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saurais trop le redire, c'est le dogme de la Trinité qui sépare d'une manière absolue le Christianisme du panthéisme; c'est la foi vivante en ce dogme qui élève le Chrétien au-dessus du Juif et du païen.

Méfiez-vous donc de tous ces systèmes brillans d'identité absolue, qui confondent tout, la forme avec l'esprit, l'esprit avec l'idée, l'univers avec l'homme, l'homme avec Dieu; systèmes prônés par la philosophie moderne comme le point culminant de la science, et qui ne sont cependant que le vieux panthéisme grec rajeuni, ou le gnosticisme renouvelé et remis en œuvre. Aujourd'hui comme alors, les mêmes conséquences en sortent, ils produisent les mêmes fruits; car pour celui qui prétend que tout est Dieu, il n'y a plus de Dieu, il n'y a plus ni loi, ni devoir, bien, ni mal, ni liberté, ni conscience, ni science; il n'y a plus que fatalité, nécessité, indifférence absolue.

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Si vous voulez une science métaphysique véritable, il faut admettre les prémisses ou les vérités fondamentales énoncées dans les propositions suivantes :

1° Dieu seul est absolument un, simple dans sa substance, et trois dans sa manifestation en lui-même. L'infini a été Lui, infini, complet, parfait avant toute création.

2° Dieu voulant se manifester hors de lui comme créateur, a agi librement, sans aucune nécessité, et avec une infinie sagesse, comme ayant pleine conscience de son vouloir et de son idée.

3o Le fondement du possible est dans l'idée divine, et le fondement du réel dans l'expression de cette idée.

4° L'expression de l'idée divine par le Verbe, fait, à proprement dire, l'œuvre de la création.

5° Si l'univers est l'idée divine objectivée, exprimée au dehors par le Verbe, il ne peut être que bon dans son essence et dans sa substance. Dieu, dit Moïse, vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient bonnes.

6° Si tout ce que le Bien souverain a voulu, prévu, conçu en idée, exprimé, parlé ou fait, était bon, le mal n'est point de lui: ce n'est point Dieu qui a fait le mal, qui a créé la mort.

7° Si le fondement du mal ne peut se concevoir comme étant dans le vouloir ni dans l'idée de Dieu, si ce n'est point Dieu qui a fait le mal ni la mort, la mort et le mal ne sont point des créatures de Dieu; ils sont donc l'un et l'autre sans vérité, sans substance, quoiqu'ils apparaissent bien réellement dans le monde, le mal comme la négation que la créature libre et intelligente a faite du bien, le péché comme effet du mal, comme infraction libre de la loi de justice imposée à la créature avec la vie, la mort conséquence nécessaire du péché comme privation de la vie par suite du refus libre que la créature en a fait. Abus de la liberté, voilà le mot de l'énigme, l'explication du mystère; car c'est là le principe du mal et la cause de tous les maux.

Voilà, cher ami, ce que je sentais le besoin de vous dire aujourd'hui, pour disculper à vos yeux S. Paul de panthéisme, et pour vous mettre en garde contre cette erreur à laquelle vous êtes attaché sans le savoir. Je me réserve de répondre plus tard à vos autres questions sur l'origine du mal, ainsi que sur la loi primitive et la liberté.

TRENTE-QUATRIÈME LETTRE.

EUDORE AU MAITRE.

Ce n'est jamais sans émotion que j'ouvre et lis vos lettres, mon cher maître. Comme le malade qui désire le médecin, et craint ses décisions et ses ordonnances, j'aime et je redoute votre parole: je la redoute parce qu'elle me révèle les faiblesses de mon cœur et l'ignorance de mon esprit, et que l'amourpropre a peur de ce qui le blesse ; mais je l'aime aussi cette parole, oui je l'aime bien plus que je ne la crains, parce qu'elle met un baume sur les blessures qu'elle me fait, et me montre toujours le remède à côté du mal.

C'est ainsi que votre dernière lettre m'a découvert une grande erreur, à laquelle mon esprit était depuis long-temps attaché sans que j'en eusse conscience. Elle m'a fait reconnaître une singulière contradiction entre mes croyances comme Juif, et mes opinions comme philosophe.

Comme Juif, participant à cette foi antique qui

semble se transmettre avec le sang aux enfans d'Israël, héritier des traditions mosaïques qui ont imprimé profondément dans l'esprit des Hébreux l'idée du Dieu-un, manifesté au Sinaï, et dont le nom fait en quelque sorte toute leur science, toute leur richesse intellectuelle, j'étais théiste, monothéiste; je croyais en un seul Dieu, créateur du Ciel et de la terre, législateur de l'homme et du monde, gouvernant l'un et l'autre par sa puissance et par sa sagesse.

L'affirmation du Dieu unique avait, dès ma plus tendre enfance, retenti à mes oreilles, et le précepte de l'amour s'était conservé dans ma mémoire comme le sommaire de la loi et des Prophètes. Au milieu des tristes cérémonies de la Synagogue moderne, une chose m'a surtout frappé, et l'impression en est encore toute vive dans mon souvenir, c'est le moment solemnel où le peuple assemblé s'écrie énergiquement et comme d'une seule voix : «Écoute Israël! le Sei«gneur ton Dieu est éternellement unique.»

Mais le Juif ignore le mystère de l'Être dont il proclame l'unité, il ne connaît point celui dont il adore le nom il le craint, il le révère, mais il n'en peut avoir l'idée à cause du voile qui pèse sur son cœur. Ses préjugés ne lui permettent pas de chercher la science de l'être, il n'ose pas même prononcer le nom sacré de celui qu'il invoque. Je me suis de bonne heure affranchi de ces entraves. Désirant connaître scientifiquement ce que j'avais admis de confiance,

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