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»niment bon, infiniment miséricordieux, >> infiniment juste; votre beauté est incom» parable, votre force irrésistible, votre >> puissance sans bornes. Toujours en action, » toujours en repos, vous soutenez, vous >> remplissez, vous conservez l'Univers ; vous >> aimez sans passion, vous êtes jaloux sans >> trouble; vous changez vos opérations, et » jamais vos desseins..... Mais que vous >> dis-je ici, ô mon Dieu ! et que peut-on dire » en parlant de vous »?

Le même homme qui a tracé cette brillante image du vrai Dieu, va nous parler à présent avec la plus aimable naïveté des erreurs de sa jeunesse :

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« Je partis enfin pour Carthage. Je n'y » fus pas plutôt arrivé, que je me vis assiégé d'une foule de coupables amours, >> qui se présentoient à moi de toutes parts.... » Un état tranquille me sembloit insupportable, et je ne, cherchois que les chemins. pleins de piéges et de précipices.

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» Mais mon bonheur eût été d'être aimé » aussi bien que d'aimer, car on veut trou» ver la vie dans ce qu'on aime.... Je » tombai enfin dans les filets où je desirois » d'être pris: je fus aimé, et je possédai ce » que j'aimois. Mais, ô mon Dieu! vous » me fîtes alors sentir votre bonté et votre » miséricorde, en m'accablant d'amertume;

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» car, au lieu des douceurs que je m'étois promises, je ne connus que jalousie, soup»çons, craintes, colère, querelles et empor

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» temens ».

Le ton simple, triste et passionné de ce récit, le beau retour vers la Divinité et vers le calme du Ciel, au moment même où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre et le souvenir des erreurs de sa vie; ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes. Nous ne connoissons point de mot de sentiment plus délicat que celuici: «<< Mon bonheur eût été d'être aimé aussi » bien que d'aimer, car on veut trouver » la vie dans ce qu'on aime ». qu'on aime ». C'est encore saint Augustin qui a dit cette parole rêveuse : Une ame contemplative se fait à ellemême une solitude. La Cité de Dieu, les épîtres et quelques traités du même Père, sont pleins de ces sortes de pensées.

Saint Jérôme brille sur-tout par une imagination vigoureuse, que n'avoit pu éteindre

chez lui une immense érudition. Le recueil de ses lettres est un des monumens les plus curieux de la littérature des Pères. Ainsi que saint Augustin il trouva son écueil dans les voluptés du monde.

Il aime à peindre la nature et les douceurs de la solitude (1). Du fond de sa grotte de

(1) Epist. 12.

Bethleem, il voyoit la chûte de l'Empire romain quel vaste sujet de réflexions pour un saint anachorète! Aussi, la mort et la vanité de nos jours, sont-elles sans cesse présentes à saint Jérôme.

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« Nous mourons, et nous changeons à toute heure, écrit-il à un de ses amis » et cependant nous vivons comme si nous » étions immortels. Le temps même que j'emploie ici à dicter, il le faut retrancher » de mes jours. Nous nous écrivons souvent, » mon cher Héliodore; nos lettres passent » les mers, et à mesure que le vaisseau fuit, notre vie s'écoule; chaque flot en >> emporte un moment (1)».

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De même que saint Ambroise est le Fénélon des Pères, Tertullien en est le Bossuet. Une partie de son plaidoyer pour la religion pourroit encore servir aujourd'hui dans la même cause. Chose étrange! que le christianisme soit obligé de se défendre devant ses enfans, comme il se défendoit autrefois devant ses bourreaux, et que l'apologétique aux GENTILS soit devenue l'apologétique aux CHRÉTIENS!

Ce qu'on remarque de plus frappant dans cet ouvrage, c'est le développement de l'esprit humain. On est jeté dans un nouvel

(1) Hieron. Epist.

ordre d'idées, on sent que ce n'est plus la première antiquité, ou le bégayement de l'homme qui se fait entendre.

Tertullien parle comme un moderne; ses motifs d'éloquence sont pris dans le cercle des vérités éternelles, et non dans les raisons de passion et de circonstance employées à la tribune romaine, ou sur la place publique des Athéniens. Ces progrès du génie philosophique sont évidemment le fruit de notre sainte religion. Sans le renversement des faux Dieux, et l'établissement du vrai culte, l'homme auroit vieilli dans une enfance interminable; car étant toujours dans l'erreur, par rapport au premier principe, toutes ses autres notions se seroient plus ou moins ressenties du vice fondamental.

Les autres traités de Tertullien, en particulier ceux de la Patience, des Spectacles, des Martyrs, des Ornemens des femmes, et de la Résurrection de la chair, sont semés d'une foule de beaux traits. Je ne sais, dit l'orateur, en reprochant le luxe aux femmes chrétiennes ; « je ne sais si des > mains accoutumées aux bracelets, pour»ront supporter le poids des chaînes ; si des pieds ornés de bandelettes, s'accoutume»ront à la douleur des entraves. Je crains » bien qu'une tête couverte de réseaux de

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perles et de diamans, ne laisse point de » place à l'épée (1) ».

Ces paroles, adressées à des femmes qu'on conduisoit tous les jours à l'échafaud, étincellent de courage et de foi.

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Nous regrettons de ne pouvoir citer toute entière la belle épître aux martyrs, devenue plus intéressante pour nous depuis la persécution de Robespierre: «< Illustres confesseurs de » Jésus-Christ, s'écrie Tertullien, un chré» tien trouve dans la prison les mêmes » délices que les prophêtes trouvoient au » désert.... Ne l'appelez plus un cachot; >> mais une solitude. Quand l'ame est dans » le ciel, le corps ne sent point la pesan>>teur des chaînes, elle emporte avec soi » tout l'homme »>!

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Cela nous semble sublime.

C'est du prêtre de Carthage que Bossuet a emprunté ce passage si terrible, et si admiré : « Notre chair change bientôt de » nature, notre corps prend un autre nom, » même celui de cadavre, dit Tertullien, » parce qu'il nous montre encore quelque forme humaine ne lui demeure pas

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(1) Locum spathæ non det. On peut traduire, ne plie sous l'épée : j'ai préféré l'autre sens comme plus littéral et plus énergique. Spatha, emprunté du grec, est l'étymologie de notre mot épée.

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