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barquai avec Atala, et nous nous abandonnâmes au cours du fleuve »>,

« Le village de Stico, avec ses tombes pyramidales et ses huttes en ruines, se montroit à notre gauche, au détour d'un promontoire nous laissions à droite la vallée de Keow, terminée par la perspective des cabanes de Jore, suspendues au front de la montagne du même nom. Le fleuve qui nous entraînoit, couloit entre de hautes falaises, au bout desquelles on appercevoit le soleil couchant. Ces profondes solitudes n'étoient point troublées par la présence de l'homme. Nous ne vîmes qu'un chasseur Indien, qui, appuyé sur son arc et immobile sur la pointe d'un rocher, ressembloit à une statue, élevée dans la montagne au génie de ces déserts ».

<< Atala et moi nous joignions notre silence au silence de cette scène du monde primitif, quand tout-à-coup la fille de l'exil fit éclater dans les airs une voix pleine d'emotion et de mélancolie elle chantoit la patrie absente >>

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« Heureux ceux qui n'ont point vu la » fumée des fêtes de l'étranger, et qui ne » se sont assis qu'aux festins de leurs pères»>!

« Si le geai bleu du Meschacebé disoit à » la Nonpareille des Florides : pourquoi vous plaignez-vous si tristement? n'avez» vous pas ici de belles eaux et de beaux P..

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» ombrages et toutes sortes de pâtures » comme dans vos forêts? Oui, répondroit » la Nonpareille fugitive; mais mon nid est » dans le jasmin : qui me l'apportera? et » le soleil de ma savane, l'avez-vous »?

<<< Heureux ceux qui n'ont point vu la » fumée des fêtes de l'étranger, et qui ne se » sont assis qu'aux festins de leurs pères»>!

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Après les heures d'une marche pénible, » le voyageur s'assied tristement. Il contemple autour de lui les toits des hommes; » le voyageur n'a pas un lieu où reposer » sa tête! Le voyageur frappe à la cabane, » il met son arc derrière la porte, il demande l'hospitalité ; le maître fait un geste de la » main : le voyageur reprend son arc, et » retourne au désert » !

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« Heureux ceux qui n'ont point vu la » fumée des fêtes de l'étranger, et qui ne se » sont assis qu'aux festins de leurs pères » !

« Merveilleuses histoires racontées autour » du foyer, tendres épanchemens du cœur, » longues habitudes d'aimer si nécessaires à » la vie, vous avez rempli les journées de » ceux qui n'ont point quitté leur pays natal! » Leurs tombeaux sont dans leur patrie,

» avec le soleil couchant, les pleurs de leurs amis, et les charmes de la religion »!

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<<< Heureux ceux qui n'ont point vu la » fumée des fêtes de l'étranger, et qui ne se » sont assis qu'aux festins de leurs pères»>!

Ainsi chantoit Atala: rien n'interrompoit ses plaintes, hors le bruit insensible de notre canot sur les ondes. En deux ou trois endroits seulement, elles furent recueillies par un foible écho, qui les redit à un second plus foible, et celui-ci à un troisième, plus foible encore on eût cru que les ames de deux amans, jadis infortunés comme nous, attirées par cette mélodie touchante, se plaisoient à en soupirer les derniers sons dans la montagne ».

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Cependant la solitude, la présence continuelle de l'objet aimé, nos malheurs même, redoubloient à chaque instant notre amour. Les forces d'Atala commençoient à l'abandonner, et les passions, en abattant son corps, alloient triompher de ses vertus chrétiennes. Elle prioit cóntinuellement sa mère, dont elle avoit l'air de vouloir appaiser l'ombre irritée. Quelquefois elle me demandoit si je n'entendois pas une voix plaintive, et si je ne voyois pas des flammes sortir de la terre. Pour moi, épuisé de fatigue, brûlant

de desir, et songeant que j'étois peut-être perdu sans retour dans ces forêts, cent fois je fus prêt à saisir mon épouse dans mes bras; cent fois je lui proposai de bâtir une hutte dans ces déserts, et de nous y ensevelir ensemble. Mais elle me résista toujours. Songe, me disoit-elle, mon jeune ami » qu'un guerrier se doit à sa patrie; qu'est» ce qu'une foible femme auprès des devoirs » que tu as à remplir? Prends courage, fils » d'Outalissi, ne murmure point contre ta,

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destinée le cœur de l'homme est comme » l'éponge du fleuve, qui tantôt boit une » onde pure dans les temps de sérénité, » tantôt s'enfile d'une eau bourbeuse, quand » le ciel a troublé les eaux. L'éponge a-t-. elle le droit de dire « Je croyois qu'il n'y eût jamais eu d'orages, et que le soleil » n'eût jamais été brûlant?s bu

כל

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« René, si tu crains les troubles du cœur, défie-toi des retraites sauvages : les grandes passions sont solitaires, et les transporter au désert, ce n'est que les rendre à leur empire. Accablés de soucis et de craintes, exposés à tomber entre les mains des Indiens cnnemis, à être engloutis dans les eaux, piqués des serpens, dévorés des bêtes, trouvant difficilement une chétive nourriture, et ne sachant plus de quel côté tourner nos pas, nos maux sembloient ne pouvoir plus

s'accroître, lorsqu'un accident

le comble ».

y vint mettre

« C'étoit le vingt-septième soleil depuis notre départ des cabanes : la lune de feu (1) avoit commencé son cours, et tout annonçoit un orage. Vers l'heure où les matrones indiennes suspendent la crosse du labour aux branches du savinier, et où les perruches se retirent dans le creux des cyprès, pour goûter la fraîcheur au milieu du jour, le ciel commença de se couvrir. Toutes les voix de la solitude s'éteignirent, le désert fit silence, et les forêts muettes demeurèrent dans un calme universel. Bientôt les roulemens d'un tonnerre lointain, se prolongeant dans ces bois aussi antiques que le monde, en firent sortir des bruits sublimes. 'Craignant d'être submergés dans le fleuve 'nous nous hâtâmes de gagner le bord, et de nous retirer dans une forêt ».

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« Ce lieu étoit un terrain marécageux. Nous avancions avec peine sous une voûte de smilax, et parmi des ceps de vigne, des indigo, des faséoles, des lianes rampantes, qui entravoient nos pieds comme des filets. Le sol humide murmuroit autour de nous, et à chaque instant nous étions près d'être engloutis dans des fondrières. Des insectes

(1) Mois de juillet.

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