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ont-ils péché? Ont-ils péché même avant d'exister? Et si l'on ne peut sans injustice m'imputer le crime d'un autre, pourquoi en suis-je puni? La justice de Dieu est-elle différente au fond, de celle des hommes ? Et c'est Jéhovah, le Dieu des êtres, qui m'ordonne de l'aimer par-dessus tout; c'est la Sagesse souveraine, c'est la souveraine Justice, qui aurait condamné toute la race d'Adam à l'esclavage et à la mort pour la faute de son premier père; et quelle faute! Comment concilier la bonté de Dieu et sa colère, sa clémence et sa vengeance, sa miséricorde et sa cruelle justice?

Quand je rentre en moi-même, quelque chose me dit que votre parole ne fait pas en vain vibrer mon cœur ; que ce cœur, que vous savez si bien remuer, est capable d'aimer et de prouver son amour. Je me sens la volonté et la force de suivre vos avis et de réaliser vos leçons. Vous nous avez conseillé de nous retirer de la foule, pour mieux entendre la voix de la vérité dans le calme de la solitude, et nous avons fui la foule. Vous nous avez recommandé de prier, d’invoquer la Vérité; c'est elle, nous avez-vous dit, qu'il faut rechercher dans toutes nos études, et depuis ce moment nous la cherchons, nous l'invoquons. Vous nous avez engagés à faire du bien à nos semblables, à travailler à l'amélioration de nos frères en Israël, à nous dévouer pour eux, pour leurs enfans, et nous le faisons. N'étions-nous pas libres de suivre vos con

seils ou de ne les suivre pas? Sans doute que vous ne nous croyez pas dans l'impossibilité d'accomplir votre parole: autrement vous ne nous l'adresseriez pas. S'il n'y avait qu'illusion dans la liberté dont je me glorifie, et dans la libération que d'autres espèrent; si tous se trompent et sont trompés, qu'est-ce donc que l'homme; qu'est-ce que ses croyances et ses espérances; qu'est-ce que la vérité? Oh! mon cher maître, ne me laissez point dans cette douloureuse incertitude. J'en suis au point de douter de tout, parce que je ne vois plus d'issue à rien. Le monde moral m'est un cahos, et je ne comprends plus rien à l'origine, à la nature, ni à la fin de l'homme. Tantôt il me semble le jouet d'une aveugle fatalité, et comme un être éphémère qui ne vit que d'illusions; tantôt il m'apparaît grand, noble, libre, dominateur du monde, et puis je le vois retomber dans l'ignominie, et redevenir esclave de ce qu'il devrait dominer. Ma conscience me crie sans cesse: Vertu, liberté ! Mais il faut bien l'avouer, je me sens accablé par quelque chose que je ne puis m'expliquer et qui pèse sur mon cœur comme une lourde chaîne. L'élan de ma volonté en est sans cesse entravé. Mon âme se sent faite pour la vie, pour la justice, pour le bien; et je ne sais quelle disposition sinistre se trouve au fond de mon être, qui me rendrait capable de tous les crimes, si je m'y laissais aller. Mon esprit est fait pour la vérité : je l'aime et la redoute tout ensemble. J'appelle et re

pousse à la fois la lumière qui doit percer les nuages de mon cœur et dissiper les troubles. Oh! de grâce, encore une parole de paix et de charité pour mon âme agitée!

TRENTE ET UNIÈME LETTRE.

LE MAITRE A EUDORE.

QUE Vous avez bien fait dans la disposition où vous êtes, mon cher Eudore, de vous adresser à votre ami, lui ouvrant votre âme, lui exposant ce qui l'agite et la tourmente; et que vous êtes bien inspiré d'en appeler à mon affection paternelle! Vous devez vous sentir soulagé par cet épanchement, et l'orage qui s'est élevé si subitement en vous se dissipera bientôt, je l'espère, par cela même qu'il a trouvé une issue. Oui je sens pour vous et vos amis quelque chose qui n'est pas ordinaire, et ce m'est un signe et comme un pressentiment, que le rapport qu'il a plu à la Providence d'établir entre nous ne sera pas stérile pour le bien et pour notre commun avancement. Vous souffrez, ami! Cette paix du Ciel que vous aviez commencé à goûter est troublée; cette lumière divine qui a lui dans vos ténèbres et s'est réfléchie dans votre intelligence s'est évanouie; la vérité semble vous délaisser, vous fuir. Croyez-moi, elle n'est pas loin;

mais un voile vient de tomber entre elle et vous, et

ce voile, c'est votre raison qui l'a jeté. Vous avez vu l'homme, tel que vous le vouliez voir, dans tout l'éclat de ce monde; vous l'avez considéré dans la gloire de son développement, tout brillant au milieu de la société, policé par la science et par les arts, tel surtout que vous le sentez dans votre âme généreuse, plein de courage et de droiture, et vous vous écriez: Est-ce là un être dégradé, un esclave? Mon ami, vous n'avez point songé à vous demander d'où cet être est parti, comment il est arrivé au point où vous le voyez, et quel terme il doit atteindre. C'est cependant ce qu'il faut savoir d'abord, pour comprendre quelque chose à la doctrine chrétienne, qui ne considère point l'homme comme un fait isolé dans le monde, sans rapports nécessaires avec ce qui coexiste avec lui; mais qui, embrassant l'humanité dans toutes les phases de son existence, et la suivant dans les périodes diverses de son développement sur la terre, explique l'état présent de l'individu et de la société par tous les faits généraux qui ont précédé cet état, et l'ont amené. Oui, l'homme est grand, noble, libre surtout par sa nature; et certes ce n'est pas moi qui lui contesterai aucun de ces brillans avantages. Mais il n'en est pas moins vrai que, par le fait même de sa naissance en ce monde, il est divisé en lui-même, et que sa liberté est entravée. Vous croyez voir ici une contradiction, et vous en êtes choqué, révolté. Nous

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