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incapable sans votre secours, et j'attends de votre bonté l'explication de ces symboles. Déjà vous m'avez convaincu que je ne suis point ce que je devrais, ce que je pourrais être; je ne doute plus que je ne sois arrivé malade en ce monde, car je sens mon mal. Mais la cause, la raison, la justice de cet état de choses, le mystère de l'iniquité, comme vous l'appelez, voilà l'abîme devant lequel je suis arrêté et qu'il me paraît impossible de franchir.

Mon cher maître, j'ai besoin de toute votre charité et de vos lumières, pour être affermi dans la voie nouvelle où vous m'avez introduit et où je marche encore si timidement. Le désir d'entrer dans la communion de l'Église chrétienne est au fond de mon âme; mais je ne veux y entrer qu'avec une pleine conviction de la vérité de sa doctrine sur tous les points, conviction que je regarderai comme inébranlable, quand elle ressortira de la science des lois de ma nature et des faits de ma conscience, et qu'elle ne sera pas seulement un produit de ma raison et de quelques argumens rationnels. Je veux croire au Christianisme, comme je crois maintenant à l'antagonisme qui divise mon existence, aux deux hommes qui sont en moi et qui constituent ma personne actuelle. Je veux croire au Christianisme en esprit et en vérité, par le fond même de mon âme. Sinon je me résignerai, quoique avec douleur, à être, sous le rapport religieux, plus sceptique ou plus indifférent que jamais.

TRENTE-TROISIÈME LETTRE.

LE MAITRE A EUDORE.

GRACE à la lumière qui a percé vos ténèbres, mon cher Eudore, et qui en vous éclairant, vous a fait voir l'état actuel de l'humanité et la condition de l'homme sur la terre, vous commencez à vous mieux connaître, à sentir plus vivement ce qui est en vous; et le sentiment de votre mal, gage de votre prochaine guérison, doit vous rendre l'espérance. Celui qui ne sent pas le mal qui le mine, ne songe point à le combattre. La maladie se développe sourdement, à son insu; et quand elle se déclarera, elle sera déjà si forte, que l'existence en sera menacée. Ce n'est pas que le malade n'éprouve au fond quelques douleurs secrètes, un malaise, de la pesanteur, des dégoûts, indices obscurs d'un désordre caché. Mais on ne veut pas le voir; on s'agite, on se secoue pour ne pas le sentir, et la peur du médecin ou du traitement fait qu'on dissimule le mal ou qu'on le néglige. Fatale sécurité qu'on déplorera plus tard! Ainsi en va-t-il avec les maladies

de l'âme. Il en coûte de les reconnaître, plus encore de les avouer; et le plus dur, c'est d'accepter le remède 'qu'elles ont rendu nécessaire; et cependant sans l'accomplissement de ces conditions, la guérison est impossible. C'est l'amour-propre et l'orgueil qui suscitent tant de difficultés. Nous n'aimons à voir la laideur nulle part, en nous-mêmes bien moins qu'ailleurs, et quand elle se montre au dehors malgré nous, quand le mal perce et transpire, nous employons toutes sortes de moyens pour en étouffer les signes, pour en cacher les symptômes. Nous nous enveloppons le mieux qu'il nous est possible; nous revêtons tour à tour les formes qui nous paraissent le mieux répondre aux rôles que nous voulons jouer, à l'effet que nous voulons produire. Notre vie se passe à nous déguiser, pour dérober aux yeux des autres ce que nous sommes, à nous draper pour voiler nos difformités, à nous masquer pour couvrir la lèpre qui nous ronge; semblables à ces hommes qui, par suite de leurs désordres et de leurs vices, portant déjà la corruption dans leurs entrailles et l'exhalant par leur souffle, s'arrosent de parfums pour en neutraliser l'odeur infecte, et créer autour d'eux une atmosphère factice qui n'abuse qu'eux-mêmes. Vous renoncez à ces ruses et à ces illusions, mon cher Eudore. Vous consentez à jeter le masque, à déposer le manteau, pour vous regarder à nu dans le miroir de la vérité : c'est la première condition de votre part pour recevoir

sa lumière et vous reconnaître en elle. Cher ami, persistez dans cette disposition; ne vous laissez point effrayer ni abattre en voyant la triste image que le miroir vous présente. Ayez le courage de regarder le mal en face, et considérez-le attaché à votre nature, mêlé à votre substance, identifié avec toute votre personne. Cette vue vous convaincra plus que tous les raisonnemens, de la nécessité du médecin et d'un remède approprié à votre état, et quand vous connaîtrez ce remède, vous l'en apprécierez davantage.

Non, mon ami, vous ne deviendrez point sceptique, comme vous paraissez le craindre, pas plus que vous ne pouvez tomber dans l'apathie morale, dans l'indifférence religieuse. Vous avez trop de lumières, trop de connaissances; la conscience que vous avez de vous-même est déjà trop intime, trop claire, trop philosophique, pour que vous puissiez douter de bonne foi et avec sécurité. Si donc, comme il le paraît, vous êtes appelé à être Chrétien un jour, j'ai l'espoir que vous le serez, non pas seulement de nom et en vertu du signe sacré par lequel vous serez incorporé à la grande famille des fidèles, mais comme vous le désirez, du fond de votre âme, par ce qu'il y a de plus intime, de plus vivant dans votre être. Je me flatte que vous serez un de ces adorateurs en esprit et en vérité que le Père veut et cherche, que vous serez Chrétien par la foi comme par la science, et d'une telle conviction, que vous serez prêt à rendre

témoignage à l'Évangile, même aux dépens de votre vie, car vous avez l'âme généreuse et vous aimez la vérité. Dieu seul peut donner cet amour, cette conviction, ce courage; mais il appartient à l'homme, créature intelligente et libre, de se disposer à recevoir ces dons, de seconder l'action prévenante de la grâce en l'attirant par son désir, en la recevant avec humilité et reconnaissance. Ce que nous avons à faire en ce moment, c'est d'écarter, autant qu'il dépend de nous, les nuages qui offusquent votre esprit, les préjugés qui l'entravent, les opinions contradictoires qui le divisent, afin qu'il puisse sortir de l'incertitude où il est si péniblement agité, et trouver, avec la lumière du Ciel et par elle, cette voie droite qu'il cherche depuis long-temps.

Dans mes lettres à vos amis, je leur ai parlé du dogme de la Trinité sacrée, qui affirme trois Personnes distinctes dans l'unité de la nature ou de la substance de Dieu, et je crois leur avoir montré que cette vérité première, fondement de la doctrine chrétienne, est encore le principe nécessaire de la science métaphysique véritable. Il ne sera pas inutile de vous faire voir aussi comment, de l'ignorance ou du dédain de cette vérité éternelle, ressortent les systèmes de la fausse métaphysique. Or ce que j'appelle métaphysique fausse, est une immense erreur qui a séduit dans tous les temps les esprits les plus forts et les plus subtils, qui se sont mis à rechercher l'origine des choses,

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