connoître les paffions humaines, fi l'on n'en fçait apprécier les objets ;

peu

& cette feconde étude ne peut fe faire dans le calme de la méditation.

que

La jeuneffe du fage eft le tems de fes expériences, fes paffions en font les inftrumens; mais après avoir appliqué fon ame aux objets extérieurs pour les fentir, il la retire au-dedans de lui pour les confidérer, les comparer, les connoître.

LIBERTÉ DE L'HOMME.

NUL être matériel n'eft actif par lui-même, & moi je le fuis. On a beau me difputer cela, je le fens, & ce fentiment qui parle eft plus fort que la raison qui le combat. J'ai un corps fur lequel les autres agiffent, & qui agit fur eux; cette action réciproque n'eft pas teufe; mais ma volonté eft indépendante de mes fens, je confens ou je réfifte,

dou

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