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s'aggréger aux idées du platonisme, aux abstractions du péripatéticisme et du stoïcisme, et il en résulta une espèce de farrago, et, passez-moi le mot, gâchis philosophique, où les subtilités dialectiques de l'esprit grec s'adaptèrent aux imaginations, aux exagérations et aux superstitions de l'Orient, à la cabalistique, à la théurgie, à la magie, etc. On eût dit que la Providence, au moment où une nouvelle ère commençait pour l'humanité, voulait faire ériger par la main de l'homme un monument qui attesterait à tous les siècles futurs l'impuissance de la raison à acquérir par elle seule l'évidence d'aucune vérité métaphysique, la folie de la sagesse humaine qui cherche la science sans Dieu et hors de Dieu. Puis, comme il arrive toujours à la suite d'un tel dogmatisme, parut le scepticisme qui envahit la société et la précipita dans les excès des jouissances animales, dans l'indifférencé morale et l'oubli de toute vérité, dans le désespoir de l'esprit, dans le marasme du cœur. C'est dans cet état que les envoyés du Christ et leurs successeurs trouvèrent la société civilisée quand ils vinrent lui apporter l'Évangile du salut.

Il est inutile de vous dire que la doctrine prêchée par les Apôtres n'était point une théorie humaine, un système de philosophie, mais une doctrine toute céleste; que la religion qu'ils venaient établir était celle des Patriarches, de Moïse et des Prophètes dans son progrès. La religion est une; elle est l'arbre de

les

vie transplanté sur la terre après la chute de l'homme: la parole de l'Éternel en est la racine et la sève, traditions primitives et le mosaïsme en sont le tronc, le Christianisme en est la couronne. L'apparition du Christianisme dans le monde a été l'événement le plus heureux de tous les siècles. Il annonçait l'affranchissement de l'humanité, sa réhabilitation dans ses droits originels. Par lui, elle entrait dans une nouvelle période de son existence terrestre; elle passait des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. Aussi, à l'instant où toutes les conditions de cette grande libération furent accomplies, la terre fut ébranlée, le soleil s'obscurcit, les pierres se fendirent, des morts reparurent, le voile qui cachait les mystères du sanctuaire se déchira en deux parties du haut en bas.... en ce moment le Sauveur du monde expirait sur la croix !

La doctrine évangélique, forte de toutes les traditions anciennes et riche de vérités nouvelles plus sublimes que tout ce qui avait été enseigné jusqu'alors, vint rendre raison de la triste expérience que les hommes avaient faite jusqu'alors de la vanité de leurs spéculations et de l'impuissance où est l'esprit humain de s'élever jamais par lui-même à l'évidence, à la connaissance certaine d'aucune vérité, d'aucune loi métaphysique. La conviction de cette impuissance a toujours été et est encore la première disposition nécessaire pour recevoir avec fruit la parole du salut.

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Aussi Paul, l'Apôtre philosophe, écrivant aux fidèles de Rome et de Corinthe, encore trop attachés à la philosophie païenne, leur parle avec force pour les convaincre de cette impuissance. «Qui connaît, dit«il, ce qui est en l'homme, sinon l'esprit de l'homme «qui est en lui? De même nul ne connaît ce qui est en «Dieu que l'esprit de Dieu. Or, nous n'avons point «reçu l'esprit du monde (l'esprit de l'homme na«<turel, , pour raisonner des choses naturelles et du monde); mais nous avons reçu l'esprit de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous «a faits ; et nous les annonçons, non pas avec les discours de la sagesse humaine, mais avec ceux que l'esprit enseigne..., et par les effets sensibles de l'es«prit et de la vertu de Dieu, afin que votre foi ne « soit pas établie sur la sagesse des hommes (sur des argumens et des syllogismes), mais sur la puissance de Dieu. Nous prêchons néanmoins la sagesse aux parfaits, non la sagesse de ce monde, ni celle des "princes de ce monde qui se sont rendus inutiles; mais nous prêchons la sagesse de Dieu, enfermée

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dans son mystère, cette sagesse cachée qu'il avait "préparée avant tous les siècles pour notre gloire et "que nul des princes de ce monde n'a comprise.» (I Corinth., chap. II, v. 11, 12, 13, 4, 5 et suiv.)

«Aussi, que sont-ils devenus ces sages, ces doc<«teurs de la loi, ces esprits curieux des sciences du "siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse

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« de ce monde, » qui n'a point su le connaître dans les ouvrages de sa sagesse. (I Corinth., chap. I, v. 20.) Puis l'Apôtre affirme avec autorité «que «l'homme animal n'est point capable des choses qui << sont de l'esprit de Dieu, qu'elles lui paraissent une «folie et qu'il ne peut les comprendre (parce que ce «n'est point par la lumière naturelle), mais par une lumière spirituelle qu'il en faut juger (lumière que «<l'homme animal n'est point capable de percevoir.)» (Ire Corinth., chap. II, v. 14.)

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Je vous engage à méditer sérieusement ces paroles de l'Apôtre, qui expriment si nettement le rapport mystérieux de l'esprit de Dieu et de l'esprit de l'homme, et par conséquent de la théologie et de la psychologie. C'est cette doctrine qui ne voulait pas des discours éloquens de la sagesse sagesse humaine pour fondement de la foi, qui excluait hautement le savoir-faire de la raison, qui décidait nettement son incompétence pour juger des choses qui sont de l'esprit de Dieu; c'est cette doctrine prêchée avec autant de simplicité que d'autorité, appuyée qu'elle était par les effets sensibles de la vertu divine, qui a tout changé sur la terre, la spéculation et la pratique, la vie privée et la vie sociale, le monde civilisé et celui qui ne l'était pas. Ce fut alors que naquit la théologie, science essentiellement chrétienne, et qui, en christianisant la philosophie, a élevé la spéculation de l'intelligence au plus haut degré dont elle est capable. Le Juif avait foi en

Dieu; mais il n'avait pas, il ne pouvait avoir la science de Dieu. L'idée de l'Être n'était point développée en lui: le mystère de la génération éternelle ne lui avait point été manifesté. Le Père n'est connu que du Fils et de celui auquel le Fils le révèle, et le Fils n'était point encore venu parmi les hommes; il n'y avait point encore d'adorateurs en esprit et en vérité.

C'est cette science de Dieu et de son Verbe par lequel toutes choses ont été faites, cette science du rapport nécessaire de Dieu avec l'homme et du rapport libre de l'homme avec Dieu, que professaient les premiers philosophes chrétiens, dont les uns, nés dans le paganisme, étaient platoniciens, dont les autres, nés dans le sein de l'Église, mais instruits dans les lettres et les arts de la Grèce, ramenaient toutes leurs connaissances au centre de l'unité, et puisaient dans la parole divine les principes et la sanction de leur enseignement. C'est ainsi que S. Justin, Clément d'Alexandrie, Origène, S. Athanase et tant d'autres cherchèrent à conduire les esprits à la source de la vraie science, de cette science qui a pour objet les vérités et les lois éternelles, et pour résultat, non-seulement les délices de l'admiration et de la contemplation, mais encore le goût et la pratique du bien; car le caractère essentiel de la philosophie chrétienne, c'est qu'elle stimule l'activité de l'homme et la dirige vers ce qui est bon, juste, utile à tous, vers le bien commun. Aussi, depuis que l'Évangile a été annoncé, depuis

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