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du feu dans la tête, fa lettre va, comme on dit, brûler le papier; la chaleur 'n'ira pas plus loin. Vous ferez enchanté, même agité peut-être ; mais d'une agitation paffagère & féche, qui ne vous laiffera que des mots pour tout fouvenir. Au contraire, une lettre que l'amour a réellement dictée; une lettre d'un Amant vraiment paffionné, fera lâche, diffuse, toute en longueurs, en défordre, en répétitions. Son cœur, plein d'un fentiment qui déborde, redit toujours la même chofe, & n'a jamais achevé de dire; comme une fource vive qui coule fans ceffe & ne s'épuife jamais. Rien de faillant, rien de remarquable: on ne retient ni mots, ni tours, ni phrafes: on n'admire rien, l'on n'eft frappé de rien. Cependant on fe fent l'ame attendrie on fe fent ému fans fçavoir pour-quoi. Si la force du fentiment ne nous frappe pas, fa vérité nous touche, &

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'eft ainfi que le cœur fçait parler au cœur. Mais ceux qui ne fentent rien, ceux qui n'ont que le jargon paré des paffions, ne connoiffent point ces fortes de beautés, & les méprisent.

L'enthousiasme eft le dernier degré de la paffion. Quand elle est à son comble, elle voit fon objet parfait ; elle en fait alors fon idole ; elle le place dans le ciel. En écrivant à ce qu'on aime, ce ne font plus des lettres que l'on écrit, ce font des hymnes.

Les grandes paffions ne germent guè res chez les hommes foibles.

La fource de nos paffions, l'origine & le principe de toutes les autres, la feule qui naît avec l'homme, & ne le quitte jamais, tant qu'il vit, eft l'amour de foi: Paffion primitive, innée, antérieure à toute autre, & dont toutes les autres ne font, en un fens, que des modifications.

Dans le régne des Paffions, elles aident à fupporter les tourmens qu'elles donnent; elles tiennent l'efpérance à côté du défir. Tant qu'on défire, on peut fe paffer d'être heureux; on s'attend à le devenir: fi le bonheur ne vient point, l'espoir fe prolonge, & le charme de l'illufion dure autant que la Paffion qui le cause. Ainfi cet état se suffit à lui-même, & l'inquiétude qu'il donne eft une forte de jouiffance qui fupplée à la réalité.

On étouffe de grandes Paffions; ra rement on les épure.

par

On n'a de prife fur les Paffions, que les Paffions; c'est par leur empire qu'il faut combattre leur tyrannie, & c'eft toujours de la Nature elle-même qu'il faut tirer les inftrumens propres à la régler.

Que les Paffions nous rendent crédules; & qu'un cœur vivement touché

Le détache avec peine des erreurs mêmes qu'il apperçoit !

On

peut vivre beaucoup en peu d'années & acquérir une grande expérience à fes dépens: c'eft alors le chemin des Paffions qui conduit à la Philofophie.

La fource de toutes les Paffions eft la sensibilité; l'imagination détermine leur pente. Tout être qui fent fes rapports, doit être affecté quand ces rapports s'alterent, & qu'il en imagine, ou qu'il en croit imaginer de plus convenables à fa nature. Ce font les erreurs de l'imagination qui transforment en vices les Paffions de tous les êtres bornés, même des anges, s'ils en ont: car il faudroit qu'ils connuffent la nature de tous les êtres, pour fçavoir quels rapports conviennent le mieux à la leur.

Voici le fommaire de toute la fa

geffe humaine dans l'ufage des Paffions. 1o. Sentir les vrais rapports de l'homme, tant dans l'efpéce que dans l'individu. 2o. Ordonner toutes les affections de l'ame felon ces rapports.

BONHEUR.

Nous ne fçavons ce que

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Bonheur ou malheur abfolu. Tout eft mêlé dans cette vie, on n'y goûte aucun fentiment pur, on n'y refte pas deux momens dans le même état. Les affections de nos ames, ainfi que les modifications de nos corps, font dans un flux continuel. Le bien & le mal nous font communs à tous mais en différentes mefures. Le plus heureux eft celui qui fouffre le moins de peines ; le plus miférable eft celui qui fent le moins de plaifirs. Toujours plus de fouffrances que

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