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leurs études. Le moine Lazare eut le courage d'être le martyr de son art. Ce fut en vain que Théophile lui fit brûler les mains pour l'empêcher de tenir.le pinceau. Ce glorieux moine, caché dans le souterrain de l'église de saint Jean-Baptiste, peignit avec ses doigts mutilés le grand saint dont il étoit le suppliant (1); digne, sans doute, de devenir le patron des peintres, et d'être reconnu de cette famille sublime, que le souffle de l'esprit ravit au-dessus des hommes.

Sous l'empire des Goths et des Lombards, le christianisme continua de tendre une main secourable aux talens. Ces efforts se remarquent surtout dans les églises bâties par Théodoric, Luitprand et Didier. Le même esprit de religion inspira Charlemagne ; et l'église des Apôtres, élevée par ce grand prince à Florence, passe encore, même aujourd'hui, pour un beau monument (2).

Enfin, vers le treizième siècle, la religion chrétienne, après avoir lutté contre mille obstacles, ramena en triomphe le chœur des Muses sur la terre. Tout se fit pour les églises et par la protection des pontifes et des princes religieux. Bouchet, grec d'origine, fut le premier architecte ; Nicolas, le

(1) Maimb. Hist. des Iconocl. Cedren. Curopal. (2) Vasari. proëm. del. vit.

premier sculpteur; et Cimaboue, le premier peintre, qui tirèrent le goût antique des ruines de Rome et de la Grèce. Depuis ce temps, les arts, entre diverses mains, et par divers génies, parvinrent jusqu'à ce grand siècle de Léon X, où éclatèrent, comme des soleils, Raphaël et Michel-Ange.

On sent qu'il n'est pas de notre sujet de faire l'histoire technique de l'art. Tout ce que nous devons montrer, c'est en quoi le christianisme est plus favorable à la peinture que toute autre religion. Or, il est aisé de prouver trois choses: 1°. que la religion chrétienne étant d'une nature toute spirituelle et mystique, fournit au peintre un beau idéal plus parfait et plus divin, que celui qui naît d'un culte matériel; 2°. que, corrigeant la laideur des passions, ou les combattant avec force, elle donne des tons plus sublimes à la figure humaine, et fait mieux sentir l'ame dans les muscles, et les liens de la matière ; 3°. enfin, qu'elle a fourni aux arts des sujets plus beaux, plus riches, plus dramatiques, plus touchans, que les sujets mythologiques.

Les deux premières propositions ont été amplement développées dans notre examen de la poésie nous ne nous occuperons donc que de la troisième.

CHAPITRE V.

Des sujets de Tableaux.

VERITÉS fondamentales :

1o. Les sujets antiques sont restés sous la main des peintres modernes; ainsi avec les scènes mythologiques, ils ont de plus les scènes chrétiennes;

2o. Ce qui prouve que le christianisme parle plus au génie que la fable; c'est qu'en général nos grands maîtres ont mieux réussi dans les fonds sacrés, que dans les fonds profanes;

3°. Les costumes modernes conviennent peu aux arts d'imitation; mais le culte catholique a fourni à la peinture des costumes aussi beaux que ceux de l'antiquité (1). Pausanias (2), Pline (3) et Plutarque (4),

(1) Et ces costumes des pères et des premiers chrétiens (costumes qui sont passés à nos religieux), ne sont autres que la robe des anciens philosophes grecs, appelés or ou pallium. Ce fut même un sujet de persécution pour les fidèles; lorsque les Romains ou les Juifs les appercevoient ainsi vétus, ils s'écrioient : Ofpaixos oxidelns, & l'imposteur grec! (Hier. ep. 10, ad Furiam.) On peut voir Kortholt, de morib. christ. cap. III, p. 23, et Bar. an, LVI, n. 11. Tertulien a écrit un livre entier (de Pallio), sur ce sujet. (2) Pausan. lib. V.

(3) Plin. lib. XXXV, cap. VIII, IX. (4) Plut, in Hipp. Pomp. Lucul, etc.

nous ont conservé la description des tableaux de l'école grecque. Zeuxis avoit pris pour sujet de ses trois principaux ouvrages, Pénélope, Hélène et l'Amour; Polignote avoit figuré sur les murs du temple de Delphes, le sac de Troie et la descente d'Ulysse aux enfers; Euphranor peignit les douze Dieux, Thésée donnant des loix, et les batailles de Cadmée, de Leuctre et de Mantinée; Apelle représenta Vénus Anadiomènes, sous les traits de Campaspe, AEtion les noces d'Alexandre et de Roxane, et Thimante le sacrifice d'Iphigénie.

Rapprochez ces sujets des sujets chrétiens, et vous en sentirez bientôt l'infériorité. Le sacrifice d'Abraham, par exemple, est aussi touchant, et d'un goût plus simple que celui d'Iphigénie : il n'y a là ni soldats, ni groupe, ni tumulte, ni tout ce mouvement qui sert à distraire de la scène. C'est le sommet solitaire d'une montagne; c'est un patriarche qui compte ses années par siècle; c'est un couteau levé sur un fils unique; c'est le bras de Dieu suspendant le bras paternel. Les histoires de l'Ancien Testament ont rempli nos temples de pareils tableaux, et l'on sait combien les mœurs patriarchales, les costumes de l'Orient, la grande nature des animaux et des solitudes de l'Asie sont favorables au pinceau.

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Le Nouveau - Testament change le génie de la peinture. Sans lui rien ôter de sa sublimité, il lui donne plus de tendresse. Qui n'a cent fois admiré les nativités, les vierges: et l'enfant, les fuites dans le désert, les couronnemens d'épines, les sacremens, les missions des apôtres, les descentes de croix, les femmes au saint sépulchre? Des bacchanales, des fêtes de Vénus, des rapts, des métamorphoses, peuvent-ils toucher le cœur, comme les tableaux tirés de l'Ecriture? Le christianisme nous montre par-tout la vertu et l'infortune, et le polythéïsme est un culte de crimes et de prospérité : notre religion à nous, c'est notre histoire; c'est pour nous que tant de spectacles tragiques ont été donnés au monde ; nous sommes partie dans les scènes que le pinceau nous étale. Un grec ne prenoit sans doute aucun intérêt à la peinture d'un demi-dieu, qui ne s'inquiétoit guère s'il étoit heureux ou misérable; mais les accords les plus moraux et les plus touchans se reproduisent dans les sujets chrétiens. Soyez à jamais glorifiée, religion de Jésus-Christ, vous qui aviez représenté au Louvre le roi des rois crucifié, le jugement dernier au plafond de la salle de nos juges, une résurrection à l'hôpitalgénéral, et la naissance du Sauveur à la maison de ces orphelins, délaissés de leur père et de leur mère.

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