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travaux, l'habitude & l'obéiffance lui tiennent lieu de raison.

Pour le fauvage, c'eft autre chofe; n'étant attaché à aucun lieu, n'ayant point de tâche prefcrite, n'obéiffant à perfonne, fans autre loi que fa volonté, il eft forcé de raifonner à chaque action de fa vie; il he fait pas un mouvement, pas un pas, fans en avoir d'avance envifagé les fuites. Ainfi, plus fon corps s'exerce, plus fon efprit s'éclaire ; fa force & la raifon croiffent à la fois, & s'étendent l'une par l'autre otr

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HOMME CIV1 L.

LE paffage de l'état de nature à l'état

civil a produit dans l'Homme un chan gement très-remarquable, en fubftituant dans fa conduite la juftice à l'inftinct, & donnant à fes actions la moralité qui leur manquoit auparavant. C'eft alors feulement que la voix du devoir fuccédant à l'impulsion physique & le droit,à l'appe tit, l'Homme, qui jufques-là,n'avoit regardé que lui-même, fe voit forcé d'a gir fur d'autres principes, & de confulter fa raison avant d'écouter fes pen. chans. Quoiqu'il fe prive dans cet étát de plufieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de fi grands, fes facultés s'exercent & fe développent, fes idées s'étendent, fes fentimens s'annobliffent, fon ame toute entière s'élevé

F

à tel point, que fi les abus de cette nouvelle condition ne le dégradoient fouvent au-deffous de celle dont il eft forti, il devroit benir fans ceffe l'inftant heureux qui l'en arracha pour jamais, & qui, d'un animal ftupide & borné, fit un être intelligent & un homme.

Où eft l'Homme de bien qui ne doit rien à son pays? Quel qu'il foit, il luį doit ce qu'il y a de plus précieux pour l'Homme, la moralité de fes actions & l'amour de la vertu. Né dans le fond d'un bois, il eût vécu plus heureux & plus libre; mais n'ayant rien à combattre pour fuivre fes penchans, il eût été bon fans mérite, il n'eût point été vertueux, & maintenant il fçait l'être malgré fes paffions. La feule apparence de l'ordre le porte à le connoître, à l'aimer. Le bien public, qui ne fert de prétexte aux autres, eft pour lui feul un motif réel. Il apprend à fe

que

combattre, à fe vaincre, à facrifier fon intérêt à l'intérêt commun. Il n'eft pas vrai qu'il ne tire aucun profit des loix ;. elles lui donnent le courage d'être jufte, même parmi les méchans. Il n'eft pas vrai qu'elles ne l'ont pas rendu libre, elles lui ont appris à régner fur lui,

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Différence de l'Homme Policé & de l'Homme Sauvage.

L'HOMME Sauvage & l'Homme Policé, different tellement par le fond du cœur & des inclinations, que ce qui fait le bonheur fuprême de l'un, réduiroit l'autre au défefpoir. Le premier ne refpire que le repos & la liberté, il ne veut que vivre & refter oifif, & l'ataraxie même du ftoïcien n'approche pas de fa profonde indifférence pour tout autre objet. Au contraire, le citoyen toujours actif fue, s'agite, se tourmente fans ceffe pour chercher des Occupations encore plus laborieuses: il travaille jusqu'à la mort, il y court même pour fe mettre en état de vivre, ou renonce à la vie pour acquérir l'immortalité. Il fait fa cour aux grands

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