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vol et les poissons à la nage, qu'ils prennent ensuite en plongeant. Les sauvages de l'Amérique septentrionale ne sont pas moins célèbres par leur force et leur adresse; et voici un exemple qui pourra faire juger de celle des Indiens de l'Amérique méridionale:

En l'année 1746, un Indien de Buenos-Ayres, ayant été condamné aux galères à Cadix, proposa au gouverneur de racheter sa liberté en exposant sa vie dans une fête publique. Il promit qu'il attaquerait seul le plus furieux taureau, sans autre arme en main qu'une corde; qu'il le terrasserait, qu'il le saisirait avec sa corde par telle partie qu'on indiquerait, qu'il le sellerait, le briderait, le monterait et combattrait, ainsi monté, deux autres taureaux des plus furieux qu'on ferait sortir du Torillo et qu'il les mettrait tous à mort l'un après l'autre dans l'instant qu'on le lui commanderait et sans le secours de personne, ce qui lui fut accordé. L'Indien tint parole et réussit dans tout ce qu'il avait promis. Sur la manière dont il s'y prit et sur tout le détail du combat, on peut consulter le premier tome in12 des Observations sur l'Histoire naturelle, de M. Gautier, d'où ce fait est tiré, page 262,

(7) « La durée de la vie des chevaux, dit M. de Buffon, est, comme dans toutes les autres espèces d'animaux, proportionnée à la durée du temps de leur accroissement. L'homme, qui est quatorze ans à croître, peut vivre six ou sept fois autant de temps, c'est-à-dire quatre-vingt-dix ou cent ans; le cheval, dont l'accroissement se fait en quatre ans, peut vivre six ou sept fois autant, c'est-à-dire vingtcinq ou trente ans. Les exemples qui pourraient être contraires à cette règle sont si rares, qu'on ne doit pas même les regarder comme une exception dont on puisse tirer des conséquences; et, comme les gros chevaux prennent leur accroissement en moins de temps que les

chevaux fins, ils vivent aussi moins de temps, et sont vieux dès l'âge de quinze ans. « HIST. NAT., du Cheval.)

(8) Je crois voir entre les animaux carnassiers et les frugivores une autre différence encore plus générale que celle que j'ai remarquée dans la note 5, puisque celle-ci s'étend jusqu'aux oiseaux. Cette différence consiste dans le nombre des petits, qui n'excède jamais deux à chaque portée pour les espèces qui ne vivent que de végétaux, et qui va ordinairement au delà de ce nombre pour les animaux voraces. Il est aisé de connaître, à cet égard, la destination de la nature par le nombre des mamelles, qui n'est que de deux dans chaque femelle de la première espèce, comme la jument, la vache, la chèvre, la biche, la brebis, etc., et qui est toujours dé six ou de huit dans les autres femelles, comme la chienne, la chatte, la louve, la tigresse, etc. La poule, l'oie, la canne, qui sont toutes des oiseaux voraces, ainsi que l'aigle, l'épervier, la chouette, pondent aussi et couvent un grand nombre d'oeufs, ce qui n'arrive jamais à la colombe, à la tourterelle, ni aux oiseaux qui ne mangent absolument que du grain, lesquels ne pondent et ne couvent guère que deux œufs à la fois. La raison qu'on peut donner de cette différence est que les animaux qui ne vivent que d'herbes et de plantes, demeurant presque tout le jour à la pâture et étant forcés d'employer beaucoup de temps à se nourrir, ne pourraient suffire a allaiter plusieurs petits, au lieu que les voraces, faisant leur repas presque en un instant, peuvent plus aisément et plus souvent retourner à leurs petits et à leur chasse, et réparer la dissipation d'une si grande quantité de lait. Il y aurait à tout ceci bien des observations particulières et des réflexions à faire; mais ce n'en est pas ici le lieu, et il me suffit d'avoir montré dans cette

partie le système le plus général de la nature, système qui fournit une nouvelle raison de tirer l'homme de la classe des animaux carnassiers, et de le ranger parmi les espèces frugi

vores.

