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charmes secrets qui s'y trouvent. Ainsi nous l'avons conseillé de bâtir bien moins qu'il ne prétendait et rien que le simple nécessaire, quoique sur le même dessein, afin qu'il n'ait pas de quoi s'y engager, et qu'il ne s'ôte pas aussi le moyen de le faire. Nous te prions d'y penser sérieusement, de t'en résoudre et de l'en conseiller, de peur qu'il arrive qu'il ait bien plus de prudence et qu'il donne bien plus de soin et de peine au bâti – ment d'une maison qu'il n'est pas obligé de faire qu'à celui de cette tour mystique, dont tu sais que saint Augustin parle dans une de ses lettres, qu'il s'est engagé d'achever dans ses entretiens. Adieu. B. P. — J. P.

Post-scriptum de Jacqueline. — J'espère que je t'écrirai en mon particulier de mon affaire, dont je te manderai le détail; cependant prie Dieu pour son issue. (a) Si tu sais quelque bonne âme, fais-la prier Dieu pour moi aussi.

Note du P Guerrier. « Cette lettre est écrite de la main de mademoiselle Jacqueline Pascal. − (a) Cette ligne est écrite de la main de M. Pascal. >>

LETTRE DE PASCAL A M. PERIER, SON BEAU-FRÈRE, AU SUJET DE LA MORT DE M. PASCAL, SON PÈRE 1.

A Paris, le 17 octobre 1651.

Puisque vous êtes maintenant informés l'un et l'autre de notre malheur commun, et que la lettre que

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1 Jer Recueil MS. du P. Guerrier, pag. 1.

* M. et Mme Perier. - Étienne Pascal était mort le 24 septembre précédent.

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nous avions commencée nous a donné quelque consolation par le récit des circonstances heureuses qui ont accompagné le sujet de notre affliction, je ne puis vous refuser celles qui me restent dans l'esprit et que je prie Dieu de me donner et de me renouveler de plusieurs que nous avons autrefois reçues de sa grâce et qui nous ont été nouvellement données de nos amis en cette occasion.

Je ne sais plus par où finissait la première lettre. Ma sœur l'a envoyée sans prendre garde qu'elle n'était pas finie. Il me semble seulement qu'elle contenait en substance quelques particularités de la conduite de Dieu sur la vie et sur la maladie, que je voudrais vous répéter ici, tant je les ai gravées dans le cœur et tant elles portent de consolation solide, si vous ne les pouviez voir vous-même dans la précédente lettre et si ma sœur ne devait pas vous en faire un récit plus exact à sa première commodité.

Je ne vous parlerai donc ici que de la conséquence que j'en tire, qui est, qu'ôtés ceux qui sont intéressés les sentiments de la nature, il n'y a point de chrétien qui ne s'en doive réjouir.

par

Sur ce grand fondement, je vous commencerai ce que j'ai à dire par un discours bien consolatif à ceux qui ont assez de liberté d'esprit pour le concevoir au fort de la douleur.

C'est que nous devons chercher la consolation à nos maux, non pas dans nous-mêmes, non pas dans les hommes, non pas dans tout ce qui est créé; mais dans Dieu. Et la raison en est que toutes les créatures ne sont pas la première cause des accidents que nous ap

pelons maux; mais que la providence de Dieu en étant l'unique et véritable cause, l'arbitre et la souveraine, il est indubitable qu'il faut recourir directement à la source et remonter jusqu'à l'origine, pour trouver un solide allégement. Que si nous suivons ce précepte, et que nous envisagions cet événement, non pas comme un effet du hasard, non pas comme une nécessité fatale de la nature, non pas comme le jouet des éléments et des parties qui composent l'homme (car Dieu n'a pas abandonné ses élus au caprice et au hasard), mais comme une suite indispensable, inévitable, juste, sainte, utile au bien de l'Église et à l'exaltation du nom et de la grandeur de Dieu, d'un arrêt de sa providence connu de toute éternité pour être exécuté dans la plénitude de son temps, en telle année, en tel jour, en telle heure, en tel lieu, en telle manière; et enfin que tout ce qui est arrivé a été de tout temps presçu et préordonné en Dieu; si, dis-je, par un transport de grâce, nous considérons cet accident, non pas dans lui-même et hors de Dieu, mais hors de lui-même et dans l'intime de la volonté de Dieu, dans la justice de son arrêt, dans l'ordre de sa providence, qui en est la vérita344 ble cause, sans qui il ne fût pas arrivé, par qui seul il

