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Aujourd'hui que cette gloire est consacrée, les moindres reliques de ce rare et grand esprit devaient être recueillies avec un soin religieux. Sans doute, il y a çà et là quelques lignes dont le sens est obscur ou même inintelligible parce qu'elles n'ont pas été achevées; nous aurions pu les supprimer sans inconvénient; mais c'eût été nous arroger le droit de choisir, et une fois entré dans cette voie où aurions-nous dû nous arrêter? Quelque discrétion et quelque discernement que nous eussions apporté dans ce choix, on eût pu toujours croire à des retranchements arbitraires. Nous avons donc voulu que cette édition pût tenir lieu des textes manuscrits de Pascal, et particulièrement du мs. autographe. Nous avons lu, ou plutôt étudié ce мs., page à page, ligne à ligne, syllabe à syllabe, du commencement à la fin, et sauf un certain nombre de mots, que nous avons soin d'indiquer comme illisibles, il est passé tout entier dans notre édition.

Une observation qui doit être comme le commentaire perpétuel de cet ouvrage, c'est que la plupart des fragments dont il se compose n'é

saintes qu'il trouvait dans l'Écriture et dans les Pères lui firent espérer, dit Fontaine, qu'il ne serait point ébloui de tout le brillant de M. Pascal. >>

Quand on a lu la Logique de Nicole, et surtout la préface des Nouveaux éléments de Géométrie d'Arnauld, on comprend de "este pourquoi les Pensées eurent à subir de la part de Port-Royal certaines altérations de détail.

taient pas destinés à voir le jour. Il est sans doute d'un vif intérêt de surprendre ainsi dans sa production la plus naïve un puissant génie dont l'expression est d'autant plus libre qu'il parle sans songer au public; mais il serait injuste de prendre l'écrivain au premier mot qui s'échappe de sa plume; telle pensée, dont le tour paraîtra bizarre ou forcé, dont le sens est obscur ou la portée exagérée, aurait atteint dans une composition définitive le plus haut degré de justesse et de clarté.

On a dit souvent qu'une demi-vérité était aussi nuisible que l'erreur même, et que si la vérité semblait quelquefois dangereuse, c'était manque d'avoir été dite tout entière: cette réflexion s'applique admirablement au sujet qui nous occupe. Jusqu'à présent chacun, suivant son point de vue, s'est efforcé de saisir un des côtés de Pascal les uns ne voyant en lui qu'une dévotion parfaitement calme et soumise; les autres au contraire le représentant comme en proie à un scepticisme désolé, à une dévotion ridicule et convulsive 1. Ces opinions, exclusives et incomplètes, sont autant d'erreurs; il avait été facile de les accréditer en les appuyant tour à tour sur un texte tronqué. Le texte complet et vrai dévoilera enfin tout en

Ces expressions sont de M. Cousin: il est regrettable qu'elles soient échappées à la plume d'un écrivain qui, dans les beaux jours de son enseignement, a eu l'honneur, qui restera toujours attaché à son nom, d'avoir concouru à relever le spiritualisme en France. Pascal ridicule! Voltaire s'était contenté de l'appeler fou sublime.

tière la sublime intelligence de Pascal, au profit commun de la religion et de la philosophie.

La foi et la raison peuvent également revendiquer Pascal. Si elles paraissent quelquefois se heurter dans son âme, c'est que le temps lui a manqué, non-seulement pour terminer l'ouvrage qu'il méditait, mais surtout pour achever son œuvre intérieure, sorte de seconde création que le génie opère en soi-même, et pour fondre dans un tout harmonieux les éléments divers de sa pensée.

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Parmi les pages inédites de Pascal, on trouve ces lignes remarquables : « Il faut avoir ces trois qualités pyrrhonien, géomètre, chrétien sou« mis; et elles s'accordent et se tempèrent en << doutant où il faut, en assurant où il faut, er se « soumettant où il faut '.» Ces paroles hardies sont toute l'histoire de Pascal et résument l'état de son esprit.

Il était né avec une âme toute platonique. S'il eût suivi sa pente naturelle, il se fût de bonne heure porté à l'étude de la religion et à la recherche contemplative des grands problèmes de la condition humaine, Mais on sait combien est puissante l'influence des premiers exemples: la maison d'Étienne Pascal, son père, était une sorte d'académie des sciences; Pascal, enfant, vécut

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avec des hommes exclusivement adonnés aux mathématiques; la culture des sciences lui apparut donc tout d'abord comme le grand but de la vie, et il y appliqua toute la pénétration de son esprit.

Étienne Pascal ne voyait rien au-dessus de la géométrie. C'était un magistrat intègre, qui remplissait en homme de bien les devoirs de la vie civile et ceux de la famille, mais qui s'occupait assez peu de religion. Il était probablement de ces honnêtes gens qui avaient pour bréviaire les Essais de Montaigne. Ainsi tandis qu'il cultivait, outre mesure peut-être, l'esprit de son fils, il négligeait son éducation religieuse, et le cœur du jeune homme se nourrissait comme il pouvait dans la lecture de toutes sortes de livres. Dans ce pêlemêle, il rencontra les Essais, et son esprit curieux se laissa prendre à ces conversations pleines d'originalité et de saillies, dans lesquelles l'interlocuteur pèse avec tant de bonhomie apparente le pour et le contre des opinions humaines, qu'on est toujours tenté de croire qu'il va vous conduire à la vérité; mais Montaigne agite les questions sans les résoudre; il irrite dans les âmes le désir de connaître, et ne donne enfin que le doute pour toute sagesse.

Pascal était aux prises avec ce doute, et in

Voy. page 170 de ce volume.

struit par Montaigne de la vanité des sciences quand le hasard conduisit chez son père deux gentilshommes pleins de piété et de charité et liés avec Port-Royal. Le jeune Pascal reçut de leur exemple une sorte d'initiation; il lut les ouvrages d'Arnauld et de Saint-Cyran, et une nouvelle lumière se leva pour lui.

C'est à cette époque de sa vie qu'appartiennent les lettres inédites qui commencent ce volume; elles attestent les progrès rapides que fit Pascal dans la religion; elles montrent qu'il s'était retiré du doute en s'élançant tout d'un coup dans le mysticisme c'est ce qui arrive fréquemment aux âmes ardentes.

Nous avons vu plus haut comment Pascal entra dans la vie mondaine, et dans quelle société il se trouva entraîné. Le mysticisme a besoin de solitude et de silence; il ne tient pas longtemps au milieu des dissipations et du bruit. Pascal fut donc repris par les atteintes du doute, que dut rendre encore plus profondes le spectacle d'une société corrompue. Mais bientôt il revint chercher un abri dans la religion, et comme son âme était cette fois plus malade, il eut aussi un redoublement d'austère ferveur et se serra plus étroitement contre la Croix : quand on aperçoit au loin les matelots qui s'attachent au mât du navire, on peut estimer la violence de la tempête et la grandeur du péril.

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