(9) Un auteur célèbre, calculant les biens et les maux de la vie humaine, et comparant les deux sommes, a trouvé qué la dernière surpassait l'autre de beaucoup, et qu'à tout prendre la vie était pour l'homme un assez mauvais présent. Je ne suis point surpris de sa conclusion; il a tiré tous ses raisonnements de la constitution de l'homme civil: s'il fût remonté jusqu'à l'homme naturel, on peut juger qu'il eût trouvé des résultats très-différents, qu'il eût apercu que l'homme n'a guère de maux que ceux qu'il s'est donnés luimême, et que la naturê eût été justifiée. Ce n'est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux. Quand d'un côté l'on considère les immenses travaux des hommes, tant de sciences approfondies, tant d'arts inventés, tant de forces employées, des abîmes comblés, des montagnes rasées, des rochers brisés, des fleuves rendus navigables, des terres défrichées, des lacs creusés, des marais desséchés, des bâtiments énormes élevés sur la terre, la mer couverte de vaisseaux et de matelots, et que de l'autre on recherche avec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur de l'espèce humaine, on ne peut qu'être frappé de l'étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorer l'aveuglement de l'homme, qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quelle vaine admiration de luimême, le fait courir avec ardeur après toutes les misères dont il est susceptible, et que la bienfaisante nature avait pris soin d'écarter de lui.

Les hommes sont méchants, une triste et

continuelle expérience dispense de la preuve ; cependant l'homme est naturellement bon, je crois l'avoir démontré : qu'est-ce donc qui peut l'avoir dépravé à ce point, sinon les changements survenus dans sa constitution, les progrès qu'il a faits et les connaissances qu'il a acquises? Qu'on admire tant qu'on voudra la société humaine, il n'en sera pas moins vrai qu'elle porte nécessairement les hommes à s'entre-haïr à proportion que leurs intérêts se croisent, à se rendre mutuellement des services apparents, et à se faire en effet tous les maux imaginables. Que peut-on penser d'un commerce où la raison de chaque particulier lui dicte des maximes directement contraires à celles que la raison publique prêche au corps de la société, et où chacun trouve son compte dans le malheur d'autrui ? Il n'y a peut-être pas un homme aisé à qui des héritiers avides, et souvent ses propres enfants, ne souhaitent la mort en secret; pas un vaisseau en mer dont le naufrage ne fût une bonne nouvelle pour quelque négociant, pas une maison qu'un débiteur de mauvaise foi ne voulût voir brûler avec tous les papiers qu'elle contient, pas un peuple qui ne se réjouisse des désastres de ses voisins. C'est ainsi que nous trouvons notre avantage dans le préjudice de nos semblables, et que la perte de l'un fait presque toujours la prospérité de l'autre. Mais ce qu'il y a de plus dangereux encore, c'est que les calamités publiques font l'attente et l'espoir d'une multitude de particuliers: les uns veulent des maladies, d'autres la mortalité, d'autres la guerre, d'autres la famine. J'ai vu des hommes affreux pleurer de douleur aux apparences d'une année fertile; et le grand et funeste incendie de Londres, qui coûta la vie ou les biens à tant de malheureux, fit peutêtre la fortune à plus de dix mille personnes. Je sais que Montaigne blâme l'Athénien

Démades d'avoir fait punir un ouvrier qui, vendant fort cher des cercueils, gagnait beaucoup à la mort des citoyens mais la raison que Montaigne allègue étant qu'il faudrait punir tout le monde, il est évident qu'elle confirme les miennes. Qu'on pénétré donc, au travers de nos frivoles démonstrations de bienveillance, ce qui se passe au fond des cœurs; et qu'on réfléchisse à ce que doit être un état de choses où tous les hommes sont forcés de se caresser et de se détruire mutuellement, et où ils naissent ennemis par devoir et fourbes par intérêt. Si l'on me répond que la société est tellement constituée que chaque homme gagne à servir les autres, je répliquerai que cela serait fort bien s'il ne gagnait encore plus à leur nuire. Il n'y a point de profit si légitime qui ne soit surpassé par celui qu'on peut faire illegitimement, et le tort fait au prochain est toujours plus lucratif que les services. Il ne s'agit donc plus que de trouver les moyens de s'assurer l'impunité, et c'est à quoi les puissants emploient toutes leurs forces, et les faibles toutes leurs ruses.

L'homme sauvage, quand il a dîné, est en paix avec toute la nature, et l'ami de tous ses semblables. S'agit-il quelquefois de disputer son repas, il n'en vient jamais aux coups sans avoir auparavant comparé la difficulté de vaincre avec celle de trouver ailleurs sa subsistance; et comme l'orgueil ne se mêle pas du combat, il se termine par quelques coups de poing; le vainqueur mange, le vaincu va chercher fortune, et tout est pacifié. Mais chez l'homme en société ce sont bien d'autres af faires il s'agit premièrement de pourvoir au nécessaire, et puis au superflu; ensuite viennent les délices, et puis des immenses richesses, et puis des sujets, et puis des esclaves; il n'a pas un moment de relâche: ce qu'il y a de plus singulier, c'est que moins les besoins

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