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rieure une articulation de moins que les autres animaux, savoir, celle qui joint le canon au tibia; et qu'en ne posant que la pointe du pied, comme il aurait sans doute été contraint de le faire, le tarse, sans parler de la pluralité des os qui le compósent, paraît trop gros pour tenir lieu de canon, et ses articulations avec le métatarse et le tibia trop rapprochées pour donner à la jambe humaine, dans cette situation, la même flexibilité qu'ont les quadrupėdes. L'exemple des enfants, étant pris dans un âge où les forces naturelles ne sont point encore développées ni les membres raffermis, ne conclut rien du tout; et j'aimerais autant dire que les chiens ne sont pas destinés à marcher, parce qu'ils ne font que ramper quelques semaines après leur naissance. Les faits particuliers ont encore peu de force contre la pratique universelle des hommes, même des nations qui, n'ayant aucune communication avec les autres, n'avait pu rien imiter d'elles. Un enfant abandonné dans une forêt avant que de pouvoir marcher; et nourri par quelque bête, aura suivi l'exemple de sa nourrice, en s'exerçant à marcher comme elle; l'habitude aura pu lui donner les facilités qu'il ne tenait point de la nature; et comme des manchots parviennent, à force d'exercice, à faire avec leurs pieds tout ce que nous faisons de nos mains. il sera parvenu enfin à employer ses mains à l'usage des pieds.

(4) S'il se trouvait parmi mes lecteurs quelque assez mauvais physicien pour me faire des difficultés sur la supposition de cette fertilité naturelle de la terre, je vais lui répondre par le passage suivant :

. Comme les végétaux tirent pour leur nourriture beaucoup plus de substance de l'air et de l'eau qu'il n'en tirent de la terre, il arrive qu'en pourrissant ils rendent à la terre plus qu'ils n'en ont tiré : d'ailleurs une forêt déter

mine les eaux de la pluie en arrêtant les vapeurs. Ainsi, dans un bois que l'on conserverait bien longtemps sans y toucher, la couche de terre qui sert à la végétation augmenterait considérablement; mais les animaux rendant moins à la terre qu'ils n'en tirent, et les hommes faisant des consommations énormes de bois et de plantes pour le feu et pour d'autres usages, il s'ensuit que la couche de terre végétale d'un pays habité doit toujours diminuer et devenir enfin comme le terrain de l'Arabie Pétrée, et comme celui de tant d'autres provinces de l'Orient, qui est en effet le climat le plus anciennement habité, où l'on ne trouve que du sel et des sables car le sel fixe des plantes et des animaux reste, tandis que toutes les autres parties se volatilisent. (HIST. NAT., Preuves de la théorie de la terre, art. 7). On peut ajouter à cela la preuve de fait par la quantité d'arbres et de plantes de toute espèce dont étaient remplies presque toutes les iles désertes qui ont été découvertes dans ces derniers siècles, et par ce que l'histoire nous apprend des forêts immenses qu'il a fallu abattre par toute la terre à mesure qu'elle s'est peuplée ou policée. Sur quoi je ferai encore les trois remarques suivantes: l'une, que s'il y a une sorte de végétaux qui puissent compenser la déperdition de matière végétale qui se fait par les animaux, selon le raisonnement de M. de Buffon, ce sont surtout les bois, dont les têtes et les feuilles rassemblent et s'approprient plus d'eaux et de vapeurs que ne font les autres plantes; la seconde, que la destruction du sol, c'est-à-dire la perte de la substance propre à la végétation, doit s'accélérer à proportion que la terre est plus cultivée, et que les habitants plus industrieux consomment en plus grande abondance ses productions de toute espèce. Ma troisième et plus importanté remarque est que les fruits des arbres

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fournissent à l'animal une nourriture plus abondante que ne peuvent faire les autres végétaux; expérience que j'ai faite moi-même en comparant les produits de deux terrains égaux en grandeur et en qualité, l'un couvert de châtaigniers, et l'autre semé de blé.

