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Si l'on y parvient, il eft plus pur, plus folide & plus doux par elle; fi on le manque, elle feule peut en dédommager.

Que font ces hommes fenfuels qui multiplient fi indifcretement leurs douleurs par leurs voluptés? Ils annéantiffent pour ainfi dire leur existence à force de l'étendre fur la terre; ils aggravent le poids de leurs chaînes par le nom-, bre de leurs attachemens ; ils n'ont point de jouiflances qui ne leur préparent mille amères privations: plus ils fentent & plus ils fouffrent plus ils s'enfoncent dans la vie, & plus ils font malheureux.

Tout ce qui tient aux fens & n'eft pas néceffaire à la vie, change de nature auffi-tôt qu'il tourne en habitude. Il ceffe d'être un plaifir en devenant un befoin; c'est à la fois une chaîne qu'on fe donne & une jouiffance dont on fe prive,

prive, & prévenir toujours les défirs, n'eft pas l'art de les contenter, mais de. les éteindre. Un objet plus noble qu'on doit fe proposer en cela, eft de refter maître de foi-même, d'accoutumer fes paffions à l'obéiffance, & de plier tous fes défirs à la régle. C'est un nouveau moyen d'être heureux, car on ne jouit fans inquiétude que de ce qu'on peu per-dre fans peine ; & fi le vrai Bonheur ap partient au fage, c'est parce qu'il eft de tous les hommes celui à qui la fortune peut le moins ôter.

Tous les Conquérans n'ont pas été tués tous les ufurpateurs n'ont pas échoué dans leurs entreprises; plufieurs paroîtront heureux aux efprits prévenus des opinions vulgaires; mais celui qui, fans s'arrêter aux apparences; ne juge du Bonheur des hommes que par Kétat de leurs cœurs verra leur mifere dans leurs fuccès mêmes il verra

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leurs défirs & leurs foucis rongeans s'étendre & s'accroître avec leur fortune; il les verra perdre haleine en avançant, fans jamais parvenir à leurs termes. Il les verra femblables à ces voyageurs inexpérimentés, qui, s'engageant pour la première fois dans les Alpes, penfent les franchir à chaque montagne, & quand ils font au fommet, trouvent avec découragement de plus hautes montagnes au devant d'eux.

Celui qui pourroit tout fans être Dieu, feroit une miférable créature; il feroit privé du plaifir de défirer; toute autre privation feroit plus fupportable. D'où il fuit que tout Prince qui afpire au defpotifme, afpire à l'honneur de mourir d'ennui. Dans tous les Royaumes du monde cherchez-vous l'homme le plus ennuyé du pays? Allez toujours directement au Souverain, fur-tout s'il eft

43 très-abfolu. C'eft bien la peine de faire tant de miférables! Ne fçauroit-il s'ennuyer à moindres frais ?`.

Les gueux font malheureux, parce qu'ils font toujours gueux, les Rois font malheureux, parce qu'ils font toujours Rois. Les états moyens dont on fort plus aisément offrent des plaifirs au-deffus & au-deffous de foi ; ils étendent auffi les lumières de ceux qui les rempliffent, en leur donnant plus de préjugés à connoître, & plus de degrés à comparer. Voilà, ce me femble, la principale raison pour quoi c'eft généralement dans les conditions médiocres qu'on trouve les hommes les plus heureux & du meilleur fens.

Le figne le plus affuré du vrai contentement d'efprit eft la vie retirée & domeftique, & l'on peut croire que ceux qui vont fans ceffe chercher leur Bonheur chez autrui ne l'ont point chez Dij

eux-mêmes,

VERT U

LE mot de Vertu vient de force, force eft la base de toute Vertu. L'homme vertueux eft celui qui fçait vaincre fes affections.

La Vertu n'appartient qu'à un être foible par fa nature & fort par fa volon té; c'eft en cela que confifte le mérite de l'homme jufte.

L'exercice des plus fublimes Vertus: élève & nourrit le génie.

Les ames d'une certaine trempe transforment pour ainfi dire, les autres en elles-mêmes ; elles ont une fphère d'ac tivité dans laquelle rien ne leur réfifte; on ne peut les connoître fans les vouloir imiter, & de leur fublime élevation elles attirent à elles tout ce qui les enKironne.

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