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rité facrée, defcendoit en vain du féjour éternel, l'instinct morale le repouffoit du cœur des humains. En célébrant les débauches de Jupiter, on admiroit la continence de Xénocrates la chafte Lucrece adoroit l'impudique Venus; l'intrépide Romain facrifioit à la peur, il invoquoit le Dieu qui mutila fon pere, & mouroit fans murmure de la main du fien les plus méprifables Divinités furent fervies par les plus grands hommes. La fainte voix de la Nature, plus forte que celle des Dieux, fe faifoit refpecter fur la terre, & fembloit releguer dans le ciel le crime avec les coupables.

Il eft donc au fond de nos ames un principe inné de juftice & de vertu, fur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions & celles d'autrui, comme bonnes ou mauvaises.

C

PASSIONS.

L'ENTENDEMENT humain doit beaucoup aux paffions, qui, d'un commun aveu lui doivent beaucoup auffi. C'eft par leur activité que notre raifon fe perfectionne; nous ne cherchons à connoître que parce que nous défirons de jouir : & il n'eft pas poffible de concevoir pourquoi celui qui n'auroit ni défirs, ni craintes, fe donneroit la peine de raifonner. Les Paffions, à leur tour, tirent leur origine de nos befoins, & leur progrès de nos connoiffances; car on ne peut defirer ou craindre les chofes, que fur les idées qu'on en peut avoir, ou par la fimple impulfion de lan Nature.

C'est une erreur de diftinguer les Paffions en permises & défendues, pour

fe livrer aux premières & fe refufer aux autres. Toutes font bonnes quand on en est le maître, toutes font mauvaises quand on s'y laiffe affujettir.

Les grandes Paffions ufées dégoutent des autres; la paix de l'ame qui leur fuccede eft le feul fentiment qui s'accroit par la jouiffance.

Le fpectacle des Paffions violentes de toute efpèce eft un des plus dangereux qu'on puiffe offrir aux enfans. Ces Paffions ont toujours dans leurs excès quelque chofe de puérile qui les amuse, qui les féduit, & leur fait aimer ce qu'ils devroient craindre. Voilà pourquoi nous aimons tous le Théâtre, & plufieurs d'entre nous les Romans.

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Toutes les grandes Paffions fe forment dans la folitude; on n'en a point de semblables dans le monde, où nul objet n'a le tems de faire une profonde impreffion, & où la multitude des

goûts énerve la force des fentimens.: Les petites Paffions ne prennent ja

mais le change & vont toujours à leur fin; mais on peut armer les grandes contre elles-mêmes.

Dans la retraite on a d'autres manières de voir & de fentir, que dans le commerce du monde; les Paffions autrement modifiées ont auffi d'autres expreffions imagination toujours frap pée des mêmes objets, s'en affecte plus vivement. Ce petit nombre d'images revient toujours, fe mêle à toutes les idées, & leur donne ce tour bizarre & peu varié qu'on remarque dans les difcours des folitaires. S'enfuit-il de-là que leur langage foit fort énergique ? Point du tout, il n'est qu'extraordinaire. Ce n'est que dans le monde qu'on ap prend à parler avec énergie. Première ment, parce qu'il faut toujours dire autrement & mieux que les autres, &

puis, que forcé d'affirmer à chaque inf tant ce qu'on ne croit pas, d'exprimer des fentimens qu'on n'a point, on cherche à donner à ce qu'on dit un tour perfuafif qui fupplée à la perfuafion intérieure. Croyez-vous que les gens vraiment paffionnés ayent ces manières de l'on parler vives, fortes, coloriées que admire dans les drames & dans les Romans françois ! Non: la Paffion pleine d'elle-même, s'exprime avec plus d'abondance que de force; elle ne fonge pas même à perfuader; elle ne soupçonne pas qu'on puiffe douter d'elle: c'eft quand elle dit ce qu'elle fent moins pour l'expofer aux autres que pour fe foulager. On peint plus vivement l'amour dans les grandes villes; l'y fent-on mieux que dans les hameaux?

Lifez une lettre d'amour faite par un auteur dans fon cabinet, par un bel es-prit qui veut briller. Pour peu qu'il aix

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