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dans cette réaction vraie et profonde de l'âme vers Dieu, dans cette reconnaissance amoureuse de la créature, qu'est le fondement de la dignité et de l'humilité chrétiennes, de l'humilité qui sent et avoue sa dépendance en face de Dieu, de la dignité qui ne reconnaît d'autre autorité légitime que celle qui vient de Dieu. Là est la raison profonde de la justice divine et humaine, la raison du droit, des lois et du devoir; là est la source de la piété véritable, de toute vertu pure et solide. Reconnaître devant Dieu, nonseulement en théorie, en spéculation, mais foncièrement en vérité et en pratique, que vous dépendez de lui, que sa volonté doit être la règle de la vôtre, c'est l'usage légitime de votre liberté morale. Aimer cette Volonté comme souverainement bonne et juste, c'est l'acte de la liberté métaphysique. Ignorer cette dépendance par insouciance ou légèreté, la méconnaître ou la nier par orgueil, ne point réagir positivement vers l'action divine, refuser l'hommage de la soumission libre et de l'amour dû à Dieu, c'est par le fait se séparer de la vie, se priver de son influence; c'est l'abus de la liberté morale et métaphysique, c'est le péché qui conduit à la mort.

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TRENTE-SIXIÈME LETTRE.

EUDORE AU MAITRE.

J'ÉTAIS bien triste, mon cher maître, quand j'ai écrit ma dernière lettre. Les angoisses du doute m'avaient ressaisi, et je me croyais retombé dans la malheureuse situation d'âme où vous m'avez trouvé, lorsque votre parole a commencé à agir sur mon esprit. J'ai passé plusieurs jours, sombre et désolé au milieu des immenses questions que j'avais soulevées, et qui m'accablaient en retombant sur moi de tout leur poids. Rien n'est plus cruel que l'incertitude à qui cherche la vérité de bonne foi pour l'embrasser et y attacher toute sa vie; car alors, si cette vérité s'obscurcit ou semble disparaître, si elle échappe à notre espoir et à notre poursuite, cette vie n'a plus d'objet ni de but, elle manque à la fois de terme et de point d'appui, elle s'affaisse sur elle-même faute de soutien, elle se ronge, elle se dévore. Voilà, mon cher maître, où j'en étais lorsque votre réponse m'est arrivée. Elle a été pour moi en ce moment comme

TOME II.

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une douce aurore après une nuit d'angoisses et de douleurs, comme une eau rafraîchissante dans les ardeurs de la fièvre. Un mot, un seul mot a calmé mes agitations en me rendant l'espoir avec la vie, et ce mot c'est le nom de l'amour!

Oui, je le sens et le conçois maintenant, et je vous rends grâce de m'en avoir donné la conscience, l'amour est le besoin le plus profond du cœur, la faim de l'âme, l'instinct de toutes les créatures; l'amour est la clé de tous les mystères, la solution de tous les problèmes de la nature, et voilà pourquoi il est le sommaire de la loi de l'homme, le premier des commandemens, le précepte général : Tu aimeras! Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces; lui seul est digne de tout ton amour, parce que lui seul ne manquera jamais à ton amour, car il est l'Éternel. Dieu veut que nous l'aimions, parce qu'il veut que nous vivions et qu'il est lui seul la source de la vie.

Je comprends aujourd'hui la nécessité de la loi morale qui n'est que la loi d'amour, comme je comprends la liberté et son inviolabilité. La créature humaine doit aimer librement, parce qu'image de son Auteur elle est aimée librement par lui. La miséricorde de Dieu à notre égard s'explique aussi bien que sa justice; il n'y a plus rien d'arbitraire, de fortuit ni dans l'une ni dans l'autre. La miséricorde est l'effusion de l'amour éternel qui nous prévient tou

jours. La justice est l'exigence du retour de la créature ou de sa réaction légitime vers l'amour préve– nant; et c'est par ce retour que se complète le rapport entre l'homme et son principe. L'amour est donc la loi essentielle de l'homme, loi immuable, éternelle, nécessaire, loi de la vie qui régit tout ce qui se meut et respire, et à laquelle l'homme obéit, lors même qu'il semble la violer, puisque sa liberté ne s'exerce que par le choix de l'objet de son amour, et ainsi il ne peut vivre sans aimer, il ne vit qu'en ai

mant.

Aimer c'est vivre, vivre c'est aimer. Partout et toujours, l'amour est la condition de la vie. L'enfant ne vit que par l'amour de sa mère dont la tendresse excite sa réaction; et il ne croît, ne se développe et ne se fortifie dans son corps, que par le rapport vivant avec le sein maternel. C'est quand le disciple aime son maître, quand il reçoit sa parole avec confiance et docilité, qu'il la garde dans son cœur et s'empresse de la réaliser, plus par le désir de lui plaire que par la crainte de la punition; c'est alors que l'enseignement lui est vraiment profitable, parce qu'il y a pénétration de leurs esprits, communication de la vie spirituelle, parce qu'ils sont unis par l'amour. Il en doit être de même de la société et des grands rapports qu'elle établit entre les hommes, dans l'ordre public et privé. Là où il n'y a que la force, des conventions, des intérêts, quelque bien arrangées

que soient les choses, quelque habilement combinées qu'elles paraissent, si l'amour manque, il n'y a ni vertu, ni vie, ni durée: c'est l'amour qui a produit dans tous les temps les merveilles du patriotisme, car en lui seul est la puissance du dévoûment.

A mesure que mon intelligence conçoit mieux le sens du mot amour et tout ce qu'il renferme, je me sens plus profondément touché de certaines paroles que j'entendais et répétais naguère avec indifférence, et qui maintenant excitent mon admiration. Voilà donc pourquoi dans l'ancien Testament le précepte d'aimer Dieu par-dessus tout est si souvent répété! Voilà pourquoi l'Éternel est si jaloux de l'amour et de la confiance de son peuple, pourquoi il tend toujours à ramener à lui Jérusalem infidèle, pourquoi il se plaint si amèrement par ses Prophètes de l'adultère de Sion! Voilà pourquoi le précepte de s'aimer les uns les autres est donné par le Christ à ses Disciples, comme le commandement nouveau qu'il est venu apprendre aux hommes à mettre en pratique'! «Aimez-vous mutuellement comme je vous ai ai«més... Celui qui aime dans la vérité donne sa vie pour l'objet qu'il aime... Le bon Pasteur la donne «pour ses brebis, parce qu'il les aime... Aimez ceux "même qui vous haïssent et vous persécutent.... Beaucoup de péchés sont remis à celui qui a beau« coup aimé. » Toujours l'amour! S. Jean, dans l'une de ses Épîtres, écrit ces paroles qui autrefois m'ont

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