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» messe; je sais trop ce qu'il en coûte, pour » te demander un serment. Peut-être ce vœu »te sépareroit-il de quelque femme plus >> heureuse que moi.... t'aimera-t-on comme » Atala?.... O ma mère, pardonne à ta fille » égarée! ô Vierge, retenez votre courroux! » je retombe dans mes foiblesses, et je te » dérobe, ô mon Dieu! des pensées qui ne » devroient être que pour toi »>!

«Navré de douleur, et poussant des sanglots comme si ma poitrine s'alloit briser. je promis à Atala d'embrasser un jour la religion chrétienne. A ce spectacle, le Solitaire se levant d'un air inspiré, et étendant les bras vers la voûte de la grotte: «Il est >> temps, s'écria-t-il, il est temps d'appeler >>>Dieu ici »!

ire A peine a-t-il prononcé ces mots, qu'une force surnaturelle me contraint de tomber à genoux, et m'incline la tête au pied du lit d'Atala. Le prêtre ouvre un lieu secret, où étoit renfermée une urne d'or, couverte d'un voile de soie: il se prosterne et adore profondément. La grotte parut soudain illuminée; on entendit dans les airs les paroles des anges et les frémissemens des harpes célestes, et lorsque le Solitaire tira le vase sacré de son tabernacle, je crus voir Dieu lui-même sortir du flanc de la montagne ».

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Le prêtre ouvrit le calice; il prit entre

ses deux doigts une hostie blanche comme la neige, et s'approcha d'Atala, en prononçant des mots mystérieux. Cette sainte avoit les yeux levés. au ciel, en extase. Toutes ses douleurs parurent suspendues, toute sa vie se rassembla sur sa bouche; ses lèvres s'entr'ouvrirent et vinrent, avec respect, chercher le Dieu caché sous le pain mystique. Ensuite le divin vieillard trempe un peu de coton dans une huile consacrée; il en frotte les tempes d'Atala; il regarde un moment la fille mourante, et tout-àcoup ces fortes paroles lui échappent:

Partez, ame chrétienne, et allez rejoindre » votre Créateur»! Relevant alors ma tête abattue, je m'écriai, en regardant le vase où étoit l'huile sainte : << Mon père ce >> remède rendra-t-il la vie à Atala? «Oni, » mon fils, dit le vieillard, en tombant dans »mes bras, « la vie éternelle»! Atala venoit d'expirer ».

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DANS cet endroit, pour la seconde fois depuis le commencement de son récit Chactas fut obligé de s'interrompre. Ses pleurs l'inondoient, et sa voix ne laissoit échapper que des mots entrecoupés. Le Sachem aveugle ouvrit son sein, il en tira le crucifix d'Atala« Le voilà, s'écria-t-il, » ce gage de l'adversité! O René! ô mon

fils! tu le vois ; et moi, je ne le vois >> plus! Dis-moi, après tant d'années, l'or » n'en est-il point altéré? N'y vois-tu point » la trace de mes larmes? Pourrois-tu re» connoître l'endroit qu'une sainte a touché » de ses lèvres? Comment Chactas n'est-il >> point encore chrétien Quelles frivoles >> raisons de politique et de patrie, l'ont » jusqu'à présent retenu dans les erreurs de » ses pères? Non! je ne veux pas tarder » plus long-temps. La terre me crie» Quand donc descendras-tu dans la tombe, » et qu'attends-tu pour embrasser une re»ligion divine? O terre! vous ne m'at» tendrez pas long-temps! aussitôt qu'un » prêtre aura rajeuni dans l'onde cette tête » blanchie par les chagrins, j'espère me » réunir à Atala! Mais achevons ce qui me >> reste à conter de mon histoire ».

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« Je n'essayerai point, ô René! de te peindre aujourd'hui le désespoir qui saisit mon ame, lorsqu'Atala eut rendu le dernier soupir. Il faudroit avoir plus de chaleur qu'il ne m'en reste; il faudroit que mes yeux fermés se pussent rouvrir au soleil, pour lui demander compte des pleurs, qu'ils versèrent à sa lumière. Oui, cette lune!

qui brille à présent sur nos têtes, se lassera d'éclairer les solitudes du Kentucky; oui, le fleuve qui porte maintenant nos pirogues suspendra le cours de ses ondes, avant que mes larmes cessent de couler pour Atala! Pendant deux jours entiers, je fus insensible aux discours de l'hermite. En essayant de calmer mes peines, cet excellent homme ne se servoit point des vaines raisons de la terre, il se contentoit de me dire, « mon fils » c'est la volonté de Dieu », et il me pressoit dans ses bras. Je n'aurois jamais cru qu'il y eût tant de consolation dans ce peu de mots du chrétien résigné, si je ne l'avois éprouvé moi-même ».

La tendresse, l'onction, l'inaltérable patience du vieux serviteur du Très-Haut vainquirent enfin l'obstination de ma douleur. J'eus honte des larmes que je lui faisois répandre. « Mon père, lui dis-je, >> c'en est trop ; que les passions d'un jeune » homme ne troublent plus la paix de tes » jours. Laisse-moi emporter les restes de >> mon amante; je les ensevelirai dans quel» que coin du désert, et si je suis encore » condamné à la vie, je tâcherai de me >> rendre digne de ces noces éternelles, qui » m'ont été promises par Atala ».

<< A ce retour inespéré de courage, le bon père tressaillit de joie; il s'écria: « O

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» sang de Jésus-Christ! sang de mon divin » maître, je reconnois là tes mérites! Tu >> sauveras sans doute ce jeune homme. Mon » Dieu! achève ton ouvrage. Rends la paix >> à cette ame troublée, et ne lui laisse de » ses malheurs que d'utiles et humbles

» souvenirs ».

« Le juste refusa de m'abandonner le corps de mon amante; mais il me proposa de faire venir la mission, et d'enterrer la fille de Lopez, avec toute la pompe chrétienne; je m'y refusai à mon tour. « Les » malheurs et les vertus d'Atala, lui dis»je ont été inconnus des hommes; que »sa tombe, creusée furtivement par ta main » et par la mienne, partage cette obscurité ». Nous convînmes que nous partirions le lendemain au lever de l'aurore pour enterrer Atala sous l'arche du pont naturel, à l'entrée des bocages de la mort. Il fut aussi résolu que nous passerions la nuit en prières auprès du corps de cette sainte ».

Vers le soir, nous transportâmes ces précieux restes à une ouverture de la grotte, qui donnoit vers le nord. L'hermite les avoit roulés dans une pièce de lin d'Europe, filé par sa mère ; c'étoit le seul bien qui lui restât de son ancienne patrie, et depuis longtemps il le destinoit à son propre tombeau.

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