(5) Parmi les quadrupèdes, les deux distinctions les plus universelles des espèces voraces se tirent, l'une de la figure des dents, et l'autre de la conformation des intestins. Les animaux qui ne vivent que de végétaux ont tous les dents plates, comme le cheval, le bœuf, le mouton, le lievre; mais les voraces les ont pointues, comme le chat, le chien, le loup, le renard. Et quant aux intestins, les frugivores en ont quelques-uns, tels que le colon, qui ne se trouvent pas dans les animaux voraces. Il semble donc que l'homme, ayant les dents et les intestins comme les ont les animaux frugivores, devrait naturellement être rangé dans cette classe; et non-seulement les observations anatomiques confirment cette opinion, mais les monuments de l'antiquité y sont encore très-favorables. « Dicéarque, dit saint Jérôme, rapporte, dans ses livres des Antiquités grecques, que, sous le règne de Saturne, où la terre était encore fertile par elle-même, nul homme ne mangeait de chair, mais que tous vivaient des fruits et des légumes qui croissaient naturellement.» (Lib. II, adv. Jovinian.) Cette opinion se peut encore appuyer sur les relations de plusieurs voyageurs modernes. François Correal témoigne, entre autres, que la plupart des habitants des Lucayes que les Espagnols transportèrent aux îles de Cuba, de Saint-Domingue et ailleurs, moururent pour avoir mange de la chair. On peut voir par là que je néglige bien des avantages que je pourrais faire valoir. Car la proie étant presque l'unique sujet de combat entre les animaux carnassiers, et les frugivores vivant en

tre eux dans une paix continuelle, si l'espèce humaine était de ce dernier genre, il est clair qu'elle aurait eu beaucoup plus de facilité à subsister dans l'état de nature, beaucoup moins de besoins et d'occasions d'en sortir.

(6) Toutes les connaissances qui demandent de la réflexion, toutes celles qui ne s'acquiėrent que par l'enchaînement des idées et ne se perfectionnent que successivement, semblent être tout à fait hors de la portée de l'homme sauvage, faute de communication avec ses semblables, c'est-à-dire faute de l'instrument qui sert à cette communication, et des besoins qui la rendent nécessaire. Son savoir et son industrie se bornent à sauter, courir, se battre, lancer une pierre, escalader un arbre. Mais s'il ne sait que ces choses, en revanche il les sait beaucoup mieux que nous, qui n'en avons pas le même besoin que lui; et comme elles dépendent uniquement de l'exercice du corps, et ne sont susceptibles d'aucune communication ni d'aucuns progrès d'un individu à l'autre, le premier homme a pu y être tout aussi habile que ses derniers descendants.

Les relations des voyageurs sont pleines d'exemples de la force et de la vigueur des hommes chez les nations barbares et sauvages; elles ne vantent guère moins leur adresse et leur légèreté et comme il ne faut que des yeux pour observer ces choses, rien n'empêche qu'on n'ajoute foi à ce que certifient làdessus des témoins oculaires; j'en tire au hasard quelques exemples des premiers livres qui mê tombent sous la main.

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Les Hottentots, dit Kolben, entendent mieux la pêche que les Européens du Cap. Leur habileté est égale au filet, àl'hameçon et au dard, dans les anses comme dans les rivières. Ils ne prennent pas moins habilement le poisson avec la main. Ils sont d'une adresse incomparable à la nage. Leur manière de nager a

quelque chose de surprenant, et qui leur est tout à fait propre. Ils nagent le corps droit et les mains étendues hors de l'eau, de sorte qu'ils paraissent marcher sur la terre. Dans la plus grande agitation de la mer, et lorsque les flots forment autant de montagnes, ils dansent en quelque sorte sur le dos des vagues, montant et descendant comme un morceau de liége.

Les Hottentots, dit encore le même auteur, sont d'une adresse surprenante à la chasse, et la légèreté de leur course passe l'imagination.» Il s'étonne qu'ils ne fassent pas plus souvent un mauvais usage de leur agilité, ce qui leur arrive pourtant quelquefois, comme on peut juger par l'exemple qu'il en donne. Un matelot hollandais, en débarquant au Cap, chargea, dit-il, un Hottentot de le suivre à la ville avec un rouleau de tabac d'environ vingt livres. Lorsqu'ils furent tous deux à quelque distance de la troupe, le Hottentot demanda au matelot s'il savait courir. - Courir? répond le Hollandais; oui, fort bien. - Voyons, reprit l'Africain; et, fuyant avec le tabac, il disparut presqué aussitôt. Le matelot, confondu de cette merveilleuse vitesse, ne pensa pas à le poursuivre, et ne revit jamais ni son tabac ni son porteur.

» Ils ont la vue si prompte et la main si certaine, que les Européens n'en approchent point. A cent pas ils toucheront d'un coup de pierre une marque de la grandeur d'un demisou; et ce qu'il y a de plus étonnant, c'est qu'au lieu de fixer comme nous les yeux sur le but, ils font des mouvements et des contorsions continuels. Il semble que leur pierre scit portée par une main invisible. »

Le P. du Tertre dit à peu près, sur les sauvages des Antilles, les mêmes choses qu'on vient de dire sur les Hottentots du Cap de Bonne-Espérance. Il vante surtout leur justesse à tirer avec leurs flèches les oiseaux au

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