est arrivé et de la manière dont il est arrivé; nous adorerons dans un humble silence la hauteur impénétrable de ses secrets, nous vénérerons la sainteté de ses arrêts, nous bénirons la conduite de sa providence ; el unissant notre volonté à celle de Dieu même, nous voudrons avec lui, en lui, et pour lui, la chose qu'il a voulue en nous et pour nous de toute éternité.

Considérons-la done de la sorte et pratiquons cet en

seignement que j'ai appris d'un grand homme dans le temps de notre plus grande affliction, qu'il n'y a de consolation qu'en la vérité seulement. Il est sans doute que Socrate et Sénèque n'ont rien de persuasif en cette occasion. Ils ont été sous l'erreur qui a aveuglé tous les hommes dans le premier : ils ont tous pris la mort comme naturelle à l'homme; et tous les discours qu'ils ont fondés sur ce faux principe sont si futiles, qu'ils ne servent qu'à montrer par leur inutilité combien l'homme en général est faible, puisque les plus hautes productions des plus grands d'entre les hommes sont si basses et si puériles.

Il n'en est pas de même de Jésus-Christ, il n'en est pas ainsi des livres canoniques: la vérité y est découverte, et la consolation y est jointe aussi infailliblement qu'elle est infailliblement séparée de l'erreur.

Considérons donc la mort dans la vérité que le SaintEsprit nous a apprise. Nous avons cet admirable avantage de connaître que véritablement et effectivement la mort est une peine du péché, imposée à l'homme pour expier son crime, nécessaire à l'homme pour le purger du péché; que c'est la seule qui peut délivrer l'âme de la concupiscence des membres, sans laquelle les saints ne viennent point dans ce monde. Nous savons que la vie, et la vie des chrétiens, est un sacrifice continuel qui 312 ne peut être achevé que par la mort: nous savons que comme Jésus-Christ, étant au monde, s'est considéré et s'est offert à Dieu comme un holocauste et une véritable victime; que sa naissance, sa vie, sa mort, sa ré

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MSS. de l'Orat et supp. franç. : " Entrant au monde. »

surrection, son ascension et sa présence dans l'Eucharistie, et sa séance éternelle à la droite, ne sont qu'un seul et unique sacrifice; nous savons que ce qui est arrivé en Jésus-Christ doit arriver en tous ses membres.

Considérons donc la vie comme un sacrifice; et que les accidents de la vie ne fassent d'impression dans l'esprit des chrétiens qu'à proportion qu'ils interrompent ou qu'ils accomplissent ce sacrifice. N'appelons mal que ce qui rend la victime de Dieu victime du diable, mais appelons bien ce qui rend la victime du diable en Adam victime de Dieu; et sur cette règle examinons la nature de la mort.

Pour cette considération, il faut recourir à la personne de Jésus-Christ; car tout ce qui est dans les hommes est abominable, et comme Dieu ne considère les hommes que par le médiateur Jésus-Christ, les hommes aussi ne devraient regarder ni les autres ni eux-mêmes que médiatement par Jésus-Chrit. Car si nous ne passons par le milieu nous ne trouverons en nous que de véritables malheurs ou des plaisirs abominables; mais si nous considérons toutes choses en Jésus-Christ, nous trouverons toute consolation, toute satisfaction, toute édification.

Considérons donc la mort en Jésus-Christ, et non pas sans Jésus-Christ. Sans Jésus-Christ elle est horrible, elle est détestable et l'horreur de la nature. En Jésus-Christ elle est tout autre; elle est aimable, sainte et la joie du fidèle. Tout est doux en Jésus-Christ, jusqu'à la mort; et c'est pourquoi il a souffert et est mort 543 pour sanctifier la mort et les souffrances: et que comme Dieu et comme homme, il a été tout ce qu'il y a de

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