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siècle pour la religion telle qu'on l'enseigne le plus généralement, bien que cette philosophie sente le besoin de revenir aux principes religieux, ou plutôt justement parce qu'elle éprouve ce besoin. Elle a été trop dégoûtée du rationalisme dans ses propres spéculations pour aimer à le retrouver dans la religion.

Que faudrait-il pour remédier à un mal aussi grave, aussi profond? Rien moins qu'un coup de Providence pour désabuser la théologie rationnelle de l'illusion de sa puissance et de ses argumens. Il faudrait dans les écoles chrétiennes des études préparatoires plus fortes et plus variées, suivies d'un enseignement philosophique qui ne soit plus déiste ni païen, mais religieux et vraiment chrétien.

Il faudrait une métaphysique basée non sur la notion vague et indéfinie de l'être en général, mais sur la foi au Principe universel tel que le symbole chrétien le propose, sur la foi au Dieu unique, au Dieu père, Fils et Esprit; car, et je vous engage à bien remarquer ceci, si vous n'admettez pas avec l'idée du Un absolu, celle de son éternelle génération en luimême, vous n'aurez jamais qu'une métaphysique panthéistique. Dieu sera toujours pour vous l'âme du monde, l'esprit du monde; le monde sera toujours corps ou la forme de Dieu, l'accident de la substance divine, l'existence de l'être Dieu, son émanation, son évolution, etc.

le

Il faudrait une psychologie analytique, partant des

anciennes traditions qui nous apprennent l'origine de l'homme, sa double nature et sa loi, une psychologie justifiée par les faits de la conscience et par le développement progressif du caractère humain dans l'individu, dans l'espèce et dans le genre.

Il faudrait une logique sérieuse qui déterminât nettement le caractère et le pouvoir, le droit et l'objet de la raison d'après son rang dans la hiérarchie de nos facultés, une logique qui apprît, non point à percevoir la vérité en elle-même (où prendrait-elle le criterium pour la connaître?), mais à discerner le vrai dans la proposition, le sophisme dans le discours, le vice dans le raisonnement.

Il faudrait une morale déduite de notre double nature physique et psychique, mortelle et immortelle, et de nos rapports nécessaires avec Dieu, avec nos semblables et avec le monde. Il faudrait, en un mot, une philosophie qui fût la réalisation complète et véritable du nosce te ipsum. Et cette étude de l'homme vivant, bien autrement intéressante et instructive que celle des opinions, des distinctions, des abstractions rationnelles, ne demanderait ni plus de temps ni plus d'application; elle disposerait la raison naturellement païenne à adhérer franchement et librement aux dogmes chrétiens, en même temps qu'elle préparerait l'intelligence à en comprendre le sens métaphysique; et ainsi la science essentiellement catholique, la théologie, se développant progressive

ment dans l'Église, et embrassant dans son idée sublime l'histoire de l'humanité déchue et régénérée, deviendrait à la fois la base et la sanction de la philosophie, de la vraie science de l'homme. Cette double science serait comme l'échelle de Jacob, par laquelle les vertus du Ciel descendent vers la terre pour lui transmettre la lumière et la sagesse divine, et par où elles remontent au Ciel pour rapporter à Dieu la science et l'hommage de l'homme.

Verrons-nous jamais un état de choses si désirable? Je ne sais. Mais ce que je sens et prévois avec douleur, c'est que, si le clergé s'obstine à rester stationnaire au milieu du mouvement scientifique qui entraîne la société, il ne pourra bientôt presque plus rien pour elle; le flambeau de la foi s'éteindra dans notre belle France et nous retournerons à la barbarie. La civilisation moderne est le fruit du Christianisme. Attaquez l'arbre dans sa racine ou négligez de le cultiver, le fruit va se dessécher ou dégénérer.

VINGT-NEUVIÈME LETTRE.

ADOLPHE AU MAITRE.

J'AI lu avec toute l'attention dont je suis capable la suite des lettres que vous avez bien voulu m'adresser, en réponse à l'importante question que j'ai pris dernièrement la liberté de vous soumettre. Elles ont résolu toutes mes difficultés, et je vois maintenant clairement ce qui naguère m'était si obscur. A mesure que je les lisais, la lumière pénétrait si doucement dans mon intelligence, que je fus étonné en finissant de n'avoir pas compris plus tôt les causes de ce grand antagonisme de la philosophie et de la théologie, et il me fallut presque un effort de réflexion pour me rappeler les doutes que j'avais eus précédemment sur ce point. Combien cette lecture m'a confirmé dans ma foi en la révélation divine! Comme je sens mieux la nécessité de cette révélation, comme j'en apprécie mieux les bienfaits, depuis qu'il m'est devenu évident qu'elle a été dans tous les temps la source de la science véritable, et que la philosophie

n'a été ce qu'elle doit être, c'est-à-dire amour et doctrine de la sagesse, qu'autant qu'elle s'est laissée conduire par elle, s'appuyant sur sa parole et suivant ses sublimes inspirations. Et, au contraire, comme la raison de l'homme s'est égarée, obscurcie, embarrassée dans ses propres voies, toutes les fois qu'elle a fait scission avec la parole révélée, avec la tradition qui la propage, pour se créer une science propre et purement humaine! Ainsi s'explique, comme vous nous l'avez si bien montré, la vraie et la fausse philosophie dont les doctrines se combattent dans le monde à toutes les époques.

Après avoir long-temps médité, et je puis dire savouré vos lettres, je les ai communiquées successivement à mes amis, et j'ai vu avec joie qu'elles produisaient en eux les mêmes effets que j'en avais éprouvés. L'impuissance de la raison à fonder par ses seules lumières naturelles une doctrine métaphysique leur a été démontrée, et ils ont compris, comme conséquence de cette première vérité, la nécessité de puiser dans la révélation les principes immuables de la science. L'alliance de la philosophie et de la théologie leur a donc paru indispensable, pour avoir d'un côté une philosophie véritable et solidement fondée, et de l'autre une théologie scientifique et bien développée. Cette vue a singulièrement corroboré l'impression qu'avaient faite sur leur esprit vos précédentes lettres sur l'Église, et leur con

TOME II.

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