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Un pere qui fentiroit tout le prix d'un bon gouverneur, prendroit le parti de s'en paffer; car il mettroit plus de peine à l'acquérir, qu'à le devenir luimême. Veut-il donc fe faire un ami? Qu'il éleve fon fils pour l'être; le voilà difpenfé de le chercher ailleurs, & la nature a déjà fait la moitié de l'ou vrage,

EDUCATION.

NOUS

naiffons foibles, nous avons

befoin de forces: nous naiffons dépourvus de tout, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n'avons pas à notre naiffance, & dont nous avons befoin étant grands, nous eft donné par l'éducation.

Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes, ou des chofes. Le développement interne de nos facultés & de nos organes eft l'éducation de la nature: l'ufage qu'on nous apprend à faire de ce développement eft l'éducation des hommes ; & l'acquis de notre propre expérience fur les objets qui nous affectent, eft l'éducation des chofes. Chacun de nous eft donc formé

par

trois fortes de maîtres. Le difciple, dans lequel leurs diverfes leçons fe contrarient eft mal élevé, & ne fera jamais d'accord avec lui-même : celui dans lequel elles tombent toutes fur les mêmes points, & tendent aux mêmes fins, va feul à fon but & va conféquemment. Celui-là feul eft bien élevé.

L'éducation de l'enfance eft celle qui importe le plus ; & cette premiere édu cation appartient incontestablement aux femmes fi l'auteur de la nature eût voulu qu'elle appartînt aux hommes il leur eût donné du lait pour nourrir les enfans. Parlez donc toujours aux femmes, par préférence dans vos traités d'éducation; car, outre qu'elles font à portée d'y veiller de plus près que les hommes & qu'elles y influent toujours d'avantage, le fuccès les intéreffe auffi beaucoup plus, puisque la plupart des veuves fe trouvent profque à la merci

de leurs enfans, & qu'alors ils leur font vivement sentir, en bien où en mal, l'effet de la maniere dont elles les ont élevés. Les loix, toujours fi occupées des biens & fi peu des perfonnes, parce qu'elles ont pour objet la paix & non la vertu, ne donnent pas affez d'autorité aux meres. Cependant leur état eft plus fûr que celui des peres; leurs devoirs font plus pénibles; leurs foins impor, tent plus au bon ordre de la famille ; généralement elles ont plus d'attachement pour les enfans. Il y a des occafions où un fils qui manque de respect à fon pere, peut, en quelque forte, être excufé mais fi dans quelque occafion que ce fut, un enfant étoit affez dénaturé pour en manquer à fa mere, à celle qui l'a porté dans fon fein, qui l'a nourri de fon lait, qui, durant des années, s'eft oubliée elle-même, pour ne s'occuper que de lui, on devroit fe hâter

d'étouffer

d'étouffer ce miférable comme un monftre indigne de voir le jour.

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Celui d'entre nous qui fçait le mieux supporter les biens & les maux de cette vie eft le mieux élevé d'où il fuit que la véritable éducation confifte moins en préceptes qu'en exercices.

Si les hommes naiffoient attachés au fol d'un pays, fi la même faifon duroit toute l'année, fi chacun tenoit à fa fortune de maniere à n'en pouvoir jamais changer, la pratique d'éducation établie feroit bonne à certain égard; l'enfant élevé pour fon état, n'en fortant jamais, ne pourroit être expofé aux inconvéniens d'un autre. Mais vû la mobilité des chofes humaines; vû l'efprit inquiet & remuant de ce fiécle qui bouleverse tout à chaque génération, peut-on con cevoir une méthode plus infensée que d'élever un enfant, comme n'ayant jamais à fortir de fa chambre, comme de

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